5. Incompréhension

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Je traverse d'un pas rapide le grand hall d'accueil du Directorial, suivie de près par miss barbie qui est elle même accompagnée du claquement insupportable de ses talons sur le carrelage.
Arrivée aux grandes portes en verre, je me retourne vivement puis la regarde.
Je lui souris brièvement pour tenter de cacher le sentiment de peur qui m'a envahit pendant qu'elle me fais un faux sourire accompagné de quelques paroles :
《- Oh mademoiselle Clark ! Vous vous en êtes sortie tellement bien ! Aucune égratignure ! Aucune blessure.
Je suis fière de vous.
- Et bien merci, lâche-je distraitement.》
Sur ces mots je sors, marche sur quelques mètres puis m'arrête.
Je profite du vent qui fouette mon visage, me faisant respirer.

Je souffle, des larmes non contrôlées dégoulinant sur mes joues.
Rien. C'est le vide. Je ne sais plus ce qu'il s'est passé dans ce putain de Directorial.
Aucun souvenir.
Je ne sais pas si je pleure de soulagement, parce que je suis stressée, parce que je ne vois pas Athèna ou tout simplement car j'ai besoin d'évacuer.

Je ris -comme à chaque fois que je suis nerveuse- passe mes mains sur mon visage et prends des bouffées d'air frais.
Je passe la barrière de soldats et me dirige vers le parc.
Je marche perdue dans mes pensées, espérant que j'ai tout foiré.
Je me dirige vers "notre" banc.
C'est notre banc à Léopold et moi, depuis qu'on est gosses on s'assoit toujours ici.
J'allais m'asseoir lorsque je sens une masse me sauter dessus, me retourner puis me serrer. Très fort.
Puis Athèna se met à pleurer de manière incontrôlable, en hoquetant et reniflant.
Je relève mes mains qui pendaient à côté de mon corps pour les poser sur son dos, et faire des petits cercles avec mes doigts pour la calmer.
Et elle se met à me serrer encore plus fort en me chuchotant à quel point elle a eu peur pour elle est moi.
《- Ath' je t'aime très fort mais t'es en train de m'étouffer, soufflè-je sur le ton de la confidence.
- Oh mince ! Désolée désolée désolée ! S'exclame-t-elle en pouffant.
- T'es pas désolée au fond hein ? Lancé-je en m'écartant d'elle, un sourire moqueur aux lèvres.
- Non  pas du tout. Dit elle d'un air sérieux en me toisant.
- Oh la connasse, criè-je en explosant de rire.》
Et c'est dans un concert d'éclats de rire qu'on rentre chez nous, alors qu'on vient de passer une épreuve qui terrifie tout le monde depuis maintenant 6 ans.

••••

J'allais entrer dans notre chambre pour me reposer avant le dîner lorsque j'interpelle ma soeur avant qu'elle aille se doucher :
《- Athèna ?
- Ellyn ?
- Tu te souviens de quelque chose ?
- Oh... Toi aussi pas vrai ? Je ne me souviens de rien.
- Oh. Tu penses vraiment qu'on a tout oublié nous même ?
- Non, je ne sais pas, je crois que je me rends pas compte. Ou peut être qu'ils nous font oublier, c'est pour ça que personne ne peut dire ce qu'il se passe durant les épreuves. Et toi ?
- C'est quand même étrange parce que le gouvernement menace tout le monde à propos des épreuves, 'fin ils disent que toute personne qui a passé le test doit se taire et ne jamais dévoiler ce qu'elle a vécu sous peine de mort.
- Oui, ça craint. Donc, toi aussi tu ne te souviens de rien ? Lâche-t-elle en fronçant les sourcils.
- Non... Mais...
- Mais ? Me questionne-t-elle d'un air interrogateur.
- C'est bizarre... Je ne me souviens pas des épreuves, mais d'une superposition d'images.
Non d'un film plutôt. Balance-je sur le ton de la confidence, le regard baissé vers mes pieds.
- Hein ? Mais qu'est ce que tu racontes ?
- Je sais pas, j'aurais préféré ne me souvenir de rien aussi, ça craint, je flippe. Déclare-je
- Ça commence à sentir mauvais cette histoire...
Racontes moi ce dont tu te souviens, ça peut nous éclairer.
- D'accord... alors.
Une gazelle.
Paisible, elle boit de l'eau.
Soudain alertée, elle lève brusquement la tête.
Elle voit le lion, le regarde avec dédain.
Le lion s'approche, elle fuit.》
Je marque une pause, pas très sûre de ce qu'il s'est passé après.
《- Et ensuite ?
- Et bien... Tout s'est passé très vite.
Le lion s'est précipité vers la gazelle, et l'a tuée. Mais avant qu'elle meure, les deux animaux ont regardé dans ma direction. Je lâche d'une voix hésitante.
Je me souviens de ça, et c'est tout, je suis aussi paumée que toi.
Ath'... Je comprends pas. Pourquoi tu n'as aucun souvenirs des épreuves et pas moi ? Pourquoi je me souviens de ça ?
- C'est le Directorial. Ils font ce qu'ils veulent de nous, et ils ont décidé de me priver de mes souvenirs pour que je ne dise rien, comme tous les autres.
Mais toi, c'est pour te prévenir.
- Mais me prévenir de quoi ?
- De ne pas jouer avec le feu. Car tu es la proie, et eux les chasseurs.
Ils te rateront pas.》
Je la regarde dans ses yeux bleus clairs perçants, les mêmes que les miens, ses cils papillonent.
Je me détourne pour descendre lorsqu'elle me dit d'un ton anxieux :
《- Mais Ellyn... Tout à l'heure tu t'es mise à parler du lion sans même l'avoir mentionné avant. Comme si il avait toujours été là, que tu le savais mais que tu n'as rien fait.
C'est étrange non ?》
Le lion. Qu'est ce qui s'est passé avec le lion ? Merde, je le sais, ça tourne dans ma tête ! Non... Je sais plus. Pourquoi il y avait un lion ? Allez, je le sais, ça va venir. Je souffle, réfléchi, me concentre et cherche pourquoi ce lion me paraît familier.
Ça ne vient pas, je ne comprends pas, pourquoi ? Je dois me concentrer, je vais trouver. Là ! Je sais ! J'allais ouvrir la bouche, mais une douleur horrible me vrille le crâne. Et comme si un éclair me parcourait le corps, je tombe, hurle, convulse avant de me tenir la tête, et de crier, c'est épouvantable, c'est plus que douloureux. Je suis plaquée au sol par cette douleur, ma tête va exploser.
Ça fait mal, horriblement mal.
Je serre les dents, ferme les yeux, des larmes dégoulinant malgré tout, me mords les lèvres à en saigner avant que des étoiles dansent devant mes yeux et qu'un champ noir envahisse ma vision. Puis le vide.

