Chapitre 3

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        La voiture des Ambreville filait à travers la campagne seine-et-marnaise et Marguerite se repaîssait de la verdure environnante. André la fixait l'air amusé, en effet, la jeune fille n'était pas souvent sortie de Paris et trouvait la campagne charmante avec ses mignonnes maisonettes.
《Nous longeons un des murs du parc du château, nous y sommes presque., murmura-t-il》

À gauche de la route, il y avait un petit mur qui cachait la richesse du domaine et de l'autre côté de la route se trouvait des prairies vertes où quelques chevaux se reposaient.
《Ces champs nous appartiennent aussi., fit remarquer André》    

Le véhicule ralentit, le muret se changea en grilles et entre les arbres apparut le château de Guermantes.
        C'était un château différent de tout ceux qui parsemaient et parsèment toujours la Seine-et-Marne. Ses pierres rouges attiraient le regard et un escalier que recouvrait le lierre menait à la porte d'entrée principale. Le château avait surgi comme par magie et les yeux de Marguerite brillait.
《Nous allons entrer par une petite grille sur le côté, mère a toujours peur que l'automobile abîme son jardin c'est pourquoi nous ne rentrons pas en grande pompe dans le parc du château., prévint André》

     L'automobile se gara dans une petite cour et le chauffeur leur ouvrit la porte. Marguerite descendit et suivit André vers le château. Elle savait que ses bagages suivraient aussi. Ils montèrent les escaliers de pierre qui menaient à la porte et face à l'imposante demeure la jeune fille écarquilla les yeux. Le jeune peintre riait sous cape de l'air hébété de la jeune fille mais cessa lorsqu'il se retrouva face à Madame d'Ambreville, sa mère.
      La vieille femme avait l'air sévère de ceux qui ont vécu et contrastait avec l'air insouciant de son fils aîné. Elle toisa Marguerite, craignant que cette-dernière apporte des ennuis mais lui trouva l'air bien naïf. Cette jeune fille n'avait jamais été dans un château?
《Mère., son fils la salua, plein de respect.
- Mon fils, c'est bon de vous savoir de nouveau parmi nous.
- Je vous présente Mademoiselle Marguerite Roubar, je veux la peindre. Elle vivra avec nous quelques temps. Je la paierai moi-même avec mon propre argent, ne vous en faites pas.》

Rassurée, les traits de Mme d'Ambreville s'adoucirent lorsque que son regard se posa sur Marguerite.
《Enchantée. Je suis la maîtresse de maison jusqu'à juin prochain lorsque mon fils épousera Johanna de Rentilly. Le château de Rentilly est voisin du nôtre, peut-être aurez-vous un jour l'occasion d'y aller.
- Cela me ferait très plaisir madame., murmura Marguerite.》

La maîtresse de maison hocha la tête et laissa les deux jeunes gens entrer dans la demeure. Grâce aux multiples fenêtres, le château était très éclairé. Le parquet était d'un bois clair et aux murs pendaient des tableaux. Sur des petits meubles reposaient de jolis bouquets de fleurs dans des vases décorés. Ce qui plût aussitôt à Marguerite c'était le calme du château, à croire qu'il était vide ou figé dans le temps.
    Une petite femme de chambre arriva en trottinant pour mener Marguerite à sa chambre. La chambre se trouvait à l'étage et donnait sur le parc qu'il y avait derrière. La vue de la fenêtre était magnifique, des allées partaient dans le parc aux grands arbres qui se trouvait sur le côté. Mais c'était le bassin qui attirait le plus l'attention, il était immense et faisait miroiter le reflet du château. Marguerite se mit à rêver, peut-être aurait-elle un tableau d'elle au bord de ce bassin si majestueux!  La petite femme de chambre toussota pour attirer l'attention de Marguerite, on venait d'apporter les malles avec ses affaires et il fallait se changer après le voyage. De plus, la petite femme de chambre ajouta qu'un thé attendait les voyageurs en bas, qu'ils puissent se reposer avant de se mettre au travail.
《Monsieur André aime tellement son travail qu'il voudra commencer le plus tôt possible., confia-t-elle à la jeune fille》

Marguerite opta pour une robe bleu ciel qui faisait assez joli sans trop en faire. Elle ne voulait pas donner l'impression à Mme d'Ambreville d'être trop coquette, quelque chose lui disait que la vieille femme n'appréciait pas la coquetterie.
   
     Dans le petit salon, qui donnait vue sur le bassin, Mme d'Ambreville entourait son fils de toutes les attentions possibles. Il lui avait tant manqué! Elle détestait qu'il parte à Paris, cette grande ville lui dévorait son petit. Lorsqu'il revenait, il était pâle et maigre. C'était cela que de passer ses journées enfermé dans un appartement envahi des effluves de la peinture! La vieille femme avait cependant daigné accorder un regard à Marguerite et avait été satisfaite, la petite avait du goût! Elle ne faisait pas partie de ces bourgeoises qui s'habillent avec de grossières répliques de riches robes. Cela l'avait fait sourire. Et puis après tout, c'était cette petite qui lui avait ramené son fils!

《Êtes-vous prête à vous mettre au travail mademoiselle?
- Si vous êtes prêt alors je le suis.
- Fort bien. Mère, nous allons peindre un peu. Vous savez où me trouver, mais vous savez aussi que je préfère être seul.》

La vieille femme leur fit un signe de la main, ils étaient libres de partir. Savoir que son fils était de retour, quelque part entre les murs de ce château suffisait au bonheur de son coeur de mère.

      André emmena Marguerite à travers le château, ils montèrent des escaliers puis tournèrent à droite, puis à gauche. Après un dernier tournant, le jeune homme s'arrêta devant une porte.
《Ça risque de sentir le renfermé, je vous préviens.》

Au début, la jeune fille ne distingua rien, il fallut qu'André ouvre les volets. Alors, l'atelier du peintre s'étala dans toute sa grandeur face à la petite bourgeoise. Il y avait des couleurs partout, des chevalets, des toiles inachevées, des feuilles par terre, des costumes éblouissants posés sur divers meubles et au milieu, le peintre. André avait enfin l'air heureux, il semblait avoir retrouvé des couleurs et se tenait droit, gonflant ses poumons. Marguerite eut un sourire attendri.

《Au travail à présent!, s'exclama-t-il d'une manière enfantine》

Marguerite, muse de la Belle Époque Où les histoires vivent. Découvrez maintenant