Il l'aimait à en mourir

Le Saut

Aurélien est face au vide à présent. Il est face au vide, il écoute en boucle la musique qui le déprime le plus. Il est face au vide et il a envie de sauter. Mais pas envie de mourir. Pas ici, pas maintenant. Il a envie de sauter, de se faire mal, d'aller à l'hôpital, que la fille qui hante ses pensées vienne le voir, qu'elle ai peur pour lui. Mais ce n'est qu'un rêve. Et il ne va pas sauter. Il pourrai mais il ne le fera pas. Ça anéantirai sa mère. Mais dieu sait qu'il en a envie. Il pourrait aussi rentrer et se trancher les veines. Encore un peu. Mais ça aussi ça anéantirai sa mère. Alors il ne le fera pas. Il va juste continuer à pleurer et à avoir envie de sauter. Il va continuer de regarder le vide en se demandant comment serait sa vie si il sautait. Mais il ne sautera pas. Pas maintenant.

Il espère. Il espère qu'une crise cardiaque traverse sa poitrine. Maintenant. Ça aussi, ça rendrait sa mère triste. Mais il ne verrait pas ce regard, propre à chaque maman, qui veut dire "Tu avais dit que tu allais bien. Je suis une mauvaise mère car je t'ai fait confiance".

Aurélien est toujours face au vide. Mais maintenant il rêve. Il rêve qu'il s'évanouit et qu'il tombe tout seul dans le vide. Le pire c'est qu'il sent que son corps est fatigué, qu'il va lâcher, que ses paupières sont lourdes, et ses jambes dévitalisées. Il est à deux doigts de s'évanouir mais il ne s'évanouis pas. Non, il se contente d'attendre.

C'est idiot ? De souffrir autant pour si peu ? Il ne sait pas. La douleur lui semble être un monstre rampant et grandissant, et maintenant qu'il l'a laissé entrer en lui, il s'y est installé et prend chaque jour plus de place. Aurélien ne sait plus. Il se sent fou. Mais s'en fiche. Quelle importance d'avoir l'air fou quand on est seul ? Aurélien n'a plus d'espoir. Il se fiche de vivre ou de mourir. Il n'a plus l'espoir d'être heureux à nouveau. Tout ça pour une fille qu'il n'a vue qu'une fois dans sa vie ? C'est trop bête. Mais c'est comme ça, il n'y peut rien. Sans même s'en rendre compte il en a fait une obsession, et maintenant c'est trop tard.

Il regarde le soleil. Et il espère que des étoiles s'incrusteront dans ses yeux. Ou que les rayons brûleront sa vue afin qu'il ne puisse plus regarder sa triste vie.

Il a sûrement plus envie de mourir que de vivre. Parce qu'il s'oblige à continuer  de lutter contre la tentation de mourir mais son corps tout seul l'abandonne. Faible, fatigué, épuisé, il jette les armes. Un esprit abîmé et perdu dans un corps sans vie, c'est tout ce qu'il reste de lui.

Maintenant il va rentrer. Il va agir normalement. Il ne va parler à personne de ce qu'il a fait. Il va travailler un peu, il le faut, en sentant les larmes qui sèchent sur ses joues. Il va sourire et dire que "oui, tout va bien".