Chapitre 1 : Des étoiles de fierté

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Mardi 14 Octobre 2014

La pointe de son crayon à papier trace différentes formes sur une feuille cartonnée de son calepin. Pour l'instant, son dessin ne ressemble à rien, et c'est normal ; elle doit l'améliorer, le peaufiner pour le rendre crédible et présentable. « Faites-moi rêver » est le sujet de ces travaux ; les étudiants doivent le respecter à la lettre, s'ils espèrent avoir une note convenable. D'habitude, c'est plus explicite et plus compréhensible que ce simple charabia. Elle a l'intention de dessiner son endroit préféré dans son parc favori : une magnifique fontaine qui se trouve juste en face du banc sur lequel elle est assise. Petit-à-petit, la fontaine apparaît sur sa feuille et pour être fidèle à ce qu'elle voit, elle ajoute deux arbres aux extrémités, le ciel orangé traversé par quelques nuages et le sol pavé. Elle améliore chaque trait de son dessin pour le rendre de plus en plus ressemblant et rajoute des couleurs pour l'égayer un peu. Elle compare ce qu'elle a fait avec la réalité et repasse sur ses traits, parce que certains se sont un peu effacés. Elle regarde son dessin une nouvelle fois et remarque que plus elle le regarde, plus elle le trouve laid ; alors elle tourne la page de son calepin et recommence. Même chose... Alors, elle essaie une fois de plus. Et encore une, et encore une, jusqu'à ce que ce soit parfait et qu'il n'y ait aucun défaut, à ses yeux, puis elle écrit son prénom et sa classe au dos.

Elle lève le nez pour admirer le paysage et se rends compte que deux hommes – plutôt jeunes, à première vue – se battent. Ce n'est pas le genre de bagarres que les gens faisaient étant petits ; c'en est une plutôt violente, où chaque coup, qui semble provoquer de terribles douleurs, est accompagné par un flot d'injures. Celui de droite assène une gifle magistrale sur la joue de celui de gauche et profite de son inattention pour cogner son ventre, son visage et ses bras avec rage. Le second semble impassible aux coups et aux insultes du premier ; il ne bouge pas d'un pouce et ne répond pas à ses coups. Puis, ce doit être le coup (ou l'insulte) de trop, puisque les poings de celui-ci tremblent soudainement et il frappe avec tellement de puissance et de colère le premier que ce dernier tombe sur la dureté du sol pavé. Sidérée par tant de violence, elle n'avait pas osé bouger jusque-là, mais elle se lève d'un bond en jetant son carnet à dessins et son crayon sur le banc. Celui qui est à terre n'a même pas le temps de se relever que le second le roue de coups, et lorsqu'il se baisse légèrement pour le frapper au visage, l'autre lui attrape le poignet et s'aide de la pression qu'il exerce sur celui-ci pour se relever et l'envoie valser lourdement contre l'arbre. Elle fait plusieurs pas en avant, prête à intervenir, mais ça s'arrête là. Le premier s'en va avec sa bande d'amis qui daigne enfin réagir et l'emmène loin d'ici. Lorsqu'elle jette un coup d'œil vers celui qui reste, elle s'aperçoit qu'il a disparu. Plus aucune trace d'eux ne prouve qu'ils étaient là et que ça s'est bien produit.

Elle range ses affaires et passe près de l'arbre pour sortir du parc, son skate sous le bras, et son regard se pose sur le pied de celui-ci. Un livre. Un simple livre s'y trouve. Plus précisément, Salem, de Stephen King siège au pied d'un arbre. Celui-ci est tellement corné, plus gros et assez abîmé par rapport à un livre neuf, qu'elle se pose des questions sur le nombre de fois que son propriétaire l'a lu. Elle l'ouvre et examine attentivement les premières pages à la recherche du nom ou d'un quelconque mot en rapport avec son propriétaire pour le lui rendre. Ne trouvant rien de concluant, elle le repose là où elle l'a trouvé... Mais une part d'elle a envie de l'emmener chez elle... Elle réfléchit quelques minutes et trouve la solution la plus lucide et mature qu'elle a en stock : elle le laisse ici, mais si demain il y est toujours, elle en deviendra la propriétaire, et, dans le cas contraire, elle oubliera cette histoire.

Elle pose son skate sur le sol, monte dessus et prend de la vitesse pour rentrer chez elle à une heure tolérable : même si son grand frère est d'une rare gentillesse, il déteste lorsqu'elle est en retard. Elle accélère autant qu'elle le peut afin d'arriver à l'heure chez elle, et, comme les routes sont désertes, elle se permet de rouler sur celles-ci. Le vent caresse doucement ses joues et elle trouve ça tellement agréable qu'elle ferme les yeux pendant quelques secondes pour profiter de la balade, puis les rouvre de justesse pour tourner à droite.

ADRENALINE | H.S.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant