Les morceaux brisés de mon coeur se mettent à briller

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« Aya, tout va bien ? » La tête de celle-ci est prise d'un soudain et vif soubresaut, comme si son esprit avait quitté son corps pendant quelques instants avant de revenir brusquement à la réalité. Les ciseaux de couture en l'air, son costume d'Halloween sur ses genoux, rempli de fils qui partent dans tous les sens, elle fixe son amie, assise en face d'elle, en tailleur sous le kotatsu* qui a remplacé la table basse. Celle-ci la considère avec une mine inquiète :

« Tu es dans les nuages depuis plusieurs minutes... », lui explique cette dernière avant de poursuivre : « T'es sûre que tout va bien ? »

« Ou...Oui ! » Cela fait déjà quelques jours qu'elle et sa bande d'amies sont sorties s'amuser dans le quartier de Shinjuku. Alors qu'elles sortaient du restaurant de sushis en riant à gorge déployée et en se tenant les bras, quelque chose a soudainement attiré son regard, la faisant s'arrêter et lever les yeux au ciel, vers le toit d'un immeuble. Au moment où ses pupilles discernèrent une petite ombre de dessiner dans l'obscurité, elle a lâché le bras de Moeka pour entrer dans le bâtiment. Avant que ses amies ne puissent réaliser ce qu'il se passait, Aya avait déjà disparu. Lorsqu'elle réapparût, elle était blême comme si elle avait vu la Mort personnifiée. Elles ont finalement été au karaoké et à la salle de jeu. Moeka, Vanessa et Hinata ont toutes les trois remarqué qu'Aya ne réagissait pas comme d'habitude, s'amusant habituellement pourtant comme une enfant dans pareille situation. Mais celle-ci n'a pas voulu, ou pu, leur raconter ce qu'il s'était passé. Elles ont fini par s'amuser toutes ensemble, mais Aya n'a pas quitté son expression tantôt inquiète, tantôt vide, qui inquiéta ses camarades de classe, aimant Aya pour son exubérance, sa façon d'être toujours énergique, de se donner à fond pour une fête qui, malgré l'imminence de celle-ci, ne semble plus se réjouir de rien. L'atelier couture qu'elle a d'ailleurs organisé ne porte pas ses fruits de son côté, puisqu'une angoisse inconnue fait s'arrêter le moindre de ses gestes avant même qu'elle n'ait pu avoir le temps de les porter à terme. Cela fait déjà la cinquième fois en une heure qu'elle laisse ses ciseaux en suspens dans l'air. Moeka ne croit pas Aya lorsque celle-ci lui dit que tout va bien, au vu de son expression figée :

« T'as revu le type de la supérette quand on était à Shinjuku, avoue ! » Aya ne répond pas, comme rendue muette par les soupçons avérés de son amie. Elle pensait avoir réussi à donner le change ce soir-là. Une force inconnue l'a guidée sur ce fameux toit où elle a retrouvé Akira. Quand sa conscience revint à elle, il était là, dos à elle, près du vide. Malgré le fait qu'elle ne pouvait pas voir son visage, elle reconnût étrangement sa stature, ses cheveux,...Comme si elle avait pu reconnaître son corps entre mille, or il n'était pourtant qu'une effrayante connaissance à ses yeux. Elle est loin d'ignorer le passé commun qui les liait, mais il l'a laissée seule, une fois de plus. Alors, elle est descendue par l'escalier de secours du bâtiment depuis le toit, un peu après lui, et réussit à rejoindre ses camarades de classe malgré la foule, et inventa une excuse toute bête :

« Désolée les filles, je devais absolument trouver une toilette, ça urgeait ! »



« Tu pensais vraiment qu'on allait croire ça ? »

« Pourquoi tu m'engueules ? » En soupirant, Moeka dépose le tissu sur ses genoux.

« Nous n'avons rien dit mais nous sommes inquiètes pour toi ! Nous n'aurions jamais pu penser que tu allais nous mentir alors que ces dernières semaines ont été particulièrement éprouvantes pour toi. Tu as eu ces crises effrayantes, les autres ne les ont pas vues mais moi, j'y ai assisté ! Et tu voudrais que je me calme ? » Les yeux de Moeka s'embuent de larmes tant elle s'énerve :

« Je suis désolée Moe-chan...Véritablement...Je ne pouvais pas vous expliquer ce qu'il s'est passé ce soir-là car ça me dépassait, je ne pouvais pas... » Furieuse, Moeka laisse échapper en elle toute la tension accumulée depuis le début du mois en se levant et en jetant son costume d'Halloween sur le kotatsu :

Ne suis-je qu'une poupée ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant