Ce n'est plus une histoire d'amour.
Tu le sais à la façon dont elle te regarde. Elle ne t'a jamais regardé de cette façon là. Toi, oui, peut-être. Mais toi, tu es prompt à tout, hurler et pleurer, te fâcher et pardonner. Tu es une boule remplie d'énergie et de sentiments, tu vis tout à fond, à 100 à l'heure.
Parfois, ce rythme t'épuise, mais tu n'y peux rien, tu ne sais pas t'arrêter.
Elle, c'est autre chose. D'autres diraient qu'elle est blasée, mais tu ne penses pas comme ça. Calme, peut-être, jolie, sûrement. Ce n'est pas qu'elle te refroidit ni qu'elle te ralentit, tu dirais plutôt qu'elle t'apaise.
Elle est ta station essence sur ton autoroute de la vie. Mais il n'y a pas d'essence dans ses pompes, seulement de l'amour.
Tu ne sais pas d'où tu sors cette métaphore.
« Bien pourrie. »
Ce n'est pas vraiment le moment, en plus. Même si ça l'était, tu ne sais pas si elle aimerait la comparaison. Les aires d'autoroutes puent l'urine, la saleté, la pauvreté, la pollution.  Et puis il y a le bruit constant des voitures et tout ses déchets qui jonchent le sol.
Là, l'autoroute est déserte. Il n'y a pas une seule voiture. Il n'y a que toi, à côté du carrefour désert, seul. Tu vois le cyclone se rapprocher dangereusement. Une tornade terrible, qui emporte tout sur son passage, souvenirs, amour, moments partagés, promesse de fiançailles, baisers, un enfant peut être, deux qui sait ? Cette futur fille et ce futur garçon, comment se seraient-ils appelés, Alice, Alain, quelque chose qui rappelle un peu son prénom à elle, en tout cas. Tous ces prénoms et ces promesses, ils sont détruits dans la tornade, la tornade de sa colère.
Et tu sais que quand elle s'arrêtera, elle aura tout détruit sur son passage. Tout sera à reconstruire.
— C'est cette salope que tu voyais !
Tu voudrais lui expliquer, mais ses cris te font peur.
« C'est bruyant, les tornades. »
Tu regardes ailleurs.
— Tu as couché avec elle ? Tu l'as embrassée ? Tu as parlé avec elle ?
Tu ne te souviens pas très bien, même tes souvenirs de l'autre sont emportés dans la tornade.
Tu as envie que ça cesse, mais elle continue de crier.
Elle s'arrête. La tornade est passée.
Mais tu vois le cadavre ensanglanté de son amour pour toi dans ses yeux.
« Combien de points de suture ?»
Tu vas devoir te ruiner en frais d'hôpitaux. Est-ce que cela servira même à quelque chose ? Ne va-t-il pas finir par mourir à la suite de ses blessures ?
« C'est la tornade qui l'a tué ?»
Non, ce n'est pas ça, c'est autre chose. Votre amour a déjà fait face à de petites tempêtes, il aurait pu résister à une grande. Quelque chose l'a affaiblit. Est-ce toi ? Tu ne voulais pas, pourtant. Tu ne penses qu'à lui, tous les jours.
Tu te reprends. Il n'est pas encore mort. Mais si tu n'appelles pas une ambulance, maintenant, tout de suite, il passera vite de l'autre côté.
Tu te jettes à genoux. Tu pleures en demandant pardon. Tu baises ses chaussures, tu lui dit qu'elle est la femme de ta vie, tout ton amour, tu lui parles d'Alice et d'Alain, puis de la tornade, de l'ambulance et de l'aire d'autoroute.
Ça n'a pas l'air de lui plaire. Elle s'en va.
L'ambulance n'est pas venue. Le lendemain, dans le journal, on apprendra que ton amour est décédé des suites de ses blessures.

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