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Il y avait ces soirs, ces soirs où l'on a envie de rien. Il y avait ces nuits où l'on regarde la lune dans l'espoir qu'elle nous apporte quelque chose. Pour nous faire sentir vivants. Parce qu'à l'intérieur, nous ne sommes que des coquilles vides.
Vides de joie, d'espoir, de colère, de tristesse, de rancœur, de dégoût, de peine, de tendresse. De douleur, de bonheur, de désirs.
Vides de vie.
J'en ai appelé à la lune bien des fois. Mais elle ne m'a jamais répondu. J'en ai versé des larmes brûlantes, j'ai hurlé ma rage, j'ai vomi mes tripes mais cela ne l'a même pas fait cillé.
Alors j'ai abandonné. Si même la lune ne voulait pas de moi, qui me voudrait? Une pauvre loque, baignant dans les remous de sa propre haine, déchiqueté par une vie qui n'a jamais voulu d'elle.
La loque rampe, se relève à genoux, supplie qu'on la regarde ne serait-ce qu'un peu, juste qu'on lui dise qu'on l'aime. Mais personne ne veut d'elle.
Je me vois planté dans cette avenue sombre, les passants défilent à une vitesse affolante près de moi. Ils ont tous le visage dissimulé dans l'ombre. Peu à peu, je me fais bousculer, les épaules des hommes à fortes carrures me frappent le visage, puis ce sont mes côtes qui se font attaquer.
Les minutes passent, puis les heures. Mon corps est couvert d'hématomes dégoûtants, mon visage est complètement ensanglanté mais je reste debout.
À attendre qu'on me frappe, qu'on me blesse, qu'on me fasse du mal. Parce que ça me faisait du bien d'avoir un contact avec ces gens, aussi cruel soit-il.
Il est tard. Nous sommes déjà le matin. Je quitte la boîte de nuit miteuse dans laquelle je me suis réfugié une bonne partie de la soirée. Je déambule dans les rues, complètement alcoolisé. Je crie, je fais des bruits d'animal enragé. Les femmes peu vêtues qui croisent ma route fuient en me voyant. Elles ont raison. Je refuse de faire du mal en étant dans un état pareil. Qu'elles fuient et qu'elles ne me revoient plus jamais
Je suis dans une petite sombre dans un quartier que je ne connais pas. Où alors que je ne reconnais pas. Tout me semble si flou, mon estomac commence à faire des siennes, et mes yeux ne sont plus capables de regarder droit devant eux.
C'est alors que quelque chose attire mon attention.
Dans une flaque de lumière pâle, j'aperçois un corps. Est-il ivre mort? En vie ou entre les deux? Est-il... je ne sais pas.
Tout ce que je vois c'est un garçon complètement nu, replié sur lui-même. Je m'approche de lui, et mes genoux m'ont lâché en le voyant de plus près.
Il était en tenue d'Adam, mais sa peau semblait parsemée de paillettes de diverses couleurs.
Bleues. Vertes. Violettes.
En remontant vers son visage, j'ai l'horreur de voir sa bouche et son menton recouvert d'hémoglobine. C'était laid. Ce n'était pas compatible avec son étrangeté, sa beauté. Sa pureté.
D'une main tremblante, j'essuie le sang encore frais. Puis, sans me rendre compte de mon audace et de mon geste inapproprié, je fais courir mes doigts sur son épaule. Je suis dans un autre univers.
Sa peau est galaxie, et les paillettes sont nébuleuses. C'était beau. Beau à en pleurer.
Beau à en crever.
Sous mes doigts, je le sens qui frissonne. Il se réveille, voit ma main sur lui et écarquille les yeux de stupeur. Moi je recule, honteux de mon geste.
Je l'ai souillé. Pardon.
Je voudrais m'excuser mais pas un seul mot ne sort de ma bouche. C'est terrifiant. Je suis terrifiant. Je me dégoute.
J'ose un regard vers le garçon, tout en sachant pertinemment que je n'ai pas le droit. Il a l'air effrayé.
Pardon. Excuse moi. Je ne voulais pas.
Dans un élan je me jette sur lui et atterri sur ses cuisses. Je les enserre de mes bras et j'éclate en sanglots. Comme un enfant.
Je le sens qui tremble sous moi.
Mes larmes effacent peu à peu les nébuleuses colorées. J'aimerais les arrêter mais je suis impuissant.
Je ne voulais pas gâcher ta beauté.
Je sens alors une main tremblante caresser mes cheveux. Les perles salées stoppent aussitôt leur descente infernale.
En un geste il a réussi à calmer ma crise. Mes yeux se ferment et cette fois-ci, mes larmes coulent doucement sur mes joues.
J'ai enfin trouvé la paix au contact de cet étrange garçon pailletté.
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Cœur de Plumes [Recueil de nouvelles]
Short StoryCœur de plumes, c'est le refuge pour les textes qui n'auront jamais d'histoire à part entière. Des idées qui ne demandent qu'à être concrétisées, mais faute de temps ou de tout autres choses, n'ont jamais abouties. Elles dérivent, le long du fleuve...