Quand ce fut la pleine lune (2/3)

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Je sentais l'excitation bouillir en moi. On va dehors ! Il y a une fête ! Il y a Gaen ! J'avais tellement hâte de sortir que je fis tomber le manteau écarlate à deux reprises avant de réussir à l'enfiler.

— Calme-toi, bon sang ! s'exclama Meiré.

Il s'abaissa pour arriver à ma hauteur, arrangea mon manteau et ferma quelques boutons.

— Dans la rue, tu resteras près de moi, insista-t-il.

Enfin prête, le Maître me poussa hors du pallier. J'inspirai longuement ; la fraîcheur de la nuit m'emplissait d'un sentiment de liberté.

Je souriais, envoûtée par l'ambiance unique des rues festoyant, admirant chacune des décorations posée à l'occasion de la pleine lune. Des cercles lumineux à l'image de l'astre rond brillaient sur les bâtiments. Les enseignes des cafés et des bars clignotaient. Des écrans géants de verre diffusaient des fractales hypnotiques, tout en relief. L'air était rempli d'énergie, les larges trottoirs, bondés. Au loin, des voix hurlaient au rythme d'une musique électrique stridente. Des rires s'élevaient au dessus de la ville entière, manifestes d'une euphorie générale.

Meiré, imperturbable malgré l'ambiance éclatante, avançait à mon rythme, s'assurant que je reste bien collée à lui, tirant parfois sur mon manteau pour me remettre sur le droit chemin. Alors que nous arrivions sur la grande place où rayonnait la lune, le Maître s'arrêta net.

— Je sais qu'on ne sort pas souvent, dit-il calmement. Ici, les éternels se saoulent au sang comme si c'était de la bière. Tu verras peut-être des choses désagréables. Ne prend pas peur.

Je hochai la tête en guise d'acquiescement. Son ton de voix se voulait rassurant. Bien que mon cœur s'était refermé au fil des années, j'espérais tout de même que les déboires des vampires aient des limites.

Nous pénétrâmes dans la place centrale. Au centre de celle-ci, une scène accueillait un groupe excentrique déchaînant les spots. Au milieu de toute cette énergie, des silhouettes familières attirèrent mon attention.

— Il y a des chiens, dis-je soudain.

Le Maître m'adressa un regard confus, étonné que j'utilise ce terme là. En effet, il y avait des chiens partout, accompagnés de leurs Maîtres respectifs.

— Il y a vraiment des chiens, insistai-je. Des vrais chiens.

Je pointai du doigt les dobermans filiformes qui s'énervaient au rythme de la musique. Impressionnée par la présence des bêtes, je ne pouvais détacher mon regard de celles-ci. Le public leur lançait des bouts de viande crue et se réjouissait de les voir se confronter.

Le Maître jeta un rapide coup d'œil à la scène, grimaça, puis captura ma main droite avant de s'enfoncer dans la foule, ouvrant la voie pour mon passage.

Curieuse, je tentais de distinguer les chiens des Maîtres grâce à leur collier. Je voulais voir comment les autres étaient traités.

Soudain, une main humide et froide captura mon bras. J'entendis, perdue au milieu du brouhaha, une voix oubliée depuis des années.

— Lyse, c'est toi ?

Reculant avec effroi, je bousculai le Maître dont le regard enflammé était déjà rivé sur la personne qui me retenait.

— Lâche-la, dit-il froidement.

La femme se mit à rire, sans pour autant me lâcher.

— J'étais pourtant sûre que tu finirais aux vaches ! Une fille comme toi...

Alcoolisée et accompagnée de quatre autres frères, elle se sentait prête à défier le Maître. Dévoilant ses deux crocs sales, elle ajouta avec audace :

Les chiens des vampiresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant