Chapitre 2 ~ Amertume

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J'ai terminé mes cours de la matinée, je dépose mes affaires à mon casier et vais payer mon repas de ce midi à la cafétéria puis me dirige vers ma table habituelle où sont déjà rassemblés la plupart de mes amis. L'une d'eux, Sarah, une brune au visage couvert de tâches de rousseur et à l'opulente chevelure brune s'écarte pour me faire une place. Je lui souris et commence à manger. Je participe peu à la conversation, me contentant d'acquiescer lorsque l'on sollicite mon approbation. Mais dans ma tête je bouillonne et critique toutes les personnes présentes à la table sans exception. Je les déteste tous. Ils sont si futiles et naïfs ! Je sais très bien qu'ils ne m'ont rien fait, et pourtant je ne peux m'empêcher d'éprouver une haine constante à leur égard. Comme si leur présence à elle seule suffisait à me déranger.

Quand je me lève après avoir fini une poignée d'autres filles se lève aussi. Nous nous dirigeons vers les toilettes, situées à l'extérieur du bâtiment principal, pour nous recoiffer, nous remaquiller et parler des dernières rumeurs et autres événements récents méritant notre attention. Comme d'habitude je fais semblant de m'intéresser à la discussion qui se révèle des plus ennuyeuse...

- Savais-tu que Will avait demandé à Jenny si elle voulait sortir avec lui ?! Comme s'il avait la moindre chance !

S'exclame Sarah. Les autres, elles, gloussent bruyamment tout en retouchant l'une son mascara, l'autre sa queue de cheval...

Je la regarde et ris légèrement, faisant mine d'approuver. Je ne sais même pas qui peut bien être ce Will dont elle parle.

La porte s'ouvre et brusquement la conversation s'arrête nous laissant dans le silence le plus complet. Une fille est entrée et mes compagnes ne se gênent pas pour lui lancer des regards dédaigneux, certaines font même semblant de vomir... Puéril.

Cette fille qui attise tant leurs moqueries c'est Raphaëlla. Elle n'a pas d'amis et ne parle jamais, à personne. On dit d'elle qu'elle est gothique car elle est toujours en noir, faisant ainsi ressortir la couleur auburn de ses cheveux gras. On raconte des tas de choses sur elle, qu'elle aurait commis un meurtre avec pour seule arme ses dents, ou bien qu'elle aurait changé cinquante fois de famille d'accueil en à peine deux ans ! Bref, des choses invraisemblables et horribles. Le genre de choses qui ne se dit pas.

Je n'ai pas pitié d'elle, non, la pitié est un sentiment qui m'est étranger (comme beaucoup d'autres d'ailleurs). Pourtant, je ne peux m'empêcher de me comparer à elle et de penser que si je n'étais pas aussi belle et bonne actrice, je serais sûrement comme elle. Détestée de tous, renfermée sur moi-même et seule en permanence. A la réflexion ça ne me déplairait pas tant que ça...

Une fois Raphaëlla sortie les discussions reprennent de plus belle et toutes se mettent à parler en même temps.

- Tu as vu le maquillage de ses yeux ? On dirait un raton laveur

- Je me demande si elle a du shampoing chez elle... ses cheveux sont si gras... berk !

J'observe ces gens si pathétiques dans leur environnement naturel. Qui sont-ils pour juger quelqu'un sans la connaître réellement.
La sonnerie retentit et je me dirige vers la salle où a lieu mon cours suivant faussant ainsi compagnie au gang des écervelées qui me servent d'amies.

~~

Quand mon dernier cours se termine je me précipite à l'extérieur et vais directement dans le bus.

A l'intérieur la plupart des gens murmurent et régulièrement mon prénom est chuchoté. Hailey ,m'ayant gardé une place à quelques rangs du fond, me regarde avec compassion tandis que je m'asseyais à ses côtés.

- Tu es au courant pour la rumeur ? Lance t-elle un sourire crispé la défigurant.

- Non, quelle rumeur ? Je réponds prise d'intérêt.

La fausse blonde hésite quelques instants avant de me la révéler.

- Eh bien, commence-t-elle, Samuel dit à tout le monde que tu sors avec lui et que tu lui envoies des messages dans lesquels tu le harcèle pour qu'il vienne chez toi faire « ce genre de choses » depuis des semaines...

Une vague image d'un garçon blond aux yeux bruns au visage disgracieux m'apparaît. Je crois qu'il est plus jeune que moi d'un an.

Une vague de colère si puissante qu'elle me surprend moi-même m'envahit.

- Où est-il ?

J'ai prononcé ces mots lentement, avec précaution afin que mon interlocutrice ne soit pas alertée par ma soudaine agressivité et décide de m'empêcher de l'approcher.

- Avant-dernier banc, tout au fond, me chuchote Hailey inconsciente de la fureur brûlant dans mon esprit.

Je me lève vivement de ma place et m'aventure dans l'allée jusqu'au fameux Samuel. Il pose les yeux sur moi et a un mouvement de recul. Lentement j'approche mon visage du sien, l'expression impassible. Il sourit en coin, se figurant assurément que j'allais l'embrasser. Mon visage à un centimètre à peine du sien, le regard froid et vide d'émotion, je murmure entre mes dents :

- Si tu lances encore ne serait-ce qu'une rumeur à mon sujet, je te tue.

Quelque chose dans ma voix et dans mon expression a dû lui fait peur, ses pupilles se dilatent et c'est difficilement qu'il semble avaler sa salive.

- T'es pas sérieuse, allons Lexie, c'était juste pour délirer. Tu vas pas m'en vouloir pour ça quand même ?

Un sourire cruel étire mes lèvres. Mon visage s'est un peu éloigné du sien, tout le bus semble retenir sa respiration, le chauffeur, quant à lui est resté à l'extérieur pour attendre les retardataires. Je me racle la gorge et m'exclame d'une voix forte :

- Ah ouais ? Et ça, ça te fait délirer ?

J'attrape sa tête des deux mains, l'une sous le menton, l'autre sur le haut du crâne et je tourne vivement sur le côté. Je souhaite lui faire peur, lui faire mal, qu'il s'en souvienne !

J'entends quelque chose craquer, un bruit horrible d'os et cartilage brisé, je le lâche et Samuel s'effondre sur son siège, glissant sur le sol. Des cris sont poussés, la surprise et le terreur s'emparent des adolescents présents dans le véhicule. Une fille sur une place toute proche a les yeux écarquillés, la bouche grande ouverte elle chuchote.

- Il est ? Il est vraiment ?...

Je me retourne, emprunte l'allée en sens inverse et sors par la porte de secours. Dehors plusieurs bus attendent de pouvoir démarrer, un élève est sortit de mon autobus et a appelé notre chauffeur. Je circule entre les bus et les voitures garés et m'enfuie en courant.

Samuel est mort, voilà ce que je ne cesse de me répéter, je l'ai tué. Une vive émotion s’empare de moi comme jamais auparavant, je crois d'abord que ce sont des remords, ou bien même de la peur.

C'est faux, enfin si j'éprouve de la peur. L'énorme sentiment de satisfaction que je ressens me fait peur. Car ce n'est pas normal de se sentir si bien après avoir fait ce genre de chose.

Et pourtant...

Je n'ai aucun regret, seulement de la satisfaction...

DÉMONSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant