chapitre 9 : suite du troisième jour.

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Tout était flou. Aucun son ne parvenait jusqu'à mes oreilles. Je revoyais la femme aux cheveux gras se pendre, mon arrivé au camp, Anna dans mes bras, la femme où du sang coulait de sa tête après qu'elle se soit suicidée du haut du toit de l'immeuble, mes parents qui nous regardais jouer ma petite sœur et moi dans le salon, mes après-midi avec Adeline où on riait à l'unisson, mes regards timides envers Hugo, Anna qui m'attrapais les pieds sous la table à ses 1 ans...

Ma vie je la revoyais à travers des flashes black, ne sachant pas me situer à travers tout cela. J'avais l'impression d'être en chute permanente, que j'allais dans le passé pour tout changer.

« Mourir » ... « Hitler » ... « pendre » ... Anna ... Maman ...

- Scheisse !

J'ai repris mes esprits, ma mère pleurait, j'étais dans ses bras, l'officier allemand m'ordonnait de lâcher ma mère pendant qu'un autre tirait le corps d'Anna par le bras et faisait glisser le reste de son corps au sol. Elle était traitée comme un cochon qu'on venait d'égorger et qu'on emmenait dans une boucherie afin de vendre quelques partis de son corps. Les deux situations étaient aussi ignoble l'une que l'autre.

- C'est l'heure de l'Appel ! Cria un soldat nazi.

Pour moi, ça voulait dire l'heure de l'exécution de ma mère. Celle qui m'a donné la vie, celle qui m'a appris comment m'habiller et dompter mes cheveux qui partaient toujours dans tout les sens, celle qui a toujours crue en moi, ma meilleure amie depuis toujours... Elle s'était sacrifiée pour moi, comme si j'allais survivre seule à cet enfer, et qu'un jour je pourrais avoir un travail, un mari et peut-être même un enfant.

Tandis que le corps d'Anna glissait à même le sol, que ses genoux s'écorchaient de plus en plus à cause du gravier, tout les juifs se dirigeaient devant la potence, afin d'être présent et écouter l'Appel. Machinalement, je les ais rejoins. Je ne voulais pas que le sacrifice de ma mère soit inutile et que je meurs à coup de bâtons parce-que je n'aurais pas voulu participer à un simple Appel.

Nous étions tous en rang, ma mère était à ma droite.

- Eins, zwei, drei, ...

L'officier continuait à compter en allemand, jusqu'à arriver à ma mère, qui était le nombre dreiundneuzig quatre vingt treize.

- Toi, on ne t'a pas oublié. Va te pendre, ordonna-t-il.

Ce dernier lui donnait des ordres comme si c'était un chien. Pour moi, cette situation était insupportable mais j'étais tellement impuissante... J'ai pris la main de la personne à ma gauche, croyant qu'Anna était toujours là. Sûrement par respect, la femme dont je serrais la main à fait de même, sans broncher. Ce geste m'a réconforté. Pas beaucoup mais c'était assez pour supporter ce qui allait suivre.

Ma mère marchait vite jusqu'à la potence, elle voulait en finir au plus vite, afin qu'on passe à autre chose. Je me souvenais d'il y a quelque jour auparavant, quand ma mère s'était disputé avec mon père : « On va mourir ! Tu l'as entendue... » Avait-elle dit.

J'ai fait un pas en avant, je voulais la prendre dans mes bras, lui dire qu'on va se réveiller. Que tout ceci était qu'un cauchemar, qu'Anna était réveillé et attendait qu'on lui cuisine un bon repas. Je savais que c'était faux, mais j'avais envie d'y croire. Tout ceci était si avide de sens...

La femme à qui je tenais la main m'a alors chuchoté : « Ta maman à un courage sans fin. J'ai entendue qu'elle s'est sacrifiée pour toi... Ne fais pas de bêtises et reste à coter de moi. Venge-la. ». Je l'ai regardé droit dans les yeux, aucune émotion ne sortait de ces derniers. On aurait dit une machine.

Mon regard s'est à nouveau posée sur maman, elle posait ses mains et mettait sa tête là où la femme aux cheveux gras l'avait mise. Tout recommençait, les pieds dans le vide qui gigotait, les juifs qui détournaient le regard, le chien qui avait dégusté le bébé dormait aux pieds d'un officier qui souriait. Face à cette scène, j'étais vide. Je la voyais se débattre contre la mort, ses doigts qui serraient la corde. Le spectacle ne se terminait pas, j'avais l'impression qu'il durait une éternité. A l'intérieur de moi, aucune émotion, aucune douleur. Non pas que voir ma mère perdre la vie petit à petit à ma place ne me faisait rien mais je pense que je n'y croyais juste pas, que tout ça était juste une sornette et qu'elle n'allait pas vraiment mourir.

A un moment, ses jambes ne s'agitaient plus. Ses bras pendaient. Elle avait rejoint Anna...

Les officiers continuaient l'Appel comme si de rien était, laissant le corps de ma mère pendre...

Trois jours, deux pendaisons. A ce rythme, à la fin de l'année, nous seront tous passé par cette potence.

Quand l'Appel fut finit, je marchais en suivant la foule, sans trop savoir où j'allais vraiment. Je les imitais, je m'asseyais, je me relevais, je buvais ma soupe d'eau chaude, j'allais aux toilettes qui puaient la mort, je travaillais.

Le soir, quand fut l'heure du repas, si on peut appeler ça comme ça, je me suis assise sans prendre mon bol qui m'attendait prêt des infirmières qui servait la nourriture.

« Amélia ? »

J'ai relevé mes yeux de la table, pour regarder mon interlocuteur : Hugo. Toujours aussi beaux avec ses cheveux ébouriffés, mais il avait le visage pâle et était encore plus maigre que d'habitude.

- Hugo... ai-je prononcé les larmes aux yeux.

Tout le monde m'avait quitté mais lui... il était toujours là ...

C'est alors que j'ai craqué, je me suis réfugier contre lui et j'ai pleuré toute la douleur que j'avais accumulé. Je n'en pouvais plus, je n'avais plus de famille, j'avais besoin d'autre chose qu'une poignée de main venant d'une femme que je ne connais pas.

- Chut, je suis là, a-t-il dit tout en me caressant le dos.

Ses mots, ses actions, m'ont donné envie de continuer à me battre et de montrer à ces pourritures ce dont j'étais capable : j'allais partir d'ici, je trouverais le moyen de quitter cet enfer et d'organiser de vraie funérailles pour ma mère et ma petite sœur.

Note de l'auteur :  Tout d'abord, je voulais vous remercier d'être toujours autant à lire mon histoire. C'est juste incroyable toute les personnes qui suivent mon histoire... Je ne le dirais jamais assez mais merci. On s'approche des 1 000 lectures et ça me fais un peu peur. Je ne pensais pas atteindre ce palier. Ensuite, je m'excuse de n'avoir rien publié cette semaine mais j'avais beaucoup de travail à cause des cours... 
Ce qui est sûre, c'est que jamais je n'arrêterais d'écrire cette histoire. Vous êtes de plus en plus à commenter et à me dire votre ressentis et ça me fais vraiment plaisir. 

Merci à vous tous ♥

Ne me lâche pas. [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant