Chapitre 7

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Chapitre 7 :

Il sentait des sueurs froides couler le long de son dos, ses mains moites tremblaient d'anticipation, et tout son être était traversé par de délectables frissons. Des sensations étranges, peu communes qui lui étaient encore inconnues et qui parcouraient tout son être dans une ivresse exaltante. Il n'avait discerné de perceptions depuis si longtemps qu'il en avait oublié leur saveur. Il sentait des vertiges perturber son esprit, sa vision tanguait et s'assombrissait peu à peu tout comme son être intérieur qui se réveillait doucement. Il tenait en main un couteau et cette idée le fit sourire. Pour une fois depuis des mois, il avait un but dans sa vie. Il voulait venger son amour et lui permettre de s'évader en paix dès que son âme serait satisfaite. Eva marchait à ses côtés tandis qu'il pénétrait dans les quartiers riches, zone qu'il n'avait revue depuis quelques jours. Elle marchait d'un air enjoué, ravie de connaître les intentions très appétissantes de son compagnon. Ce n'est qu'une fois que la future victime apparue dans son champs de vision qu'elle s'éclipsa dans un souffle presque inaudible. Il soupira doucement comme pour s'encourager et s'approcha de l'homme qui avait aimé, touché, gâté la femme qui lui appartenait et qui lui dépendrait pour toujours une fois son crime exécuté. Il regarda furtivement les alentours pour constater avec satisfaction que les rues étaient parfaitement désertes. Il semblerait que même le monde soit de son côté et l'encourage en lui offrant les meilleures conditions possibles. Il se surprenait par ses propres songes, il s'apprêtait à retirer la vie d'un être humain, et il y pensait de façon si négligente comme s'il s'agissait d'une tâche banale dont on souhaite se débarrasser rapidement et proprement. En réalité, il ne prenait pas encore entièrement conscience de ses gestes, il était perdu dans un esprit incapable de raisonner. Durant de courtes minutes, il crut avoir bu un peu trop étant donné ses pensées floues. Il s'avançait doucement d'un pas machinal comme s'il eut été contrôlé par une force extérieure et qu'il ne pouvait faire autre chose que d'obéir à cette sensation captivante qui grandissait en lui. Il n'était pour autant que très peu confiant et ses membres tremblaient sous cette angoisse oppressante qui le torturait doucement. Il regarda sa montre. L'aiguille tournait sans cesse, le temps s'écoulait tranquillement, et les évènements le suivaient inconsciemment. Trois minutes. Le cliquetis de l'aiguille raisonnait dans son esprit à chaque pas effectué vers sa cible. Tic Tac. Le temps roule, il court, emportant tout sur son chemin. Il est ce qu'il y a de plus dévastateur en ce monde. Il passe, et peu importe les actes des hommes, il continuera de défiler, sans que rien ni personne ne puisse jamais le stopper. Deux minutes. Qui croit maîtriser le temps ne maîtrise en réalité qu'un rêve idéal. Il est inaccessible. Tic Tac. Le temps est maître. Il peut être dévastateur lorsqu'il passe, et que rien ne change... Lorsque nous réalisons cela, la souffrance et telle qu'elle nous hante pendant des jours, des mois, des années. C'est au temps de décider. Il peut tout changer, ou tout conserver. Il est incontrôlable, imprévisibles, et c'est ce qui est attirant en lui. Nous ne pouvons jamais savoir ce qu'il va se passer, nous ne pouvons être certain de notre avenir, et pourtant il y a toujours ce même espoir de maîtriser le temps. Son temps. Nous le perdons injustement, notre temps. Il n'est pas à nous, il n'est à personne, il appartient à l'éternité. Il fait du présent le passé, et du futur le présent. Tic Tac. Il est constamment réel, même lorsque nous l'oublions, il est toujours là. Tout peut basculer en une seconde, un monde peut être détruit si vite. Une vie peut s'envoler si rapidement. Une minute.

Il se stoppa lorsqu'il jugea la distance qui les séparait comme étant suffisante pour ne pas manquer son coup. La future victime sembla discerner sa présence et se retourna lentement vers l'inconnu.

« Je te connais toi... Tu es l'ex d'Eva ! »

Trente secondes.

