Chapitre III

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A bien des égards, Dastan avait l'impression que les problèmes et les contrariétés s'accumulaient sur ses épaules, au point qu'il commençait à se sentir écraser par les soucis.

L'orage qui s'était abattu sur le royaume quelques jours auparavant ne s'était pas dissipé. Bien au contraire, il s'était étendu non seulement au dessus de toutes les terres d'Évasia, mais également sur l'ensemble des sept royaumes.

L'épaisse couche nuageuse recouvrait le ciel comme une couverture d'un camaïeu de gris sinistre et menaçant. Des éclairs en jaillissaient souvent tels des serpents furieux alors que, dans le même temps, des coups de tonnerre assourdissant éclataient avec violence et fracas dans les cieux déchainés. La pluie variait d'intensité au fils des heures, tantôt petite bruine, tantôt grosse averse allant même parfois jusqu'à la grêle sans jamais cesser totalement. Enfin, une nappe de brouillard s'étendait partout. Épais comme de la ouate, aussi glacé que la mort elle-même, il enveloppait la végétation, les villes, et les forêts, assourdissait les bruits et les voix, et rendait impossible pour quiconque de voir quelque chose au delà de l'extrémité de ses souliers.

Ce n'étaient pas là des phénomènes naturels.

Dastan, soupira en regardant le ciel sombre par les carreaux de la fenêtre du cabinet de travail qu'il partageait avec son père.

C'était une pièce de taille moyenne, rectangulaire et haute de plafond, meublée de bibliothèques qui croulaient sous les livres et les parchemins. Il s'agissait de textes de lois, d'accords commerciaux, de jugements rendus sur des affaires importantes, de correspondances officielles avec les monarques des autres royaumes, ainsi que d'autres documents de la même importance. Le centre de la pièce était occupé par deux grandes tables encombrées d'encriers, de plumes éparpillées, de cire rouge pour les seaux, d'une fine dague qui servait de coupe papier, de bougeoirs, et de rouleaux de parchemins vierges. Un feu crépitait allégrement dans l'âtre de l'imposante cheminée sur le manteau de laquelle était disposé deux chandeliers dorés. Dans un des coins du cabinet était posé un lourd coffre de métal. Il était fermé par un cadenas car il recelait le seau royal ainsi que certains documents particulièrement précieux et confidentiels.

Installés dans leur fauteuil respectif, le prince et son père travaillaient à apporter des solutions aux dégâts causés par la terrible tempête.

Il était presque midi mais il faisait pourtant presque aussi sombre qu'au crépuscule. Les chandelles qui brûlaient partout dans le château, de jour comme de nuit, ne parvenaient plus à chasser l'obscurité grandissante qui semblait vouloir les étouffer chaque jour un peu plus.

- Nous n'avons plus vu la lumière du jour depuis que ce maudit orage est apparut ! Grogna Dastan en reportant son attention sur le roi.

- C'est vrai, et c'est loin d'être le seul problème qu'il nous pose, rétorqua ce dernier en se massant les tempes.

Et ce n'était qu'un euphémisme. Le froid avait détruit les récoltes, les pluies incessantes menaçaient de faire sortir la rivière de son lit, inondant ainsi plusieurs parties des terres du royaume. La foudre s'était abattue en divers endroits, déclenchant des incendies dans des zones habitées et faisant plusieurs blessés.

En outre, l'humidité constante et le froid qui régnaient même à l'intérieur, et cela en dépit des feux de cheminés, commençaient à rendre les habitants malades.

- Chaque heure qui passe apporte une nouvelle catastrophe, acquiesça Dastan. Que peut-on faire ?

Le roi Léopold posa sur son fils un regard las. Les évènements des derniers jours l'avaient particulièrement épuisé.

L'Appel du PrinceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant