The Real World

Chapitre 3

Chapitre 3

Cela faisait plusieurs semaines que j'étais dans le camp. J'avais toujours mon petit coin à l'infirmerie et rien n'avait beaucoup changé. Yel continuait de venir me voir après son service pour me parler de ce monde. Grey passait en coup de vent pour me déposer des livres que je n'arrivais même pas à déchiffrer. Yel me disait que c'était parce que j'avais passé ma vie dans Muse. J'ignorais si c'était la vérité. A dire vrai, je ne savais strictement rien.
La semaine dernière, Pink était venue m'annoncer que je pourrais sortir dans quelques jours. Cela m'avait désarçonné. Un peu plus tard, un homme grand, en costard et littéralement bleu foncé -même sa peau- était arrivé pour m'expliquer ma future vie au camp.

"-Tu vas vivre dans un immeuble réservé aux nouveaux. Vous serez 6. Là-bas, tu seras affecté à une tâche que tu devras effectuer quotidiennement. Sans te plaindre. Une personne te suivras partout. On ne peut pas risquer que tu te fasse enlever."

J'avais tiqué au fait que le camp ne pouvait pas se passer de moi. Les Monochromes viendraient me chercher ici ?
Je n'avais jamais réalisé mon importance dans ce monde. On ne m'avait pas expliqué clairement mon rôle dans ce monde. Certes, je savais que ce que j'allais faire dans un temps proche déciderait si le monde survivrait ou non.
Je pris conscience d'une chose. Depuis mon arrivée dans Real World, je n'avais pas eu l'occasion de voir l'extérieur. Yel me racontait que que tout était pleins de couleurs et que la nature avait le dessus. Mais si ce que j'allais trouver serait complètement différent de ce que j'attendais ?

"-Mademoiselle ? Abnormal Colors ? Est ce que tu m'écoute ?
-Excusez-moi, que disiez-vous ?"

L'homme soutint du regard quelques instants avant de répéter.

"-Je disais qu'il ne fallait absolument pas que tu ailles dans la foret. Tu auras un espace délimité pour te balader.
-Suis-je en prison ?"

Un silence accueilli ma remarque. Il toussa pour se redonner constance puis partit en me saluant d'un signe de tête.
Je partais mal dans ma nouvelle vie. Je devais vraiment ressembler à une folle. L'étais-je ? Je n'en avais pas la moindre idée.
Une mèche noir vint barrer ma vision. Mes cheveux avaient poussés de façon hallucinante depuis que j'étais ici. Ils m'arrivaient au creux des reins alors qu'avant, ils s'arrêtaient à mes omoplates. De la couleur était apparut aussi. Toutes les couleurs de l'arc-en-ciel mais en beaucoup plus sombre. Ces mèches s'égaraient dans le reste de ma chevelure noire corbeau. Ma peau était plus blanche aussi. Au lieu de mon beige rosé habituel, j'avais maintenant un teint blanc de porcelaine. Je n'aimais pas tellement cette couleur. Elle faisait ressortir mes veines bleues. On aurait pu dire que j'étais malade. J'aurais bien aimé avoir un miroir pour voir mon visage, mais ils n'avaient pas voulu m'en donner un.
Une autre chose me manquait plus que tout. Ma musique. Le rythme effréné de la batterie, les notes sublimes des guitares électriques et la voix des chanteurs qui déversent leur amour, leur peurs, leur colère, leur histoire dans un son entraînant. Seulement, il n'y a pas de musique dans ce monde. Les Colors essayent de diminuer le nombre d'objets électroniques. Apprendre ça m'avait déprimé. Comment pouvait on passer une vie sans musique ? Ils s'appellent les Colors mais leur vie semble si fade... Pas de danse, pas de chant, pas beaucoup de rire. Un rythme militaire insipide. Pourtant ils devraient militer pour la joie, le bonheur, la vie en elle même ! Leur monde est fade. Que ce soit dans Real World ou dans Dream World, tout est terne. Les gens ne profitent pas de leur vie. Ils naissent, travaillent et meurent. C'est partout la même chose.
Après ça, je m'enferma dans un mutisme profond. Rien ni personne ne pu me faire sortir un son. Yel commençait aussi à perdre espoir peu à peu. Un jour, elle ne m'avait dit qu'une seule chose.

"-Tes couleurs sont de plus en plus sombres..."