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Les volets de bois cassés se balançant au rythme brutal du souffle venteux, les rideaux volant dans les airs, les fenêtres brisées grinçant bruyamment contre le mur délabré, le sol humide, froid, fissuré, tout comme les murs et le plafond. C'était ici qu'il avait repris ses esprits. Une maison perdue au fond d'un bois, loin de toute civilisation, s'enfermant seul dans sa prison. Il n'était pas réellement prisonnier physiquement, mais sa séquestration psychique le torturait douloureusement. Tout son être était rongé par la culpabilité, la peur, l'angoisse, l'inquiétude, le soulagement, l'amertume... La folie. Il devenait peu à peu fou, perdu dans un autre monde qui était celui de son esprit malsain, impur, tourmenté. Il cogna pour la énième fois le mur de bois humide, hurlant sa douleur. Il souffrait, un tourment intérieur qui lui dévorait chaque organe, chaque particule de son être, chaque goutte de son sang... Le sang. Il l'avait vu jaillir, il l'avait vu se répandre, s'étaler sensuellement, se disperser, tacher. Ses membres se mirent à trembler tandis qu'il posa machinalement les yeux sur ses mains. Elles étaient encore souillées par le liquide rouge qui avait séché mais qui ne perdait nullement l'intensité de sa couleur. Cette couleur vive, unique, hypnotisante. Il éclata de rire en réalisant que ce sang n'était pas le sien, mais celui de l'homme qu'il avait maudit pendant si longtemps. Il soupira en songeant qu'il n'était plus, qu'il avait mérité ce traitement, lui qui avait assassiné son amour et qui avait su échapper à la justice grâce à sa notoriété. Cette réputation qui n'était plus que cendres dorénavant.

Tic Tac.

Il arracha sa montre et l'envoya loin de lui avec une rage inattendue. Il voulait s'échapper du temps, le quitter, lui et ses effets. Il perdait le contrôle de lui-même, il ne parvenait à raisonner, son esprit n'était plus le sien, il n'était plus qu'un pantin guidé par ses sentiments, ses pulsions insoupçonnables qui demeuraient endormies en lui durant tout ce temps, et qui s'étaient finalement éveillées.

Il regarda sa cheville blessée. Il ne se rappelait plus de rien. Il était conscient qu'il avait commis un délit, mais il ne pouvait se l'avouer. Le bracelet électronique lui avait été arraché. Comment avait-il pu faire cela ? Il ne s'en souvenait guère. Son être semblait plongé dans un état passif, il paraissait subir le monde, le temps, ses actes, ses sentiments. Il se faisait face, à son réel lui. Il était fou. Il explosa une nouvelle fois d'un rire nerveux, comme forcé. Allait-il devoir passer le reste de ses jours caché dans un bois pour fuir les autorités ? Il pouffa en songeant qu'elles voulaient le plaçait en prison. Ne comprenaient-elles pas qu'il y était déjà, en prison ? Qu'il était séquestré dans un corps qui n'était plus le sien, qu'il était condamné à subir son être enfoui. Il était fou. Une folie inexplicable, une folie désespérée, celle qui nous empêche de prendre conscience de cette réalité trop dure, trop rude. Elle nous éloigne du monde, elle maîtrise, elle est plus forte que nous. Elle est comme le temps. Imprévisible, dévastatrice, et même sans le savoir, elle est toujours là, au fond de nous. Mais surtout, elle est attirante.

Une larme roula. Il était submergé par tant de sentiments qu'il en était confus. Il était malheureux. Il avait pourtant réussi à passer une nuit agréable, aucunement dérangé par les visites troublantes d'Eva. Elle l'avait abandonné à sa folie. N'était-elle pas elle-même source de son déséquilibre mental ?

Un bruit sourd dans la pièce voisine attira son attention. Il sentit son cœur s'accélérer et la peur lui noua l'estomac. Une sensation, une vraie. Celle qui vous paralyse, qui saisit tout votre être avec une force inégalable. C'était cela la peur, et il fut enchanté de la ressentir enfin, elle qui l'avait quitté trop longtemps, lui faisant oublier son humanité. Il ouvrit doucement la porte de bois dans un grincement insupportable. Il sursauta en découvrant les lieux, mais surtout ce qui s'y trouvait... Qu'avait-il fait ? Sa mémoire s'était envolée avec sa raison. Il ne se souvenait plus de rien, mais sans doute était-ce mieux ainsi... Il avança doucement vers la pauvre victime qui tremblotait et gémissait sous le bandeau qui l'empêchait d'émettre une quelconque parole compréhensible. Ses yeux apeurés se posèrent sur Aris, et il sourit en voyant une larme rouler sur le visage détruit de cet inconnu. Il avait peur d'Aris... Tout comme lui-même. Il se faisait peur, mais il aimait cela...

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Ce chapitre est beaucoup plus court que les précédemment, et je sais également que j'ai pris énormément de temps avant de le publier. Encore une fois, c'est à cause du temps qui me manque et je m'en excuse, j'essaierais d'être la plus régulière possible dorénavant.

Merci pour votre lecture, j'attends vos avis ~

Une Minute FataleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant