➰ Chapitre 3 ➰

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Cela fait maintenant une dizaine de minutes que nous sommes sur la route. On va chez Tom, histoire qu'il prenne quelques vêtements. Tom appuie sur un bouton et met l'auto-radio en route. Un grisaille-ment s'échappe à chaque seconde, léger mais pas inévitable. Je laisse mon cher meilleur ami se plonger dans les informations du jour. Tandis que moi, j'observe le paysage qui nous entoure. La route défile. Je repense à une chanson que j'adore. Je me la met dans la tête et observe plus précisément ces paysages qui passent. Des arbres, des fleurs, les oiseaux dans le ciel qui volent, tout est vivant. On arrive sur une route que je prenais toujours avec ma mère. Enfin, tout le trajet menant chez Tom, je le prenais déjà avec ma mère. Je me remémore nos fous rires, ces questionnements, ces hypothèses, ces blagues et ces interdictions. Elle me permettait d'aller voir mon meilleur ami et je ne lui est jamais dit merci. Soudainement, je sens une couche se rajouter sur mon genou. Je tourne la tête vers ce changement inattendu : la main de Tom. Je ne sais pas pourquoi il fait ça.Pourquoi il est toujours là pour me rappeler qu'il me soutient. Comme si il avait tout découvert. Je le laisse faire, je le laisse m'apaiser. Je retourne à mes pensées précédentes et en quelques secondes, j'oublie sa paume. Un autre souvenir me vient en tête. Rien de très heureux. Ma sœur. Ma chère sœur. Pourquoi n'est-elle plus là ? Des sanglots intérieurs m'envahissent, j'ai envie de pleurer mais je ne peux pas. Je ne dois pas montrer cette faiblesse. J'essaye de contrôler et je pense à ce songe. Je m'y plonge, comme un saut dans le passé. Comme si elle était encore là et que rien n'avait changé.

C'était un soir d'automne, les feuilles orangées et les teintes d'ocres formaient une superbe représentation pictural de la nature. Le vent emmêlait nos chevelures. On était là. À parler. À marcher. À rigoler. Tout était normal. Elle était en vie. Je pouvais la toucher. La voir sourire. La voir heureuse et épanouie. Elle avait eu du mal à m'annoncer son prochain départ. Son prochain voyage. Elle ne voulait pas nous quitter, moi et mes parents. On parlait de ses projets futurs. On parlait de l'avenir. On imaginait un heureux avenir. Ensemble. On s'est promis de ne pas se quitter. On s'est promis des'aider. On s'est promis de s'adorer et de ne plus s'engueuler. On s'est promis de ne pas s'éloigner. Qu'est ce que j'aimais son sourire. Ce sourire qui aujourd'hui m'a quitté. Pourquoi ? Pourquoi ?!

