Le coeur du vampire

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Père nous fit tous descendre du carrosse. De sombres nuages tourbillonnaient au dessus de nos têtes. Bien évidemment, aucune lueur ne filtrait des fenêtres du château. Père me prit par le bras et détacha mes poignets. Je massai ces derniers en l'écoutant.

- Tu vas entrer, Alice, ordonna-t-il. Tu as intérêt à nous ramener le monstre.

Elle opina du chef avant de saisir une dague effilée.

- Je vous le ramènerai aux alentours de minuit, murmura la jeune fille.

Elle se tourna ensuite vers moi. Son regard était étrange... À la fois jubilant et peiné. Puis elle frappa à la porte du château. Cette dernière ne bougea pas d'un pouce. L'une des deux gargouilles s'anima alors:

- Petite Alice, dit-elle de sa voix caverneuse, le Prince t'en voudra...

- Et dans les ténèbres éternelles il te plongera, poursuivit sa compagne, éveillée à son tour.

- Taisez vous et ouvrez, répliqua la jeune sorcière. J'ai autre chose à faire que de vous entendre pérorer.

L'une des gargouilles lui répondit :

- Nous n'ouvrons qu'au coeur pur venu pour protéger son âme soeur...

- Elizabeth, très chère, reprit l'autre, souhaitez vous entrer ?

Je le voulais. Mais je savais que si j'entrais, les chasseurs entreraient avec moi... Et le Prince mourrait. Cette pensée me fit frissonner. Mais ce n'était rien comparé à la terreur qui m'envahit lorsque la gargouille posa sur mon bras sa patte de pierre en étendant ses ailes. Les chasseurs reculèrent aussitôt, Alice fut prise de tremblements, et la gargouille me murmura doucement, d'une voix ténébreuse mais avenante:

- Parlez, et nous vous obéirons, Reine de la Nuit.

Je songeai alors à la morsure qui ornait mon cou depuis le bal. C'était la seule explication que je voyais pour ce surnom. Ils pensaient certainement que j'allais bientôt me transformer...

- Je souhaiterais parler au Prince Vladimir V, mais seule à seul.

La gargouille hocha lentement sa tête de pierre et étendit une de ses ailes derrière moi. Sa compagne fit de même et leurs ailes me coupèrent quelques instants du reste du groupe. La porte commença à s'ouvrir sans un son. Mais soudain, dans un fracas épouvantable, les ailes protectrices des deux créatures volèrent en éclats. Toutes deux lâchèrent un hurlement strident qui me força à me protéger les oreilles, puis elles s'évanouirent sous mes yeux. À la place où elles se trouvaient habituellement, il ne restait plus que deux petits tas de poussière bientôt emportés par le vent. Alice semblait aussi abasourdie que moi devant le phénomène. Père m'attrapa le poignet avec force et me poussa devant lui à l'intérieur du château. Je manquai de tomber en franchissant les marches.

À l'intérieur, il faisait très sombre. Étrangement, la porte se referma derrière nous lorsque nous fûmes tous entrés. Lorsqu'elle fut totalement refermée, l'angoisse augmenta d'un cran en moi. Maintenant, ils ne risquaient plus de s'en aller. Ils allaient fouiller le château afin de trouver le Prince et son secret...

- Alors? demanda père. Par où devons nous aller?

- L'escalier qui descend, répondit aussitôt Alice. Mais il n'y a qu'Igor qui sache ouvrir le passage au bout du tunnel...

Père lâcha un sourire mauvais qui me fit frissonner.

- Pas de souci pour les portes, fit-il. Conduisez moi là bas.

-Père?

Nous levâmes les yeux vers ma sœur, qui venait de paraître au sommet des escaliers. Elle semblait à moitié endormie et quelque peu incrédule. Père sourit en la voyant:

Prince des Ténèbres (Relecture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant