Mystérieux tunnel

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- Elizabeth...

Je me retournai dans mon sommeil en grommelant. Laissez moi dormir, pensai-je à l'intention de père, qui avait pour manie de m'envoyer mes serviteurs à l'aube.

- Elizabeth...

Sauf que cette voix était bien trop douce. Était-ce ma mère?

- Lizzie...

Non, c'était plutôt ma plus jeune soeur. Seule elle m'appelait Lizzie. Elle a dû rentrer du couvent.

-Eli...AAAHHH!!!!!

Le hurlement décharné qui remplaça la fin de mon prénom me réveilla en sursaut. Je compris que personne ne m'appelait. J'étais en train de rêver. Je ne reverrai jamais ma famille, je le savais. Alors pourquoi...

Le cheminement de mes pensées fut interrompu par un bruit dans le couloir. Intriguée, je me levai et pris la direction de la porte. Une voix commença à murmurer mon nom doucement de l'autre côté de la porte. Je me stoppai net, car la voix était exactement celle de mon rêve. Douce et limpide, comme une voix imaginaire... j'ouvris la porte prudemment et sortis dans le couloir. J'étais en robe de nuit, une tenue peu propice à une sortie dans un couloir en plein milieu de... quoi? D'où venait cette lumière ? Je me rendis compte que c'était le soleil qui éclairait le couloir. Sa lueur était certes fortement diminuée par les nuages noirs qui tourbillonnaient au dessus des tours, mais il était bien présent. Il faisait jour, et pourtant le château semblait vide et froid... j'eus envie de retourner sous la couverture et de me rendormir. Mais la voix continua de m'appeler et se faisait plus insistante. Je finis par avancer prudemment sur le sol de pierre dur et froid, à l'affût du moindre son ou mouvement. Je ne croisai personne le long des trois couloirs que je parcourus. Le silence était trop pesant. Il se passait quelque chose, j'en étais certaine. Mais j'ignorais quoi et où. Enfin, où précisément: j'étais persuadée que les habitants de ce château étaient quelque part. Il ne me restait plus qu'à trouver où.

Je descendis de plus en plus bas. J'arrivai devant la porte d'entrée, qui était naturellement fermée. J'essayai de l'ouvrir, en vain. Elle était lourde et refusait de bouger ne serait-ce d'un millimètre. Le soleil donnait à la pierre des reflets rougeoyants inquiétants. Et ce silence qui pesait toujours...

-Vieeeeens...

La voix reprit, plus forte en direction d'un escalier menant dans les entrailles du château. Je ne me rappelai pas l'avoir vu en le visitant , la veille. Je descendis sur la pointe des pieds. Les marches se firent plus glissantes, l'escalier de plus en plus étroit. Je finis par devoir me tenir aux murs de pierre dure pour avancer mais j'avais toujours peur de tomber. Et plus je descendais, plus la lumière se faisait rare. Le soleil ne donnait aucune lumière, ici. Et l'escalier semblait avoir été taillé à même la roche. Des torches avaient été accrochées sur les murs à intervalles réguliers, mais plus je descendais, plus les écarts semblaient se faire lointains...