Je crie. J'hurle son prénom. Je m'effondre en sanglots. Mes mains tremblent. J'ai froid. J'ai chaud. J'ai froid. Je ne suis plus sûre de rien. Tom stoppe lavoiture sur le bas côté mais je ne m'en rends pas compte. Je suis inconsolable dans cet état. Je crie. L'amas de larmes dans mes yeux me rend aveugle. Ma vision est floue. Je ne veux pas vivre. Je veux partir. Je veux les rejoindre là haut. Je veux voir leurs sourires. Une seconde encore. Je crie. Toujours plus fort. Son prénom gravé. Son visage encré. Je crie son nom comme pour la faire ressentir auprès de moi. Je tremble. Mes nerfs lâchent. Je veux casser quelque chose. Je sens la respiration de mon corps s'accentué. Je sens la crise de panique arrivée. J'écoute le cœur de Tom battre et essayant de faire quelque chose mais il ne pourra rien faire. Il le sait au fond de lui. Ma gorge est sèche et pourtant, je continue de pleurer, de crier son nom. Je la veux auprès de moi. Elle était trop jeune pour partir. Elle aurait dû vivre. Elle aurait dû... Je sens la colère s'apaiser. Les murmures de Tom viennent à mon oreille. Il a réussi à me calmer. Il me sert dans ses bras. Je tremble. Toujours à trembler. Mes nerfs se calment et ma respiration suit la tienne. Je ne cherche pas à me débattre. Son parfum vient à la hauteur de mon nez. Il me rappelle le passé. Tout remonte : sanglots et colère. Je me replonge dans un état de panique. Je me débat. Je veux qu'il me lâche. Il ne sévit pas. Il me serre fort. Je crie dans ses oreilles. Je crie le prénom de ma sœur. Encore et encore. Il me serre encore plus fort. Je ne peux plus bouger. Il me maintient. Il m'a immobilisé. Je sens qu'il a du utiliser un peu de force. Je tremble. Mes larmes coulent à flot. Je suis pitoyable. Je me calme. Je calme mon corps. J'apaise ma respiration. Et je le supplie de me lâcher. Son étreinte se relâche. Il me laisse partir. Cela me permet de m'appuyer contre mon siège. Il fait de même. La voiture est toujours en train de ronronner. Il coupe le contact. Le silence s'impose. Seul le vent et le bruit des voitures le long de la route nous ramènent à la réalité. Il m'observe. Il s'assure que je vais bien. Il ne me dit rien même si je sais qu'il en meurt d'envie. Moi qui parle toujours pour ne rien dire. Il n'est pas habitué à me voir pleurer, même si je suis relativement pessimiste, il ne m'a jamais vu pleurer ainsi. Je dois ressembler à une abomination. Je suis ratée. Anéantie. Désespérée. Il faut que je m'enfuis. Loin de mon passé. Malheureusement, c'est mon passé, le mien, celui qui fait parti de ma vie, et je dois vivre avec. Plutôt mourir que de vivre avec ce passé qui est, à jamais, dans mon esprit. Ma respiration s'accélère. J'ai besoin d'en parler. Je ne peux pas. Je lui dit, avec difficulté, « On peut y aller ? », mon nez aspire l'air pur. Sa main touche la clé et la tourne. La voiture rugit. Tom a un peu de mal à se dégager de sa place mais il y arrive après un peu d'acharnement. Un coup de volant et nous sommes sur la route. Je sens la voiture monter en puissance, les vitesses sont passées coup après coup. On roule dans le silence. Du bout de mes doigts, je cherche mon sac à main posé au sol. J'attrape le cuir et soulève ce dernier pour le poser sur mes genou. Je l'entrouvre et cherche mes mouchoirs du regard. Un petit paquet blanc se distingue du reste. Je le saisis et l'ouvre. Je retire un papier blanc, repose le paquet à l'endroit où il était et dépose mon sac au sol. Je déplie le mouchoir et je peux enfin me moucher. Un long reniflement s'enfuit de mon nez, j'expulse tous ces remords, ces regrets, cette tristesse. Un soupir s'échappe quand j'ai finis de me moucher. Un air nouveau se dépose sous mon nez. Une nouvelle odeur. Une odeur de bonheur. Mes paupières se ferment petit à petit. Ma respiration est lente et douce. Mon corps est relaxée. Comme si rien ne s'était produit. Un petit souvenir sinise dans mon esprit. Une photographie de famille. Tous le sourire aux lèvres. Ma sœur et moi étions hautes comme trois pommes. Mes parents souriaient, heureux de nous voir tel quel. Un tableau parfait, digne d'un musée. Une image que l'on ne verra plus. Je m'efforce de chasser cette idée de la tête. Je dois garder ce souvenir intact. Je ne dois pas le gâcher, le perturber. Il est beau et unique. J'ouvre les yeux en un fragment de seconde. Je sens que les larmes remontent, encore. Je secoue la tête pour les éviter. Je ne perdrais pas le contrôle une nouvelle fois. Tom me regarde surpris et me pose enfin :

- Il se passe quoi ?

- Ne t'en fais pas...

- Je sais que tu ne vas pas bien, tu as pleuré comme pas possible et tu as cette lumière dans les yeux.

- Je t'assure que ça va...


Je n'aime pas du tout lui mentir. Une partie de moi se déchire à chaque fois que je dois faire face à ce choix.


- Tu n'arriveras pas à me mentir


Et merde ! Il ne me croit pas. Qu'est ce que je peux faire ?! Qu'est ce que je dois faire...


- Tu vas devenir triste si je te le dis


J'espère que cela suffira et qu'il ne s'acharnera pas sur cela.


- Tu ne m'auras pas.

- Pourquoi je suis obligée de tout t'avouer ? Je ne veux pas. Je ne peux pas. C'est à moi. C'est un fragment de moi qui s'est brisé, c'est la seule chose que tu peux savoir. Je t'assure que ça va. J'arrive à tenir le coup Tom. Aie confiance en moi s'il te plait.

- Ce n'est pas une question de confiance. Tu ne vas pas bien. Je n'aime pas te savoir dans cet état.  

- Ce n'est pas à cause de toi.


Je clos notre discussion, je sens qu'il est tendu. J'ai dû l'énervé. Il saura un jour, mais aujourd'hui n'est pas ce jour. Il monte le bruit de la radio en tournant le bouton. Je pose mon coude sur le rebord de la vitre. Je pose ma tête dans le creux de ma paume. Le bruit de la radio me berce. Mes paumières sont lourdes, fatiguées d'avoir portés des litres de larmes. Ma tête tombe sur la vitre et suit ces mouvements. Je m'endors.









































Utopie.Where stories live. Discover now