le Bal

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Cela faisait deux semaines que j'étais arrivée. Le temps s'était rapidement dégradé : en effet, dans les jours qui suivirent ma découverte, la neige se mit à tomber. Une chance, d'après le prince, que je ne me sois pas trouvée dessous à ce moment-là. D'après lui, le froid aurait rapidement eu raison de moi. J'étais donc bloquée à l'intérieur du château. La perspective de ne pouvoir sortir m'effraya d'abord, mais au bout de quelques jours j'oubliai mes craintes: Alice me chouchoutait littéralement, le prince passait beaucoup de temps avec moi, et quand je le pouvais, j'allais voir mon cher Tornade. Ce dernier avait beaucoup changé ces derniers temps: son poil était plus luisant, ses sabots brillaient d'un léger éclat noir, et il me semblait plus fougueux qu'à son habitude. Le prince m'assurait que c'était son alimentation qui l'avait rendu si beau, mais je songeais que seule la magie avait pu rendre ce cheval déjà magnifique aussi divin. D'ailleurs tous les chevaux du prince avaient le même poil luisant et la même fougue céleste. La plupart étaient aussi noirs que Tornade, mais il possédait également un couple de chevaux blanc, au poils si brillant qu'ils semblaient descendre des étoiles.

Il possédait également de nombreux chiens de chasse. Cependant, ces animaux étaient effrayants: le prince me conduisit un jour aux chenils car j'avais insisté, suite à une conversation, à voir les chiots tout juste nés dont il m'avait parlé. Les bêtes étaient énormes: de gros chiens au physique de loups, aux crocs acérés et à l'agressivité visible, déjà hargneux même en étant bébé. Un détail me frappa: le prince agissait non pas en maître comme Père le faisait avec ses chiens, mais plutôt en chef de meute, comme les loups vivant dans la forêt. Il ne m'autorisa à m'approcher des chiots qu'en voyant que je n'avais aucune crainte, et me tint un long discours sur l'importance de ne pas laisser paraître mes émotions. Malgré cela, la mère tenta de me mordre le bras quand je m'agenouillai près des petits. Elle se terra au fond de la cage quand le prince lui aboya littéralement dessus.

J'appris aussi rapidement à reconnaître différents serviteurs du prince. Ma meilleure amie était indéniablement Alice, la plus gentille d'entre eux, et certainement la moins étrange. Entre le bossu, les serviteurs aveugles qui semblaient tout de même capables de vous voir, les valets particulièrement pâles et silencieux, ceux à la pilosité un peu trop impressionnante pour être normale et les statues animées, Alice me semblait parfaitement normale malgré sa tendance à marmonner des choses inintelligibles de temps à autres.

C'est à quelques jours du solstice d'hiver que la frénésie gagna le château. Les cuisiniers se hâtaient aux fourneaux, les valets et les servantes nettoyaient chaque recoin, le prince ne cessait de donner des ordres et même Alice n'avait plus le loisir de me parler. Quand je demandai au maître des lieux la raison de cette agitation, il me répondit :

- La tradition veut qu'un bal ait lieu le jour du solstice d'hiver chaque année. Et c'est ici qu'il aura lieu.

Puis il retourna s'occuper de l'organisation du château. Le lendemain, une surprise m'attendait: après un dîner particulièrement agréable avec le prince, ce dernier m'emmena faire un tour dans le parc enneigé. Nous parlâmes de tout et de rien, puis nous rentrâmes au château. Quelques minutes plus tard, alors que je me brossais les cheveux, il vint me voir et me demanda:

- Élisabeth, je voudrais vous demander quelque chose.

Je posai la brosse et me tournai vers lui.

- Allez-y, dis-je.

- Je souhaiterais que vous soyiez ma cavalière pour le bal.

Il s'approcha de moi d'un pas. Je baissai les yeux en rougissant.

- Pourquoi moi? demandai-je dans un souffle.

Il glissa ses doigts le long de ma joue, arrêtant les battements de mon cœur. Je levai les yeux vers son visage. Il semblait perdu dans ses pensées.

Prince des Ténèbres (Relecture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant