Des bruits de pas hâtifs annonçaient le début d'une nuit mouvementée. Soudain, la porte de ma chambre vint frapper le mur adjacent en s'ouvrant avec violence. Le boucan m'arracha au sommeil sans prévenir, semant la confusion dans mon esprit.
— Lève-toi, nous partons, entendis-je dans ma tête. C'était sa voix.
À peine eus-je le temps de rassembler les morceaux de ma conscience qu'une force invisible me tira hors du lit et abandonna un tas d'habit entre mes bras. Je faillis tout faire tomber.
— Dépêche-toi ! Je suis pressé, insista la voix, stressante.
— Où va-t-on ? demandai-je en enfilant précipitamment les habits frais, tout en cherchant le Maître du regard. Je jaugeai sa position grâce aux masses d'air agitées qui se déplaçaient de part et d'autres de l'appartement.
— Qu'est-ce que tu es lente ! s'écria-t-il en s'arrêtant juste devant moi. Il m'examina de la tête aux pieds, puis, passant ses doigts dans mes cheveux emmêlés, exigea avec empressement que j'aille me coiffer et me faire propre.
La situation, inhabituelle, me laissait pantoise. Alors que mon corps reposait mollement contre le lavabo de la chambre, mon esprit, lui, s'imaginait déjà mille possibilités.
Je dénichai d'un sac mal rangé, une brosse et des outils de maquillage poussiéreux. Appréhendant la confrontation avec le miroir, je me demandai depuis combien de temps je ne m'étais pas faite propre.
Il fallut bien que j'affronte mon image de jeune femme négligée. J'esquissai un sourire forcé pour combler les creux de mes joues mal nourries, en vain. L'air sévère m'allait mieux ; il ne faisait pas semblant, au moins. Je laissai échapper un ricanement cynique, puis entrepris d'embellir ce visage, puisque le Maître l'avait demandé.Meiré attendait dans le halle d'entrée, élégant, prêt à partir. Je fronçai les sourcils en apercevant la chaîne métallique qu'il tenait dans sa main droite. Approchant avec méfiance, je ne lâchai pas l'objet argenté du regard. Il m'inspecta quelques instants, puis, souriant, il annonça :
— Tu es charmante.
Cette observation inattendue réveilla mes pommettes rosées qui se soulevèrent pour dévoiler un sourire timide. Un éclair de bonheur fugace me traversa le ventre.
Meiré profita de l'ouverture pour empoigner ma nuque et y fixer sa chaîne lourde.
Nous nous regardâmes en silence, lui, attendant ma réaction, moi, choquée.— Tu n'es pas sérieux, c'est une blague, grognai-je en le regardant avec animosité. Tu vas m'enlever ça !
Je cherchai l'attache nerveusement.— N'y touche pas ! ordonna-t-il, assénant un coup sec sur la chaîne. C'est la règle là où nous allons.
Je refusai de vivre une telle humiliation.
— Où m'emmènes-tu ? Pourquoi tu fais ça !
Forçant son regard dans le mien pour mieux m'intimider, le Maître rétorqua, exaspéré :
— Je t'emmène au labo. Ne t'avise pas de me tutoyer cette nuitée, ça ferait mauvaise impression.
Au travail ! Il m'emmenait à son travail ! Je n'arrivais pas à y croire. Je m'imaginais déjà apprendre tant de choses sur lui, sur ses occupations, sur les travaux des vampires, leurs buts, leurs origines... Perdue dans tout un tas d'hypothèses frétillantes, je franchis le pallier de la porte sans dire un mot, oubliant ma colère, ainsi que le cliquetis de la chaîne que Meiré avait rigoureusement enroulée autour de sa main droite.
*
Éclairés par des néons aux couleurs verdâtres, les bâtiments tous plus hauts les uns que les autres s'élevaient devant mes yeux impressionnés. Face à tant de puissance, je me sentais minuscule. Inquiète, je suivais les pas de Meiré, évitant par ailleurs de me faire bousculer par les silhouettes des passants pressés qui jonchaient les rues.
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Les chiens des vampires
VampiroLes vampires contrôlent le monde. Camille est ce qu'on appelle "un chien", une esclave adoptée par son Maître, Meiré. L'espoir de retrouver un jour sa liberté est maigre, mais elle est tout de même soulagée de ne pas être devenue une "vache", ces hu...