Chapitre 4 ~ Confusion

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Je suis assise sur le sol de ma salle de bain, entourée de morceaux de miroir brisé. Sept ans de malheur à ce qu'on dit, enfin à ce que disent les superstitieux. Mon front ensanglanté se reflète dans l'un des morceau du miroir. Un bout tranchant m'a sans nul doute frôlée lorsque j'ai frappé la glace avec mon poing. D'ailleurs ce dernier est en sang, des fragments de verre y sont enfoncés par ci par là. Étrangement ça ne me fait pas mal, je crois même que la douleur me fait du bien, elle me soulage.

Ma mère, sans doute alertée par le bruit ouvre la porte, baisse les yeux et me découvre. Je dois avoir l'air pitoyable ainsi affalée par terre des morceaux miroitants plantés un peu partout dans ma peau. La surprise se lit dans les yeux de la femme m'ayant donné la vie, la peur aussi, malgré tout elle s’accroupit à mes côtés. Une de ses mains vient caresser mes cheveux roux avec tendresse, sa voix douce me berce.

- Tu n'es pas comme ton père, Lexie, tu es toi et seulement toi.

Je lève les yeux vers elle et repousse son bras de ma main abîmée laissant une traînée de sang sur sa peau.

- Maman, ose me dire que je ne lui ressemble pas, ose me dire dans les yeux que mon acte n'est pas monstrueux.

Elle s’exécute, plantant son regard dans le mien, du regret, de la tristesse... voilà ce que je vois. Regrette-t-elle ma naissance ? Non, bien sur que non, mais je vois bien dans ses yeux qu'elle aurait préféré que je ressemble moins à mon géniteur et plus à elle. Que je sois plus humaine que démoniaque.

- Je suis désolée ma chérie mais je ne peux pas... tu lui ressembles tellement. J'ai espéré pendant des années que sa cruauté et sa noirceur n'aient pas été héréditaires. Au début tu étais un bébé, puis une petite fille pleine de vie, je ne sais pas ce qui a changé, quand est-ce que tu es devenue celle que tu es... Mais je t'aime quand même, même si toi tu es incapable d'éprouver la même chose à mon égard.

Je la considère, d'abord surprise, puis blessée. Certes, elle m'aime, mais à ses yeux je ne l'aime pas. Pourtant, c'est faux, je le sais, enfin je l'apprécie énormément ! Elle a toujours été là pour moi, même aujourd'hui alors que j'ai commis l'irréparable elle est là. L'amour m'est étranger...

Devant mon absence de réaction ma mère entreprend de retirer les morceaux tranchants et de désinfecter ma peau. Une fois terminé elle m'embrasse sur le front et s'en va, me laissant seule dans la salle de bain. Seule et troublée. Je finis tout de même par me lever telle un automate et marche vers ma chambre me lovant dans ma couverture. Mon chat vient me rejoindre, se couchant sur mes jambes en ronronnant, je le caresse par automatisme, les yeux dans le vague.

Le téléphone sonne et j'entends ma mère répondre, la peur me noue l'estomac. Quelques minutes plus tard je la vois débarquer dans ma chambre complètement affolée.

- La police va venir te chercher, je ne peux pas les laisser t'emmener... Tu vas devoir partir et je vais t'aider.

Son regard est triste, de mon côté je suis choquée de ce qu'elle s'apprête à faire pour me protéger. Des larmes coulent sur son visage. Elle ne veut pas qu'on m'enferme, elle devrait les laisser faire, je suis un monstre, je n'éprouve pas le moindre remord. Et elle le sait. Je recommencerais si c'était nécessaire, et même si ça ne l'était pas à vrai dire...

Non ! Je ne veux pas devenir un monstre, je dois dompter mes pulsions meurtrières. Je dois passer outre mes origines. Après tout ne dit on pas que nous devons choisir nous même notre voie ? Je ne laisserais pas mon père, que je ne connais même pas, me transformer en démon sans pitié. Malgré tout, je sais que même si je me bats contre ma nature ce ne sera qu'en partie, je ne pourrais jamais totalement la contrôler.

J'ai la désagréable impression que le meurtre de Samuel Roberts n'était que le premier d'une longue série, une fois qu'on commence on ne peut plus s'arrêter.

Ma mère se saisit de mon sac à dos noir et vert et y entasse des vêtements ainsi qu'une couverture.

- Qu'est ce que tu fais ?!

- Je prépare tes affaires, ils ne vont pas tarder à arriver, il faut que tu partes avant qu'il ne fasse nuit.

Les larmes coulent de plus belle sur ses joues tandis qu'elle continue à remplir mon sac. Elle descend et je la suis. Elle ajoute des noix, des fruits déshydratés, des biscuits secs et du miel.

- Tu me mets dehors ?

- C'est pour ton bien, tu le sais aussi bien que moi, et tu sais aussi que ça ne me fait pas plaisir de t'abandonner mais nous n'avons pas le choix !

Elle ajoute une bouteille d'eau et de l'argent, mes économies à ce que je vois, les 600$ accumulés depuis mon enfance à diverses occasions. Elle me tend mon manteau, celui qui conserve bien la chaleur et j'enfile des bottes imperméables. Mon sac à dos sur les épaules je m’apprête à sortir pour la dernière fois de cette maison. Je me tourne vers ma mère, un sourire triste orne son visage fatigué d'avoir gardé le secret de ma nature pendant si longtemps. Elle s'approche de moi et me sert dans ses bras, ce contact me déplaît quelque peu mais je fais un effort, pour elle, parce qu'elle a toujours tout fait pour moi.

- Je t'aime, Lexinelle.

- Au revoir maman.

Elle s'en va, préférant aller dans le salon plutôt que de me voir partir pour de bon, au moment où j'allais ouvrir la porte je sens quelque chose se frotter contre ma jambe. Je baisse les yeux et souris. Dark est là, il me regarde de ses yeux tristes, rendant son expression presque humaine. Comme s'il savait que j'allais partir pour toujours. Je le prends dans mes bras, j’hésite, je devrais l'emporter avec moi ou il finira à coup sûr à la fourrière. Ma mère ne l'a jamais supporté, même s'il ne me suit pas il sera au moins libre. J'ouvre la porte de la maison, lance un dernier regarde vers le salon où ma mère a disparue et je sors. Mon chat ne s'enfuit pas, il me suit, au moins mon seul véritable ami sera avec moi.

Je ferme la porte de ma maison, sans savoir ce que le destin me réserve.

DÉMONSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant