DÉMONS

Chapitre 5 ~ Appréhension

À peine sortie de chez moi le froid me glace déjà les os. La rue est calme en cette fin d'après midi, personne ne pourrait se douter qu'une meurtrière la parcourt. J'ai froid mais je marche, puis je cours, les feuilles d'automne ornant le sol crissent sous mes pas. Mon chat me suit tel un fidèle compagnon à l’affût du moindre bruit ou de la moindre personne suspecte. Le vent glacial pénètre ma peau à mesure que je continue ma course, les mains dans les poches je tente de me réchauffer, en vain. Je finis par m'arrêter, à bout de souffle, devant une boulangerie. J'entre dans le magasin, mon chat dans les bras, ça fait bizarre mais c'est peut être la dernière fois que j'aurais la chance de manger quelque chose de « frais » avant un bon moment.

La vendeuse lance un regard interloqué sur mon chat mais ne dit rien et ce malgré le petit panneau sur la porte indiquant que les animaux sont interdits. Je prends un sandwich au jambon, un paquet de chips et des réglisses, paie et range mes achats dans mon sac avant de sortir en silence du magasin. Je déballe immédiatement mon sandwich et le mange tout en marchant.

Je dois trouver un endroit où dormir pour la nuit, une forêt peut être, histoire de ne pas être retrouvée. Je sais qu'il y en a une à quelques kilomètres d'ici, je décide donc de marcher dans cette direction. La police doit déjà être chez moi, j'espère que ma mère a réussi à les embobiner et qu'il ne lui arrivera rien. Après tout elle a fait ça pour me protéger...

Je pense à mon père, ce démon auquel je ressemble énormément. Je me demande s'il est en vie, et dans ce cas où est-ce qu'il peut bien se trouver. Je songe quelques instants à la rejoindre pour aller vivre tranquillement à ses côtés aux Enfers, enfin et si tant est que les Enfers existent. Je chasse cette idée en secouant la tête, c'est complètement fou, mais d'un autre côté les démons étant irrésistiblement beaux leurs habitations le sont peut être tout autant ? On a bien le droit de rêver après tout...

Quelques temps plus tard j’aperçois la forêt au loin, je pique donc un dernier sprint et m'engouffre dans les ténèbres mon chat sur les talons. Plus je m'enfonce dans la forêt plus l'atmosphère sinistre des lieux se fait ressentir mais ça me convient. Je me pose sur le sol, contre un arbre, sors ma couverture et me recouvre avec. J'essaie de me camoufler, sait-on jamais quelqu'un pourrait bien débarquer, en vain. Tant pis.

Je ferme les yeux et sombre dans le sommeil.

~~

Je me réveille en sursaut. Il fait nuit, autour de moi tout est calme, seule la nature émet ses bruits familiers. Dark, lui, me lance un regard interrogateur.

J'ai fait un drôle de rêve. Un grand homme mince était caché dans l'ombre, son visage m'était caché. Il me disait que la mort de mon camarade était la première d'une longue série. Il m'a également assuré que la prochaine fois que ça se produirait il m'enverrait quelqu'un...

Je suis persuadée que cet homme était mon père, je le sens au plus profond de moi. Si je tue encore quelqu'un il va venir me chercher ? Il veut réellement que je commette à nouveau un meurtre... je ne comprends pas...

Je me suis redressée et me suis appuyée dos à un arbre, une position très inconfortable en somme... J'entreprends de démêler mes cheveux roux en passant mes doigts dedans. Mais comme j'aurais dû m'en douter ils sont propres, lisses et sans aucun nœuds. J'avais presque oublié cet avantage à ma condition de démon.

Je soupire bruyamment, j'ai toujours pensé que les démons étaient de laides créatures répugnantes faisant peur aux enfants en se cachant sous leurs lits. En fait je n'ai jamais vraiment cru aux histoires de monstres ou de démons. Ce n'était à mes yeux que des mythes inventés pour faire peur aux enfants. Et voilà qu'a présent je découvre qu'ils sont en réalité physiquement très beaux et charmant et que je suis une demi-démone...

J'ai soudain une forte envie de voir mon père qui naît en moi, je veux qu'il me donne des explications sur les démons et par dessus tout qu'il me dise pourquoi il ne m'a jamais fait signe en 16 ans de vie... Je pense qu'il a pourtant largement eut le temps de me signaler sa présence, j'ai vécu toute ma vie sans savoir qui était mon père, sans savoir s'il était même encore en vie !

Je trésaille lorsque mon chat me saute sur les genoux, je le caresse et un goût acide empli ma bouche, de l'amertume. Mon géniteur aurait dû attendre l'accouchement de ma mère et m'emmener avec lui aux Enfers, ou qu'importe le lieu où il vit, entourée de mes semblables j'aurais pu être moi-même ! Ne pas avoir besoin de montrer de faux sentiments, laisser éclater ma haine. Et au lieu de ça j'ai été abandonnée aux humains, contrainte de me cacher derrière un visage souriant et aimable.

Je sens la haine m'envahir à nouveau, une aversion froide, cruelle, comme avec mes camarades de classe. Je me ferme au monde extérieur, comme d'habitude, et mon animosité s'accumule de plus belle.

Enfin je comprends, à force d'amasser de la haine j'ai finis par exploser et j'ai tué Samuel Roberts pour une raison futile. C'était ces sentiments cumulés qui m'ont forcée à agir. Je m'étonne maintenant que ça ne soit pas arrivé plus tôt... Ainsi, si je ne libère pas ma haine bientôt elle risque d'exploser d'elle-même sans que je puisse contrôler quoi que ce soit et je risque à nouveau de commettre un geste dénué de sens.

Je la sens déjà qui se répand dans mes veines telle un poison, qui monte vers mon cerveau et me fait perdre mes moyens.

La question que je me pose à présent est :

Qui sera ma prochaine victime ?