••••

J'ouvre les yeux, je suis plongée dans le noir. Étrangement, ça ne m'étonne pas, bien que je ne me rappelle pas m'être couchée. D'ailleurs, je suis entièrement habillée. Je déteste dormir habillée et à moins qu'il fasse affreusement froid, je ne le fais jamais.
J'allume comme je le peux une bougie puis la pose sur ma table de chevet, la flamme rougeoyante tremblote doucement, donnant un aspect plus lugubre que lumineux à notre chambre.
Je regarde d'ailleurs le lit d'Athèna en face de moi, elle dort paisiblement, l'air calme et les cheveux éparpillés autour de sa tête. Elle a un bras posé près de sa tête et la couverture tombe légèrement sur le sol. Je souris légèrement à cette vue attendrissante, elle a beau être plus grande que moi de quelques minutes, je me sens toujours obligée de veiller sur elle.
Elle aussi mérite d'être heureuse.

Je relève ma couverture et descends de mon lit, prenant au passage la bougie.
Je fais le tour de la chambre pour allumer les différentes bougies qu'il y a, histoire d'y voir plus clair.
Je porte le même survêtement noir que celui que j'ai enfilé ce matin avant d'aller passer les épreuves et mes cheveux sont totalement décoiffés. Je me dirige près de mon miroir, et commence à m'observer.
Ath' n'a jamais compris pourquoi je passais autant de temps devant ce miroir à me regarder, au point de me déshabiller et de m'habiller devant.
Cela peut paraître narcissique, mais j'aime me regarder dans ces moments là. Mais en fait je ne me regarde pas, je m'observe, me détaille, regarde la moindre mèche de cheveux, chaque petite parcelle de mon corps.
J'essaie parfois de me trouver des jolis traits, mais je n'y arrive pas tellement.
En fait, moi même je ne sais pas pourquoi j'aime autant voir chaque partie de mon corps avec autant de précision.

Actuellement, lorsque je m'observe, je vois dans mon reflet ce que j'ai l'habitude de voir : une chevelure blonde m'arrivant aux épaules, des yeux bleus en amandes et assez rare à notre époque, une pommette à droite, des joues creuses, des petites lèvres couleur framboise, un grand front. Je ne me trouve pas spécialement jolie, mais je suis quand même bien comme ça, à mon goût. C'est ce qui est le plus important, de plaire à soi même.

Je commence donc à me déshabiller, veillant à ne pas réveiller ma soeur qui dort paisiblement.
J'enlève ma veste puis mon pantalon, jusqu'à être en tee shirt culotte devant le miroir.

Je me scrute, me jugeant. Je me trouve trop maigre, des jambes trop petites, une poitrine plutôt jolie mais des fesses presque inexistantes à mon goût. Cela peut sembler surfait, mais je ne trouve pas que j'ai une silhouette sublime.
Enfin, j'enlève mon tee shirt plutôt épais d'un air las, et me stoppe dans mon élan.

Je fixe mon reflet dans le miroir, relève légèrement le tee shirt et ce que je vois me glace le sang.
Je retire complètement mon haut, me retrouvant en sous-vêtements.
Les yeux voilés par la peur, je recule et m'éloigne de cette vision d'horreur, une main sur la bouche.
J'essaye d'hurler mais je n'y arrive pas.
Mes mains tremblent, les larmes me montent aux yeux et je m'effondre face à ce que m'offre mon image dans le miroir.
Et là, je hurle, pleure et crie à n'en plus pouvoir, je me débats contre je ne sais quoi, me griffe la peau et finis par exploser de douleur sans savoir pourquoi, scotchée au sol.
Mais qu'est ce qu'il m'arrive ? Qu'est ce que c'est que ce bordel ?
Noir complet.

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⏰ Dernière mise à jour : Nov 20, 2016 ⏰

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