prologue

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Je ne compris vraiment que la situation avait dérapé, que quand je me rendis compte, que pour tenter de marcher droit, j'étais obligée de m'aider en m'appuyant sur un vieux mur en brique. Si ma mère m'aurait vu, là, gelée, et titubante, dans une ruelle miteuse, près d'un entrepôt plein de drogue et de mafieux, dans un quartier mal famé de la banlieue de Moscou, elle aurait probablement eu honte de moi. Moi-même, j'avais honte de moi. Comment la situation avait-elle pu autant déraper en seulement deux ans ? 
Tout paraissait tellement plus facile quand elle était encore en vie. Aujourd'hui, quand je me regardais dans le reflet d'un miroir, je ne m'y reconnaissais plus. J'étais maigre, à faire peur. Mes joues étaient beaucoup trop creusées, mon teint était grisâtre, et mes cernes achevaient de me faire un vrai look de cadavre. C'était cet effet que la drogue avait sur les gens. C'était cet effet qu'elle avait eût sur moi.
Pourtant cette fois-ci, quelque chose est différent de d'habitude. Une fois l'euphorie de mon dernier rail totalement retombé, j'étais sortie du bâtiment. Je me sentais mal à l'aise pendant les échanges importants, notamment ceux qui réunissaient les personnes les plus dangereuses du pays. Et puisque Vik' m'avait déjà fait très bien comprendre que j'étais inutile dans ce genre de rendez-vous, il n'avait probablement même pas remarqué que je m'étais éclipsé. Mais cette fois-ci, en plus des effets de la drogue qui se dispersaient, et de ma gêne, il y avait autre chose. Et même l'air frais de la nuit n'y changea rien, puisque, malgré les températures plus que basses, j'étais en sueur. 
Quelque chose clochait vraiment, et mon besoin de sortir de cette ruelle craignos se faisait de plus en plus pressant. Tant pis pour Vik', il se démerderait pour me retrouver. Il en avait l'habitude. Malgré mes supplications, mes jambes refusaient d'avancer plus vite. Elles n'étaient même pas coordonnées. C'était presque comme si je ne contrôlais plus mes mouvements. Au bout de seulement quelques mètres, je dus même m'arrêter, prise par une soudaine nausée.  Pliée en deux, je ne rendis qu'un peu de bile, et, alors que je me redressais lentement, un bruit me fit sursauter, cette fois-ci avec un peu plus d'énergie.
Sans lâcher le mur, je tentai de vérifier qu'il n'y avait personne derrière moi, mais entre mon état plus que douteux et l'obscurité omniprésente dans ce genre d'endroit, je n'y voyais pas à plus de deux mètres. 

- Y a quelqu'un ? demandai-je assez fort, du moins, c'était ce dont j'avais l'impression. 

Bien évidement, personne ne répondit. En revanche, le bruit recommença, et cette fois-ci, c'était bien plus proche de moi. Mon rythme cardiaque commença automatiquement à s'emballer, et je me remis à tituber, espérant que la personne qui tentait de me faire une frayeur aurait pitié de mon état plus que lamentable. Un long frisson dévala le long de ma colonne vertébrale, et je ne pus m'empêcher de me demander, tout en tentant de marcher droit, comment était-il possible d'avoir si chaud et si froid à la fois.
Le bruit, que je n'arrivais toujours pas à identifier, se répéta, une fois, puis deux. A chaque fois, cela semblait plus proche de moi, et je commençais vraiment à paniquer. Les battements de mon cœur, résonnaient de plus en plus fort dans mes tympans, et ma gorge était tellement serrée qu'elle ne laissait presque plus passer de l'air jusque dans mes poumons. 
Mon énergie me quittait, et mon affolement n'aidant absolument pas, je trébuchais à seulement quelques mètres de l'angle de la rue, pour m'étaler de tout mon long. Je ne sentis même pas le sol se dérober sous mes pieds, et cette chute ne me fit aucun effet. Mes mains étaient tellement gelée, que je ne me rendais même pas de suite compte, que je me les étais égratignées, et qu'elles saignaient légèrement.
Mon cœur battait toujours la chamade, et, j'étais à deux doigts de rendre de nouveau mes tripes. Je ne m'en étais pas rendue compte jusque là, mais je tremblais littéralement comme une feuille, et même me recroqueviller sur moi-même n'y changea rien. Comment tout cela avait-il pu autant déraper ?

Pour être honnête, je ne sais pas combien de temps je suis restée là, allongée dans le froid tel un cadavre, espérant qu'avec un peu de temps, Vik s'apercevrait de mon absence et se mettrait à me chercher. J'y ai cru. J'y ai vraiment cru. Mais il n'est jamais arrivé, et tandis que je sombrais dans l'inconscience, je me suis rendue compte que c'était une façon minable d'achever ma vie déjà bien misérable. Pendant ce qui aurait pu être des heures, je suis restée là, à penser que j'allais mourir de froid dans cette ruelle crade, et quand, les yeux à moitié ouverts, au bout d'un certain temps, les phares d'une voiture m'ont aveuglés, j'ai même cru que la mort était réellement comme ces foutus films pleins de clichés; un long couloir lumineux. La dernière chose dont je me suis souvenue de cette nuit-là, c'était la silhouette sombre se découpant dans la lumière des phares, se dirigeant droit sur moi.

la fille du busOù les histoires vivent. Découvrez maintenant