Je descendis si bas que je me mis à frissonner. Le mur était désormais humide sous mes doigts. les marches étaient quand à elles glacées sous mes pieds nus. En arrivant en bas de l'escalier, j'hésitai à continuer. La terre s'ouvrait en un boyau particulièrement sombre et étroit. Il était si irrégulier que je ne savais s'il était d'origine naturelle ou non. Seules des gouttes tombant du plafond troublaient le silence par leur clapotis léger résonnant le long du boyau. Aucune source de lumière ne semblait provenir de l'intérieur. La seule lueur provenait de la torche derrière moi. Je finis par faire demi-tour en me promettant de revenir avec une source de lumière. Mais à peine avais-je tourné les talons que la voix reprit son appel. Elle résonnait le long du boyau et semblait provenir de très loin. J'attendis quelques secondes avant de me décider. Je décrochai la torche sur le mur et malgré son poids j'avançai lentement le long du tunnel. Elle n'éclairait pas très loin tant l'obscurité était épaisse mais sa lueur suffisait à m'éviter de trébucher dans les creux ou sur les bosses irrégulières. Je continuai encore quelques minutes le long du boyau avant d'arriver à un lac souterrain. L'eau était noire et brillait étrangement à la lueur de la torche. Ou du moins semblait elle noire. Et étrangement poisseuse, je le sentis en trempant accidentellement un orteil dedans. La voix m'appela encore, mais provenant de l'autre côté du lac, cette fois. Je cherchai un passage, en vain. Je n'osai passer à travers l'eau, m'attendant à voir surgir les pires créatures du bassin. Au bout d'un certain temps, je dus me rendre à l'évidence : il n'y avait aucun moyen de franchir le lac et il ne semblait rien y avoir de l'autre côté. Malgré l'appel mystérieux je fis demi-tour et repris le chemin en sens inverse dans le boyau obscur. Il faisait toujours aussi noir. Ma torche dispensait une lueur de plus en plus faible et tremblante, ce qui m'inquiétait au plus haut point. Au bout de quelques minutes, j'arrivai à un carrefour. J'eus beau chercher, je ne me rappelai pas en avoir croisé en venant... la peur me saisit définitivement. Je regardai de chaque côté du tunnel sans savoir où aller. Je finis par songer à la torche dans ma main droite, qui m'empêchait de suivre le mur des doigts de ce côté là, et me dis que je n'avais probablement pas senti le second tunnel à cause de cela. J'optai donc pour le tunnel de droite. Au bout de quelques instants je remarquai qu'il descendait. Or je n'avais pas eu l'impression que la pente montait dans le tunnel. Je continuai ma route, complètement perdue. Soudain, je glissai sur une pierre humide et perdis l'équilibre. Je lâchai la torche pour me retenir au mur. Cette dernière tomba au sol, roula jusqu'à une flaque et s'éteignit au contact de l'eau. Je lâchai un hurlement de terreur quand la lumière disparut. Je me laissai glisser au sol en pleurant. J'étais seule, sous terre, dans le noir et, comme si cela ne suffisait pas, complètement perdue dans un tunnel étrange dont j'ignorais l'existence quelques heures plus tôt !

Je finis par me ressaisir et me redressai lentement. J'avançai dans le noir en tremblant et à tâtons, incapable de voir quoi que ce soit devant moi. Je tatonnais le sol du bout du pied pour pouvoir les poser, me guidais le long des murs avec les doigts et espérais que j'allais m'en sortir et non me perdre dans les galeries sans jamais revoir la surface... à cette pensée, je frémis et lâchai un gémissement. Je ne voulais pas mourir comme cela. Je continuai d'avancer en trébuchant, portée par la peur et la volonté de revoir le soleil.

Au bout d'un temps qui me sembla interminable, je sentis le vent sur ma peau. Un vent frais qui charriait une odeur de charogne et de chair putréfiée. Je frissonnai en me rappelant l'odeur du cimetière de la veille. Mais il faisait toujours aussi noir, bien que je suive le courant d'air pour sortir. Mais dans l'obscurité, je trébuchai sur ce qui me sembla être une racine et glissai le long d'une pente dure. En atterrissant en bas, une vive douleur à la cheville me cloua au sol. Je tentai de me lever: ma cheville ne put me soutenir et je retombai au sol, m'écorchant de nouveau les paumes au passage. Je me mis à pleurer de rage et lançai des mots que je ne répéterai pas ici car beaucoup trouveraient inconvenant de la part d'une jeune fille d'utiliser de tels mots. Je me promis d'aller voir un confesseur un de ces jours en me rendant compte des mots que j'avais employé. Je hurlai dans l'espoir que quelqu'un qui se trouverait dans les parages m'entende. Au bout de quelques minutes, ma gorge me fit si mal que je préférai arrêter. Je me roulai en boule au sol, en pleurant et en me sentant stupide. Pourquoi avais-je suivi cette voix? Pourquoi étais-je descendue dans ce tunnel? Pourquoi avais-je accepté de suivre mes parents ? Je songeai même qu'il aurait peut-être mieux valu que je ne saute pas du carrosse. C'est en ayant de telles pensées noire que je m'endormis à même le sol, complètement terrorisée et épuisée...

Prince des Ténèbres (Relecture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant