Chapitre 3 : 1 jour avant.

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La nuit que je venais de passer avait été horrible. Mes pensées avaient absorbées tout mon sommeil, m'empêchant de m'évader dans les bras de Morphée. Mes yeux avaient piqués tout le crépuscule, mais jamais ils s'étaient fermés, comme si quelque chose les retenais, comme si quelqu'un criait « Ne dors pas ».

J'ai entre-ouvert la bouche pour bailler une énième fois, tout en étirant mes bras au dessus de ma tête en faisant attention de ne pas les laisser tomber sur Anna qui dormait à poing fermé. Au moins une qui dors, pensais-je.

Je me suis retirée du lit, tout en posant la tête d'Anna sur le coussin. J'ai embrassé son front, puis je suis allée ouvrir les rideaux de la chambre et les volets. J'ai passé ma tête dehors, afin que le vent caresse mon visage. Mes cheveux roux s'entremêlaient devant mes yeux, tout en volant à cause de la brise. Cette dernière me réveilla, elle me faisait du bien après cette nuit horrible que je venais de passer.

Tout à coup, j'ai entendu une femme crier dans l'allée de notre rue, en bas de l'immeuble. J'ai baissé la tête pour l'apercevoir, et essayer de comprendre son affolement. Elle parlait à un homme qui faisait parti de la Gestapo. La dame avait ses deux mains contre sa bouche, et avait ouvert grand ses yeux, ce qui trahissait son affolement et sa peur. En plissant mes yeux et en me penchant, j'ai pu apercevoir des larmes qui coulaient le long de ses joues.

Sans réfléchir, je suis sortie brusquement de la chambre pour me diriger vers le vestibule : je n'arrivais pas à ouvrir la porte, elle était fermée à clé.

- Amélia, que fais-tu ? Demanda mon père tout en mettant ses lunettes.

J'ai hésité à lui répondre. Je voulais aller voir une femme qui pleurait pour savoir pourquoi, et peut-être essayer de la réconforter, ce qui était idiot. Mais je lui ai quand même dit, ce à quoi il à répondu :

- Ne te mêle pas de la vie des autres Amélia. Si elle a besoin de toi elle viendra te faire signe, a-t-il dit en fronçant les sourcils.

Je l'ai alors regardé s'en aller, et sans savoir pourquoi une rage me consumait. La veille, il cri sur ma mère et inversement à propos de ma sœur et de ma personne, et c'est moi qui ne doit pas me mêler des affaires des autres ? Je voulais juste aider cette femme, les temps étaient dur, et apporter de l'espoir aux gens n'était pas un pêché.

Après avoir déjeuné et prié, je suis allée dehors avec la permission de ma mère. Je me suis installée sur un banc, tout en croisant mes jambes. J'ai regardé les alentours, ne sachant pas vraiment ce que je cherchais.

- Je sais que tu m'as vue ce matin, jeune fille.

J'ai levé la tête sur la femme portant la voix, c'était celle de ce matin. Alors elle m'avait aperçue à la fenêtre... 

- Il faut que tu dises à ta famille de partir, demain est un mauvais jour, fuis, m'a-t-elle dit tout en tremblant.

Elle avait l'air aussi fatiguée que moi, si ce n'était plus. Depuis quand n'avait-elle pas dormit ? Depuis quand tremblait-elle de peur ? Nul ne le savait. « Si elle a besoin de toi elle viendra te faire signe ».

- Pourquoi ? Lui ai-je demandé dans le feu de l'action. J'étais curieuse, même si c'était un vilain défaut.

Adeline me l'a toujours dit, je fourre mon nez là où il ne faut pas : « un jour tu vas le regretter » me disait-elle alors qu'on était que deux enfants innocentes.

La Dame a prit une mèche de mes cheveux entre deux de ses doigts, tout en la frottant :

- Ma chérie, le bilan a été posé. Ils viendront demain nous embarquer vers la mort.

« Mort ». Encore ce mot. Mon cœur bat toujours vite quand j'entends ce mot, et là, il battait très vite, tellement vite que ça résonnait dans tout mon corps. Je me suis levée, et j'ai courut dans les escaliers, jusqu'à m'arrêter devant notre porte.

Je l'ai ouverte puis je suis rentrée, essoufflée :

- Maman! Papa ! ai-je réussie à crier entre deux souffles. C'est pour demain ! Le führer !

Ma mère m'a regardé, la bouche grande ouverte, manquant de se brûler avec le fer à repasser, c'est alors qu'elle a regardé mon père. Lui, n'avait pas levé les yeux de son journal. Comme si cette nouvelle ne lui faisait rien, même pas sursauter.

- Encore des rumeurs, a-t-il prononcé.

Je l'ai regardé, la même rage que ce matin montait en moi. Je me suis approchée de lui, avec délicatesse, tout en fermant mon poing gauche. Je l'ai regardé droit dans les yeux, puis, d'un coup, j'ai abattu mon poing de toutes mes forces sur la table :

- Quand est-ce que tu vas ENFIN ouvrir les yeux et voir qu'on va tous mourir si on ne part pas d'ici ? lui ai-je craché.

Encore une fois, il a pas levé un seul sourcil, il a juste soupiré puis posé son journal. Pourquoi était-il aussi insensible ? S'enfichait-il de se jeter dans la gueule du loup ?

- Amélia, ça fait des semaines que la dame que tu as aperçue en bas de la rue ne fait que crier car soi-disant, bientôt, on sera emmené dans un endroit où l'échappatoire sera la mort. Alors au début j'ai ouvert les yeux, mais à force qu'il ne se passe rien, je me dis qu'il n'y aura nul endroit où l'on va tous mourir.

Convaincant, direct, précis. Les trois mots qui désignaient mon père. Et ses paroles m'ont fermées le clapet.

Subitement, la porte de la chambre d'Anna et moi a claqué. Je me suis dirigée vers celle-ci, j'ai posé ma main sur la poignet tout en l'inclinant vers le bas.

En la poussant, j'ai aperçu Anna par terre, sur le tapis qui ornait le sol. Ce dernier était rond, brodé par ma mère, de couleur pâle. Elle était assise en tailleur, et regardait ses mains.

- Qu'est-ce que tu fais Anna ? Ai-je demandé.

- On va mourir ?

« Mourir », qui vient du mot « Mort ». Encore une fois je l'entendais. J'ai pris Anna dans mes bras, en la serrant fort :

- Non, car je serais toujours là.

Ça m'a fais du bien de lui faire un câlin. J'aimais beaucoup en faire à Anna, c'est la seule d'ailleurs qui en bénéficiait. Je savais qu'elle ne me repousserait jamais, car elle m'aimait plus que tout au monde, ce qui était également mon cas.

Parfois, je me demandais si mon amour pour elle n'était pas malsain tellement il était fort.

Ne me lâche pas. [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant