XIII

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La nuit, les lumières, la neige. Le mélange baigné de larmes qui se mélancolisent comme les constructions de nos vies que l'on s'efforce de garder debout. Des larmes qui laissent des traînées sombres sous ses yeux aveuglés par les néons de l'ascenseur. Des larmes salées qui ne vous laissent qu'assez de force pour retenir vos cris. Vous ne demandez que la fin de cette douleur infernale.

Les portes s'ouvrirent et Jenna s'avança dans les couloirs délaissés du dixième étage, telle un fantôme. Elle se sentait guidée par les pulsions grésillantes au creux de ses oreilles. Elle était à deux pas de la sortie, à trois de l'entrée d'une route sans clarté, où on ne peut s'aventurer seul. Droit devant elle se dressaient les huit baies vitrées dominant les immeubles qui déjà ne portaient plus leur beauté d'antan. Une silhouette qu'elle connaissait par cœur se détachait de la carte postale. Les petites perles blanches tombaient en emportant un morceau de nuage avec elles. Froides comme son cœur emballé. Rêveuses comme ses prunelles miroitantes. Will regardait le monde depuis la fenêtre. La tête levée vers les ciel couvert, les yeux baissés vers les gens bercés par l'heure tardive. Le chagrin d'étincelle coulait le long de ses joues. Ces pleurs étaient silencieuses, comme les cris de leurs sentiments meurtris depuis tant d'années. Elle ne dit rien. Lui non plus, pourtant il se détourna et lui dévoila sa souffrance comme l'on dévoile son corps et toute son âme sans pudeur, sans crainte de finir dévasté. Il ne portait plus rien que des faits matériels sans importance. Il jetait tout sur le sol dans son immobilité. Il lui donnait sans compter. Il lui offrait sans s'arrêter. Même ses larmes rougeoyantes. Elle pouvait les prendre et jamais les rendre.

Ses pas luttaient toujours contre la faiblesse de perdre tout et de garder le superflu. Même si elle restait droite devant lui, marchant lentement dans sa direction, elle n'était plus là. Il est des choses que l'homme voit sans les voir. Il est des métaphores que seul le subconscient matérialise. Et même si tout avait l'air calme, ce soir là, les deux jeunes gens se battaient dans un face à face où ils mettaient tout en jeu. Jusqu'à la dernière goutte de leur sang. Jusqu'au dernier de leur souffle. Jusqu'au dernier morceau de leur chair. Le monde s'effondrait. Les gens hurlaient dans leur propre horreur. La fin était proche, elle dévastait tout et se nommait « contrôle ». Pourtant leur course s'évertuait à exister dans la mort et l'enveloppe mère de cet assemblage scientifiquement voué à disparaître dans les flammes et le silence. Le monde. Il n'existait plus. Ils étaient unis et démunis.

Les cinq sens n'avaient plus de raison d'être. Leurs organes vitaux implosaient sous leur peau glacée. L'ouïe ne percevait que l'appel de ce brasier consumant et léchant leurs plaies suintantes. L'odorat ne respirait que le souffle sec des antiseptiques en ébullition. Le touché s'embrasait dans le désir et le mal passionnel. La vue s'enveloppait dans l'illusion que tout se ruinait à l'extérieur mais qu'il ne restait plus qu'un mètre à franchir. Le goût il n'y en avait pas. Mais la sève de la vie s'écoulait de leurs lèvres souillées d'avoir été trop mordues. Ces cinq sens ne trouvait plus de but à part la rencontre de leur pièce maîtresse où ils ne feraient plus qu'un, où ils n'existeraient que pour un.

Doucement, sûrement, le sol, les murs et le plafond volèrent en éclats. Il n'y avait plus rien. Plus de vie. Plus de mort. Juste eux et les étoiles. Ils s'alignaient et s'enflammaient comme les cercles de luminosité, plus fortes et plus immortelles que n'importe qui. Elles résistaient à tout. Même au contrôle. Même à l'injustice. Et lorsqu'ils seraient enfin liés, ils se figeraient éternellement dans l'espace et le temps infini des astres. Ils ne seraient plus humains, plus dieux, ils seraient juste Jenna et William.

Ils ne seraient plus que lumière.

Jenna posa ses lèvres sur celles de Will. Elle s'accrocha à lui comme si elle risquait de tomber dans le gouffre sombre et esseulé. Il passa ses bras autour d'elle comme pour chérir le plus beau de bijoux. Ils récupérèrent tout ce qu'ils avaient abandonné afin qu'ils n'existent que pour l'autre. Ils se donnaient l'intégralité de leur existence car sans l'autre ils n'en avaient pas besoin. Car sans l'autre, il n'y avait plus de possible ni d'impossible du tout. Car sans l'autre la mort était trop tendre pour être suffisante. Car ce baiser aurait du durer toujours. Car le rien était le reste que le tout était leur amour.

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