1:
Tu Marches, arrives devant l'école. Tu Lâches la main de papa a contre-coeur. A cause du plan vigipirate, il ne peut pas aller plus loin. Tu entres en CE2 dans une nouvelle école.
Tu passes le grand portail de fer rouillé, arrives dans la cour, gigantesque. Tu te retournes: papa fait coucou de la main. Tu serres fort le manche de ton cartable à roulette (tu le trouves laid, trop rose, trop bébé, mais comme il est en bon état, maman n'a pas voulu t'en acheter un nouveau).
La cloche sonne, tu cherches ta classe du regard. On t'a dit que c'était celle tout au fond de la cour, avec une fresque peinte au mur.
Tu t'y rends d'un pas hésitant.2:
La maîtresse était gentille, c'est ce que tu as dit à tes parents hier, mais tu n'as pas envie de te lever. Il n'est pas encore 7 heures, tu dois te réveiller tôt, beaucoup trop tôt. Tu avales difficilement ton petit déjeuner en te frottant les yeux. Tu entends maman chuchoter dans l'oreille de papa « Regarde comme elle a la tête dans le cul, j'avais bien dit que cette école là est trop loin ! »
Tu ne sais pas ce que veux dire cul, mais le bâillement qui décroche ta mâchoire t'empêche de demander. Tu fermes les yeux un instant, cherchant le sommeil qui te fuit.3:
Il est midi, tu patientes devant la cantine. Tu sens l'odeur de pâtes à la souche tomate qui s'en dégage. « Miam !» tu penses. Tu seras vite déçue.
Dans la queue, tout le monde se bouscule. Une cantinière ouvre grand les portes et tout le monde se rue dans la salle, vers sa table fétiche.
La pièce te paraît gigantesque. Dans quelques années, tu la trouveras toute petite, mais en attendant, elle t'impressionne.
Tu t'assois sur une chaise vide, pourquoi donc manges-tu seules, toi qui est si sociale ? En face de toi, une table à quatre places exactement. Tu en occupes donc le quart.
C'est Papa qui t'a expliqué les fractions, hier soir. Tu as tout bien compris, il était très fier de toi.
Une femme, aussi large que haute, pose devant toi une assiette fumante et des couverts un peu sales. Tu te penches et humes le fumet s'en dégageant. Tu n'es pas convaincue, mais tu as faim. Tu saisis ta fourchette et attaque le plat. Les pâtes ne sont pas assez cuites, la sauce tomate est trop chaude et le tout baigne dans une quantité non négligeable d'huile. Tu fais la grimace.4:
Aujourd'hui, tu as oublié ton cartable avant de sortir. La cloche sonne et tu te précipites vers le portail rouillé. Tu te jettes dans les bras grands ouverts de ton père et quand il te demande « mais où est ton cartable ? » tu ne peux pas lui répondre immédiatement. Vous entrez ensemble dans l'école (faisant fit du plan vigipirate) et vous collez vos nez contre la vitre de la salle de classe. La lumière est éteinte, la maîtresse est partie. Vous tentez d'ouvrir la poignée et de forcer la serrure avec une barrette, comme dans les films, mais sans succès.
Vous pouvez deviner la silhouette du cartable rose, contre un petit bureau au fond de la classe.
Après votre départ, vous laissez quand même deux jolies tâches rondes sur la vitre, en souvenir.5:
Quelqu'un s'est assis à côté de toi ! Voilà une semaine que tu es toute seule, tu es bien contente d'avoir de la compagnie. Tu souris à ton camarde, tu n'as jamais eu trop de mal pour te faire des amis.
C'est une jolie petite fille, même si tu ne t'en rends pas compte. Elle a deux joues roses et une peau pâle. Une frange noire tombe sur son front lisse et met en valeur ses grands yeux bleus. Elle est beaucoup plus belle que toi. Tout les garçons sont amoureux d'elle - mais tu t'en fiches bien -.
— Bonjour ! tu lui chuchotes, pour que la maîtresse ne t'entende pas (elle te fait très peur quand elle se met en colère).
La petite fille t'observe de la tête aux pieds, puis t'adresse un sourire grimaçant. Elle se détourne pour parler à quelqu'un d'autre, une amie à elle, sûrement. Elle n'est pas nouvelle, contrairement à toi. Tu as une ouïe très fine, et tu entends: « Eh, Lucie, devine quoi: la nouvelle, elle a des poux !
— Quoi ? Dégeu ! »
Débute pour toi une année d'enfer.
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les mauvaises personnes
Short StoryC'est bien connu, il y a les bon'gens et puis les étrangers, les lopettes et les catins. Les mauvaises personnes.