Elle me fit un sourire triste puis repartie travailler.
Quatre jours plus tard, l'homme bleu revint me chercher. Pink m'avait apporté des vêtements à elle pour que je puisse m'habiller. Ce fut avec un immense plaisir que je quitta la tenue de l'infirmerie pour me glisser dans un jean noir, un haut blanc et un sweat à capuche noir. Certes, ce n'était pas la folie mais c'était déjà bien. Pink m'avait aussi ramener une paire de bottines à lacets.
Mon cœur se mit à battre la chamade lorsque mes pas furent au seuil de la porte. Que verrais-je au dehors ?
L'homme m'incita à avancer en me poussant. Mon premier pas à l'extérieur fit éclater toutes mes illusions. Tout était terne. Comme une vision en noir et blanc. Seul quelques arbres restaient légèrement verdoyant. C'était comme si la nature était malade.
Je suivais Blue à travers les bâtiments gris. Ils ressemblaient aux appartements de Dream World mais ceux-ci faisaient pas plus de deux étages. Il m'emmena tout au fond de la Cité. C'est comme ça qu'ils appelaient leur campement. Sur le chemin, nous n'avions croisé personne. Et là je le vis. Le bâtiment des Nouveaux qui était lui aussi gris et comportait un escalier devant l'entrée. Nous gravîmes les quelques marches puis je poussa la porte. L'homme me guida dans le salon qui se situait sur la gauche. Il était plutôt grand et avait plusieurs canapés et fauteuils en tous genres. Les murs étaient prune avec des touches de vert via des cadres et de lourds rideaux. Un flipper et un baby foot étaient installés au fond ainsi qu'une armoire contenant des jeux et des livres. C'était assez sympa comme endroit. Il me présenta la cuisine, la salle de bain ainsi le couloir des dortoirs des garçons puis nous montâmes à l'étage. Il m'indiqua la salle de bain des filles puis ma chambre. Nous avions des chambres indépendantes. La mienne était très simple. Un lit, une armoire et un bureau.

"-Tu pourras la modifier à ta guise plus tard. Des vêtements ont été achetés pour toi et rangés dans ton armoire. Ta tâche quotidienne sera d'aider en cuisine en attendant que tu sois habitué à notre monde. Nous avons un grand réfectoire où nous prenons le repas du midi et du soir ensemble. Quelqu'un t'emmènera demain matin. Tu as la journée de libre pour t'imprégner des lieux. Tiens."

Il me tendit un bracelet argenté tout simple que je mis. Il se resserra automatiquement et le fermoir disparût.

"-Qu'est-ce-que c'est ?

- Un bracelet contenant une puce électronique qui nous permet de savoir où tu es à tout moment. C'est pour ta protection."

Je me contenta de fixer mon poignet droit sans rien dire.

"-Les autres sont entrain d'effectuer leurs tâches et reviendront ce soir. Il y a de la nourriture dans la cuisine. Un garde est posté devant l'entrée. Voilà. Bonne journée. "

Et il partit, me laissant seule dans cette chambre. Je m'assis sur le lit. Je n'aimais pas cet endroit. Trop impersonnel, trop terne. Je me mis à penser avec nostalgie de ma vie dans l'autre monde. C'était peut être faux mais c'était plus beau qu'ici.
Je poussa un soupir et me rendis dans la salle de bain. Elle comportait deux douches simples mais intimes, un lavabo avec double vasque et une porte conduisait aux toilettes. Je m'approcha d'un lavabo et observa le miroir. Il était recouvert d'une peinture bleu fraîchement posée. Je gratta la surface avec mon ongle. Ça s'enlevait facilement. J'attrapa une pince à épilé qui traînait là et gratta encore. Jusqu'à ce qu'une partie du miroir soit assez grande pour que je puisse me voir. Mes longs cheveux noir parsemés des mèches de couleurs sombres, ma peau blanche, mes veines ressortant légèrement et mes yeux. Ils n'étaient plus verts comme avant mais brillants, noirs comme mes cheveux avec des reflets multicolores. Chose absolument anormale. Je compris alors l'origine de mon nom, mon existence sur ce monde et pourquoi les gens étaient si distant vis à vis de moi. Mis à part Yel et Pink. J'étais effrayante. Un sujet d'étude pour les scientifiques. Un monstre. Le choque était tel que je poussa un cris effroyable et courut hors de la pièce. Me réfugiant dans le seule endroit qui me permettait une certaine sécurité. Dans mon armoire, à l'ombre de mon visage, dans le noir complet.
Dans la salle de bain, le miroir était fissuré et la peinture écaillé. Le pouvoir allait se réveiller.