Chapitre Deux : Un éclair bleu

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J'ai toujours été attentif à ce qui m'entourait, depuis tout petit. Je faisait attention à tout, et sans m'en rendre vraiment compte. Je regardais l'environnement et les personnes. Par exemple, je remarquai le nombre de nids d'oiseaux dans les branches des arbres, la mélodie du piano s'échappant de la fenêtre de la maison voisine, les rires des enfants qui jouaient sur la pelouse tout les samedis après midi. Enfin, tout ces petits détails du quotidiens bien qu'il soit inutiles et inintéressants. Je les remarquai. Je n'en avait bien sûr rien a faire et cela m'enervait plus qu'autre chose mais je n'y pouvais rien. Faute de parler, j'écoutais et j'observais.

Dans le quartier il y avait une maison, une petite maison blanche aux volets rouges et au toit de tuiles noires, en vente depuis belle lurette. Fred et Julie s'amusaient a l'appeler la "chaumière", bien qu'elle n'eut pas de toit de chaume, mais disaient-ils "cette maison a un air de famille avec la maison de Blanche-Neige et des sept nains". C'était donc le surnom qu'on lui avait donné. La chaumière.

Je passais tous les jours devant cette petite maison, pour aller au collège les années passées puis pour me rendre au lycée. Et ce jour-la je remarquai immédiatement une différence.

J'étais seul ce matin. Une brioche fourrée dans la bouche, je pédalais a toute vitesse, tentant de rattraper le retard que j'avais pris. Je m'étais encore levé en retard. Sans Julie pour me réveiller, c'était un peu plus compliqué. Je ne sais pas comment mais au collège nous avions toujours été dans la même classe tout les trois - sûrement un coup du destin - et je ne m'étais jamais soucier de l'heure plus que ça car Julie venait tout les jours nous chercher. Cette année par contre, nous nous étions retrouvé dans trois classes differentes et le changement se faisait ressentir. Je n'étais pas arrivé à l'heure une seule fois depuis la rentrée. En toute honnêteté, je pense que cela n'arrivera jamais ou alors ça relèverait du miracle.

Ce matin-la, j'essayais encore une fois de ne pas être en retard, lorsque j'arrivais a la hauteur de la chaumière. Je remarquai avec surprise que le panneau "a vendre" qui pourissait là depuis plusieurs années avait été enlevé et remplacé par un "vendu" tout neuf. Oui je sais, ce n'était pas grand chose, mais je m'étais tellement habitué a voir la même pancarte tout les jours que ça m'avait fait drôle sur le coup.

J'avalais rapidement le reste de ma brioche, et, en passant en vitesse devant la chaumière, je songeai aux personnes qui viendraient bientôt s'y installer. Je me souviens encore de l'ancienne propriétaire. C'était une vielle dame gentille avec tout le monde. Je me rappelle que malgré le fait qu'elle vivait seule et ne semblait pas avoir de famille, elle avait toujours le sourire. Elle était morte il y a quelques années.

Je laissai la chaumière derrière moi, avec la pensée qu'au fond, peut importe la personne qui allait venir vivre ici, je n'en avait rien a faire.

J'avais trouvé un nouvel itinéraire pour me rendre au lycée - plus précisément Julie m'en avait trouvé un - pour ne pas avoir a passer sous les cerisiers. Le seul problème était qu'il me rallongeait d'au moins 10 minutes. Je regardais ma montre et constatai avec horreur que je n'aurais jamais le temps.
La seule solution était que je prenne l'allée des cerisiers. Si je pédalais vite, ca passera tout seul. Je n'avais rien a craindre. Seulement, il ne me fallait pas perdre de vue mon objectif : le bout de l'avenue.

Il ne me fallu pas deux minutes pour arriver sur l'avenue. Je ne jetai pas un regard au Théâtre ni aux cerisiers et je me mis a accélérer, et accélérer encore jusqu'à ce que j'en vienne a dépasser certaines voitures. Le bout de l'avenue était tout proche. Et rien ne semblait pouvoir me détourner de mon but.

Un éclair bleu. Un regard.

Quand j'y repense, c'est la que je l'ai vu pour la première fois. Dans une petite voiture bleue, la tête appuyée contre la fenêtre, observant les voitures défilants de l'autre coté de son monde de verre. Nous allions dans des directions différentes, et pourtant nos regards s'étaient rencontrés. Et depuis cet instant, tout, de la couleur de ses yeux jusqu'à l'expression de son visage, est gravé en moi. Oui, encore aujourd'hui, c'est ce regard que je vois quand je ferme les yeux et que je pense a elle.

Sous les Cerisiers en PleursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant