Chapitre 4

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Chapitre 4 :

Sa vue se troubla si subitement qu'il s'écroula au sol, les membres tremblants. Sa respiration se faisait trop rapide, des sueurs froides coulaient le long de sa nuque, jusque dans son dos, sa tête était prise de vertiges et il peinait à apaiser les battements de son cœur. Il pleura pendant de longues minutes, recroquevillé sur lui-même, frissonnant lorsque la fraicheur de la nuit entra en contact avec sa peau. Il souffla un grand coup, et tenta de retrouver ses esprits. Ce n'était pas le moment de regretter... C'était trop tard. Il l'avait tuée. Il baissa les yeux sur ses mains ensanglantées, et les fixa longuement, comme aspiré par la vivacité du liquide rouge qui glissait le long de ses doigts pour s'étaler sur le trottoir déjà grandement tâché. Puis soudain, il sursauta, comme s'il eut été frappé en plein cœur. Il se leva à toute vitesse et se jeta sur le corps inerte d'Eva, dont le teint livide taché de sang gardait une beauté angélique. Il la serra dans ses bras le plus fortement possible, hurlant sa peine au monde entier. Ses gémissements de douleur raisonnèrent entre les murs sales de l'impasse, et s'envolèrent vers le ciel, indiquant le chemin à la jeune femme qui avait lâché son dernier souffle quelques minutes auparavant. Il pleura sans cesse, la suppliant de rester avec elle, qu'il se rattraperait, qu'il ferait tout pour lui offrir une belle vie, à elle, et à leur futur enfant. Il l'implora de l'écouter, de ne pas l'abandonner, lui qui était déjà si seul.

« Je t'en prie Eva... Ne me laisse pas... Je t'aime... » Murmura-t-il de sa voix brisée.

Il caressa sa joue froide, lui replaça quelques mèches de cheveux égarées, lui essuya la saleté qui s'aventurait sur sa peau délicate. Il était persuadé qu'elle ouvrirait bientôt les yeux, il le savait. Il caressa amoureusement ses lèvres de son pouce, et saisit sa main glacée avec tendresse. Il lui murmura des mots doux à l'oreille, lui promettant de veiller sur elle quoiqu'il arrive, de ne laisser jamais plus personne lui faire de mal, de faire de sa vie un pur bonheur... Mais de là où elle se trouvait, Eva ne pouvait plus l'entendre. Il posa doucement sa main contre le petit ventre rond qui se formait sous la belle robe de la jeune femme.

« Notre bébé sera magnifique tu verras... » Souffla-t-il avec amour, « Je suis sûr qu'il aura tes beaux yeux bleus... Si c'est une fille, j'aimerais tant l'appeler Evangeline... Comme toi. »

Un fin sourire s'afficha sur ses lèvres lorsqu'il imagina leur enfant dans ses bras, bercé par le doux chant de sa mère. Mais la vision de sa bienaimée étalée au sol lui retira tout espoir. Elle était partie... Les premiers rayons du soleil donnaient une teinte orangée au ciel, et la lumière se répandait peu à peu sur la ville. Il put voir plus nettement les traits de son amour, l'étrange pâleur de sa peau, l'inactivité de son corps, et ses yeux grands ouverts, ne traduisant aucune expression. Elle avait un visage neutre, apaisé, et Aris songea qu'il avait oublié à quel point elle était belle, à quel point il l'aimait, lui qui croyait la détester. Une larme roula, puis une seconde, bientôt suivies de sanglots plus douloureux les uns que les autres. Il posa doucement sa tête contre le sol, prenant soin de ne pas écorcher davantage sa peau. Puis il se releva, avec beaucoup de peine, et prit un certain temps à calmer les tremblements de ses jambes. Il quitta l'impasse qui cachait les lourds secrets de la nuit, et rentra chez lui, le pas las. Il songea à toutes sortes de choses, comme le fait que la serveuse trouverait sans doute étrange le fait qu'Aris ne soit pas présent à l'heure d'ouverture du café, le fait qu'il ne devait pas oublier qu'il avait promis à l'un de ses collègues de faire ses tâches le lendemain puisqu'il serait absent. Cependant, il ne pensa pas une seconde à Eva, comme si la jeune femme se portait merveilleusement bien, et qu'il n'avait nulle raison de s'inquiéter quant à son état. Ce ne fut qu'une fois chez lui qu'il réalisa. Il venait de perdre ce qu'il avait de plus cher au monde. Il venait de perdre les deux êtres qui comptaient le plus à ses yeux. Il venait de perdre ses raisons de survivre dans ce monde. Il venait de perdre tout espoir d'être un jour de nouveau heureux. Elle était partie, elle s'était envolée avec leur enfant, et avait amené avec elle le cœur d'Aris qui n'attendait à présent plus rien de la vie. Il ne trouva le courage de contempler la dernière photo qu'il possédait de sa bienaimée, et décida de se coucher, la nuit ayant été longue et épuisante. Il ne prit guère la peine de se dévêtir, de toute façon qu'est-ce que cela pouvait-il bien changer ? Il s'enroula sous sa couette, et tenta de trouver le sommeil.

Une Minute FataleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant