la fille du bus

3

point de vue de deen.

Si je m'étais attendu à ça. Après avoir reçu la réponse de mon frère, me faisant très bien comprendre qu'il se fichait que je sois là ou pas, puisqu'il allait de toute façon finir sa soirée chez sa jolie brune, je n'eus plus aucun scrupule à le laisser là. Je connaissais Jekhyl, il se débrouillerait.
J'avais donc continué ma route comme si de rien n'était, m'éloignant peu à peu de cette boîte de nuit, les yeux rivés sur mon téléphone, une cigarette entre les lèvres, ne relevant que de temps en temps mon regard pour être sûr et certain que j'allais bien dans la bonne direction - et que je ne fonçais pas droit sur un lampadaire. Ce ne fût que, au moment de tourner pour la dernière fois avant d'apercevoir l'arrêt de bus, que je remarquai en relevant une nouvelle fois les yeux, la chevelure blonde platine qui me rappelait vaguement quelque chose. Il me fallut quelques secondes, avant de comprendre pourquoi elle me paraissait si familière. Non. Ce n'était qu'une simple coïncidence. Du moins, c'est ce dont je tentais de me convaincre, jusqu'à ce que, quelques mètres avant l'abris bus, la tempête blonde platine se retourne vivement dans ma direction, et que ces yeux noirs, et glacials ne se posent sur moi.

- C'est quoi ton problème à me suivre ? dit-elle d'un ton agressif, qui laissait très bien entendre que si elle avait eût un taser dans les mains, elle n'aurait eût aucun remord à l'utiliser.

Il ne me fallut honnêtement pas plus de quelques secondes pour reconnaître la fille qui m'avait obsédé dans le bus la semaine dernière. Celle pour qui j'étais descendu au mauvais arrêt et qui s'était volatilisé. Pendant un instant, mon cerveau mit la scène sur pause, se demandant si c'était une blague du destin de retrouver là, la fille qui m'avait retourné la tête une semaine plutôt, au moins toute une nuit.
Elle avait parlé avec une telle agressivité, que, pendant quelques instants, je me demandais si c'était bien à moi qu'elle parlait. J'avais même été tenté de me retourner pour en être certain, avant de finalement réaliser qu'elle devait croire que je la suivais depuis un bon moment, ce qui était pourtant loin d'être le cas. Peut-être même m'avait-elle reconnu, même si j'en doutais fortement, et pensait-elle que je la suivais depuis plus d'une semaine ? Cette pensée s'écarta bien rapidement. Si j'avais passé tout mon voyage en bus à la fixer quelques jours plus tôt, elle, ne m'avait presque pas lâché un seul regard. Cela aurait donc été très étonnant qu'elle me reconnaisse dans de telles circonstances.

- Euh, répondis-je d'un ton assez hésitant en me grattant la nuque, je viens prendre le bus, comme toi, je suppose ?

Tout en prononçant ces mots, je pointais du doigt le véhicule, qui, justement, était à l'autre bout de la rue, et arrivait dans notre direction. Elle se tourna, méfiante, et quand elle compris que je ne mentais pas, l'expression sur son visage changea totalement. Elle paraissait à présent bien plus gênée qu'autre chose, probablement parce qu'elle venait tout juste d'agresser un inconnu sans raison valable, mais personnellement, je trouvais la scène comique. Plus encore, je remerciai presque le destin, le karma, ou toute entité de ce genre de m'avoir sorti de mes pensées. Sans ça, je n'aurais probablement pas remarqué que c'était la même fille que j'avais croisé quelques jours plus tôt.
Je vis ses lèvres bouger, et, même si je n'entendis pas clairement les mots qu'elle prononça, j'étais à peu près sûr qu'elle s'excusait, même si elle ne le faisait pas de bonté de cœur apparemment. Après m'avoir lâché un dernier regard, elle s'était retourné, faisant voler ses cheveux clairs, et elle s'était dirigé vers le bus, qui était sur le point de se garer.
Intrigué par cette rencontre plus qu'inattendue, je pris une dernière bouffée de ma cigarette avant de la jeter sur le trottoir et de l'écraser avec mon pied. Une fois le couple devant moi rentré dans le bus, j'entrai à mon tour dans l'habitacle, et, après avoir présenté ma carte de bus au chauffeur, je me dirigeai directement vers le fond du bus, comme à mon habitude. De plus, je profitai que le bus sois quasiment vide pour m'installer sur la dernière banquette, dans la rangée du fond. J'adorais cette place. Ça me permettait de pouvoir observer les gens sans moi-même être vu. Jekhyl trouvait ça vicieux. Moi, je trouvais ça plutôt distrayant.
Je ne m'attendais pas à ce que l'extrémité gauche de la banquette sois déjà occupée par la blonde qui m'avait interpellé plus tôt. Quand elle me vit m'approcher d'elle pour finalement m'asseoir à l'autre extrémité de la rangée, du côté de la vitre donnant sur le trottoir, elle haussa un sourcil.