Chapitre 1

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Déjà 305 ans que je suis sur Terre. Croyez-moi, c’est assez pénible de supporter le comportement agaçant des humains.

Pourtant, j’ai toujours considéré que ce que je possédais était un don. Le don rêvé de tous ces êtres stupides, qui souhaitent vivre plus longtemps pour détruire ce qui leur tient à cœur, et qui désirent sans arrêt ce qu’ils n’auront jamais. C’est donc ça, vivre ? C’est donc ça avoir le cœur qui bat ? Trop peu pour moi. Toutes ces années, j’ai rencontré des gens, de manière trop dangereuse car approcher les humains avec des sentiments, des gestes aimables et des sourires n’était pas pour nous. Ma race ne s’intéresse à eux que pour la voie du sang. Je fais et refais sans arrêt des choses que les personnes normales ne peuvent pas accomplir, sauf dans leurs souvenirs.

Chez moi, les souvenirs n’existent pas. Je n’ai aucun souvenir de mon enfance.

Mais passons. J’ère, je me déplace de villes en villes, de pays en pays, cherchant toujours un centre d’intérêt pour pouvoir vivre en sécurité auprès des humains. Alors je cherche des petits boulots, qui me servent pendant 5 ans maximum. Quelquefois, cela dure moins d’une année. Que voulez-vous, il faut bien que je m’occupe. Ne pas fonctionner selon leurs règles serait dangereux, c’est pourquoi chez eux, je dois m’y résoudre.

Voici l’exemple d’une annonce que j’ai fait la semaine dernière en arrivant à Paris.

«Ludmila, étudiante sérieuse, 19 ans, ordonnée, responsable, et ponctuelle pour tout type de travail. Langues étrangères maitrisées à la perfection dont le Français, l’Anglais, l’Espagnol, le Russe, l’Italien et le Japonais. 4 diplômes + études dans toutes les filières principales. Si intéressé, me contacter au : 06.38.95.45.25. Merci d’avance. »  

Evidemment, tout ceci n’est que mensonge. J’improvise seulement, ce qui me rend exceptionnelle. J’avais tout de même réussi à trouver un petit appartement sympa, un peu retiré de la ville. 30 m² me suffisait largement, sachant que la cuisine et la chambre à coucher ne servait à rien. J’avais surtout besoin d’un grand bureau, d’un petit canapé et d’une télévision. C’était mon péché mignon, j’adorais regarder les émissions télévisées et les films. Si je devais éviter d’être trop tactile avec les humains, je pouvais l’être en revanche avec les yeux.

Ma spécialité, c’était les humoristes. Etant donné que j’avais le rire facile, les voir interpréter des personnages connus et parler de l’actualité en critiquant, j’aimais beaucoup. Je pouvais passer des heures et des heures devant des sketchs bien réussis et bien drôles. C’est souvent ce que l’on me reproche dans la hiérarchie et dans ma famille : soit disant que je me rabaisserais à leur mentalité. Mais je sais ce que je vaux. Lors des réunions familiales, dans les moments où cette histoire de télévision finit par arriver sur le tapis, je fais une mine de « cause toujours tu m’intéresse », histoire de faire passer le temps.

Un soir, après m’être rassasiée dans une forêt non loin de chez moi, je m’installai devant ma télé. Ah ! Sur ma chaîne favorite, on présentait un nouveau talent, tout jeune. J’arrivais pile poil. Quel drôle d’humain. Il se présenta au public de manière très décontractée. Il s’appelait Kevin Smadja, et son nom de scène était Kev’ Adams. Un petit dérivé à l’américaine, il ne manquait pas de souffle !

Je vais vous faire une petite description vite fait : Jeune, assez grand, très bien foutu d’après ce que je vois, des cheveux en pétard frisottés et des yeux verts. Normal quoi, un humain banal je dirai. Je décidai alors de regarder tout son sketch.  Franchement, c’était assez marrant. J’avais déjà eu affaire avec des cas que critiquait Kev’ Adams. Ses textes étaient bien écrits et réalistes. Ça se voyait qu’il y mettait du sien.

Bon, il est 22h30, son émission allait se finir, je m’habillais pour aller voir mes parents en Lettonie. Ma rapidité me ferrais arriver là-bas vers 2-3h00 du matin selon les heures des humains. Moi je ne compte pas.

De toute façon, vaut mieux que je sorte la nuit, même si c’est risqué, à Paris.

Humains, pourquoi êtes-vous si attirants? (avec Kev' Adams)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant