Chapitre 3 ~ Haine

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J'ai couru, encore et encore, ne m'arrêtant qu'une fois la totalité de mon énergie consommée. Je me trouve à présent à la lisière d'une forêt, à environ un kilomètre de chez moi, quelque chose comme ça. Je suis fatiguée d'avoir couru mais pas aussi essoufflée que j'aurais dû l'être, l'air ne me brûle pas la gorge à chaque inspiration. En revanche la soif me tenaille. Épuisée je me laisse glisser sur le sol, mon dos collé à un arbre, un noyer. Je ramène mes genoux contre mon torse et appuie ma tête contre le tronc le regard perdu dans les branches. Je ne regrette aucunement ce que j'ai fait, si c'était à refaire je recommencerai sans hésiter une seconde, mais à vrai dire j'appréhende les conséquences...

La police va t-elle me chercher ? Si ça se trouve ils sont déjà au courant et sont chez moi en ce moment même, avec ma mère qui doit pleurer toutes les larmes de son corps à l'idée que sa fille soit une meurtrière. Vais-je pouvoir retourner à l'école ? Ou alors va t-on me mettre en prison en l'attente de mon procès ? Et surtout la véritable question, et sans doute la plus importante, qui me trotte dans la tête c'est, qu'est-ce qui m'a pris ? Je n'ai pas pu m'en empêcher, j'avais besoin de lui faire mal, je voulais le tuer. C'était... libérateur. J'ai fait ça tout naturellement, comme si... comme si j'avais été créée dans ce but, comme si c'était dans mes gênes...

Je reste ici un moment, je ne sais pas combien de temps exactement, cinq minutes, un quart d'heure, une heure ? Je n'en ai pas la moindre idée. Et puis, prise d'une pulsion je me relève, enlève les feuilles mortes et la terre maculant ma robe et me remets à courir. Je cours dans la direction opposée, vers chez moi, la peur au ventre de découvrir que l'on m'y attend et que je suis incapable de ressentir la moindre culpabilité face à mon acte. J'entre chez moi, claquant les portes sur mon passage, montant les escaliers quatre à quatre espérant ne pas croiser ma mère, pas tout de suite. Une fois dans ma chambre je m'enferme à clef et me jette sur mon lit moelleux en l'attente d'une crise de larmes libératrice qui n'arrivera pas. Mes cheveux roux me tombent dans les yeux, je les tresse rapidement afin de m'en débarrasser. J'entre dans la salle de bain et me désaltère à même le robinet, puis je prends une grande inspiration et descends à la rencontre de ma mère.

Ce n'est pas le genre de conversation que je pensais avoir avec elle un jour, lui annoncer que j'ai assassiné quelqu'un n'était pas dans mes projets immédiats. Je la rejoins pourtant sur le canapé du salon tout en me triturant les mains de nervosité. A mon arrivée elle coupe le son de la télévision et plonge son regard bleu comme l'océan dans le mien noir de jais, héritage paternel.

- Quelque chose ne va pas ma chérie ? Tu m'as l'air nerveuse.

- Maman, j'ai quelque chose à te dire...

Ma mère secoue doucement la tête de haut en bas faisant bouger ses cheveux blonds cendrés m'incitant à continuer.

- J'ai, j'ai fait quelque chose aujourd'hui, quelque chose de très mal, je suis même étonnée que tu n'en ais pas encore entendu parler...

Je vois ses beaux yeux bleus se voiler, les larmes menaçant de couler comme si elle savait déjà.

- Il y avait un garçon, à l'école... Il a propagé des rumeurs sur moi, dit des choses que je n'ai jamais faites... Je voulais seulement lui faire un peu mal, lui faire comprendre qu'il ne devait pas recommencer... mais je, je l'ai tué... c'était un accident maman !

Elle ne semble pas surprise, une larme coule sur sa joue, larme qu'elle s'empresse d'essuyer. Pas non plus de déception, pourquoi ?

Son silence et son regard triste m'agacent, j'ai envie de hurler, de retourner dans ma chambre et de dormir pendant une bonne éternité, voire même deux. J'ai toujours été sombre c'est vrai, mais de là à ne rien éprouver d'autre que de la satisfaction après avoir commis un meurtre ?! Un meurtre ! Je dois vraiment être la dernière des sans cœurs psychopathe...

DÉMONSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant