Le dénouement

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Daniel était en prison.

Il ne s'était pas débattu, même pas un un peu. Il avait repris sa douceur habituelle, un vrai petit agneau... C'était impossible de croire sans avoir vu que c'était ce garçon si calme qui avait tué un homme de sang froid. J'allais souvent le voir en prison, mon frère chéri que j'aimais tant... Il avait mal agi, mais il a fait ça par amour.

J'ai convaincu ma famille de se réconcilier avec Marie. Elle n'avait pas beaucoup de temps pour vivre, il fallait en profiter au maximum... Le choc avait été grand, mais il fallait tourner la page. Heureusement, ils ont fini par accepter, et Marie était finalement de retour à la maison, jusqu'à la fin de sa vie.

Elodie avait repris ses études, Irène pareil. Elles étaient vraiment revenues à l'ordre.

Papa et maman étaient en bonne intelligence. En fait, tout allait bien à la maison. Bien sûr, les problèmes ne manquent jamais dans un couple, mais là au moins, l'air était plus vivable qu'avant.

Et moi? J'avais toujours ces crises de délires, malgré la mort du commandant. J'ai été donc envoyée à l'UPK, vers le docteur Léa Kamba. Elle m'avait accueilli avec grande chaleur, c'était la meilleure psy du pays, mais... Je ne sais pas comment dire. Il y avait ce petit truc que je ne trouvais pas en elle. Elle faisait de son mieux, mais il y avait cette barrière qu'elle ne pouvait pas franchir, et que je lui empêchais de franchir.

Lorsque Myriam est venue vers moi, elle jouait un peu les timides, mais elle m'a tout de suite charmée. Elle ne se préoccupait pas du fait qu'on venait à peine de se connaître vous savez, elle me posait un millier de questions à la fois! C'est ça que j'ai aimé, son audace. Il n'y avait pas de protocole avec elle, elle ne ménageait pas ses mots. D'habitude, je suis très pointilleuse avec ce genre de personnes; je les remets à leur place parce que de nature, je n'aime pas les indiscrets. Mais avec elle, c'était différent. Je n'avais pas la force de lui parler comme aux autres, j'aimais ses questions. J'avais envie de lui parler. Vraiment, de lui dire tout, sans rien cacher, même si elle n'était pas une psy... Mais remarquez, c'est grâce à elle que mes crises de délires sont définitivement partis et que j'ai eu la paix que j'avais perdue depuis longtemps !

Lorsque je lui ai raconté mon histoire, elle a noté que j'avais cessé de prier et de chanter. Elle s'est accrochée sur ces deux points. Alors, sous sa demande, nous avons prié, sincèrement, de tout notre cœur pendant vingt minutes. Les larmes que j'ai versées, je vous jure, on pouvait en remplir un baril ! Je pleurais sans même savoir pourquoi. Myriam m'a dit que c'est parce que j'étais revenue vers Dieu, et je suppose qu'elle avait raison.

Ensuite, elle m'a demandé de chanter... Ça faisait tellement longtemps que je n'avais pas chanté, j'étais embarrassée... Je ne voulais pas au début, mais elle a insisté. Elle est tellement inspirée, ma Myriam ! (Comprenez que je l'aime tant, cette petite dame).

Lorsque j'ai commencé, c'était horrible. Vraiment horrible. Ma voix sortait comme du fond d'un trou, elle n'était plus autant souple... Elle était terne, cassée et sans vie. Mais au fur et à mesure que je chantais, je sentais une paix m'envahir, j'étais plus à l'aise, je m'emportais... Et ma voix se rétablissait, petit à petit. Elle devenait un peu plus claire, un peu plus belle, un peu plus veloutée...

Myriam, qui chantait bien aussi, s'est jointe à moi et nous avons chanté pendant une heure et demie. La paix que j'ai senti tout de suite après, c'était la paix qu'il me manquait... Et depuis, je n'ai plus jamais cessé de faire ces deux choses: prier et chanter. Je les fait chaque fois que j'en ai l'occasion, chaque fois que je trouve le temps. Et ils m'ont été d'un grand secours. C'étaient deux grands remède, qui ont pu surpasser la psychologie.
 

Le chant était vraiment un talent qui était enfoui en moi, et je ne savais pas que ça me ferait autant de bien... Je l'ignorais totalement.

Au moment où je vous parle, mes vieux parents vivent en paix dans leur petite maison;

Elodie travaille actuellement à la banque centrale comme comptable et ses mignons enfants ont bien grandi ;

Irène est médecin en santé publique et travaille à l'Unicef, son fils a grandi lui aussi;

Daniel, qui a purgé sa peine, continue ses études de polytechnique. Il n'avait pas beaucoup changé à sa sortie de prison. Juste pris un petit coup de vieux. J'étais heureuse de le revoir encore en vie, avec tous les psychopathes qu'il existe dans les prisons !

Marie est morte ça fait un bout de temps. Chaque semaine, je vais au cimetière poser des gerbes sur sa tombe. Nous avons passé de très bons moments avec elle, avant sa mort... Le plus dur, c'est quand elle a été alitée. Sur son lit de mort, elle nous a dit qu'elle nous aimait, et que c'était vrai... Oh c'était dur. On pleurait avant même qu'elle ne ferme les yeux.
Je pleure encore aujourd'hui quand j'y pense. Ça nous a fait vraiment beaucoup de peine.
C'est quand elle a fermé les yeux que j'ai compris qu'une partie de moi est morte avec elle.

Même Daniel a pleuré, lorsque je suis passée en prison lui annoncer la nouvelle. La petite Marie n'était plus des nôtres, et ça c'était plutôt dur à avaler. Une partie des Takisi était partie.

Quant à moi, je travaille dans le bâtiment, je suis mariée à David Tshiama, un architecte aussi (qui est cousin à Myriam, par une heureuse coïncidence !), et je suis mère d'une petite fille, Myriam Later Tshiama, aussi mignonne que son homonyme.

J'ai failli oublier; ça n'a rien de scientifique, mais je vous dit ce qui est vrai: Dès le jour où j'ai recommencé à prier et à chanter, je n'ai plus jamais fait le rêve de la danseuse. Pas une seule fois, même partiellement. Appelez cela comme il vous plaira. De la chance ? De la coïncidence? Je ne sais. Moi je crois en l'intervention d'un être suprême.

Oui, la danse des turbulences dans ma vie était enfin terminée, et un grand repos venait de commencer.

FIN

La Danseuse NoireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant