Chapitre 15

13 0 0
                                    

Noël était dans deux jours. Malia avait menti en disant qu'elle partait voir ses copines à Bourgoin-Jallieu. Elle avait fait le même coup que la dernière fois : rouler en scooter jusqu'à l'église puis le laisser caché derrière des buissons non loin du parvis, avant de rentrer avec Pierre dans la voiture. Dès qu'elle le voyait, elle ne pouvait s'empêcher désormais de penser à lui dans le rêve qu'elle avait fait.

Ils étaient en route pour Lyon. Elle comptait acheter des cadeaux pour ses parents. Ils avaient longtemps déambulé dans les rues, contemplant les illuminations fébriles qu'il pouvait y avoir. Et le soleil, déjà, à dix-sept heures, s'éclipsait, tirant sur le monde son grand voile de nuit. Les branchages accrochés aux murs de part et d'autre formaient des arches aux lumières rouges et vertes pour le houx, et blanches et jaunes pour les angelots. Elle portait un gros bonnet de coton sur sa tête, et quelques mèches noires s'échappaient au devant. Malgré ses gants, elle se frottait les main. Pierre, derrière elle, la lorgnait, désirait de nouveau ce contact avec elle. Mais ils ne se touchaient même pas : bizarre de sa part, elle qui aimait tant s'accrocher à son bras comme le navire à son ancre. On les observait curieusement. Les célibataires masculins se disaient que celui-là avait bien de la chance, car, à défaut d'être collés l'un contre l'autre, on les croyait en couple.

En revenant, ils firent escale à Chassieu, chez Maxime. La voiture s'arrêta juste devant la maison. Et de l'autre côté de la rue, Gaëtan, qui sortait pour faire rentrer son chat — sa mère n'aimait pas qu'il traîne la nuit près de la chaussée —, vit Malia au même moment. Elle ne le remarqua pas, et Pierre lui lança un regard dissuasif. Gaëtan fit profil bas en rentrant chez lui, et envoya un message à Simon, un peu moqueur :

JUSTE AU PASSAGE, CHEZ MAXIME Y A LA MEUF QUE T'AS PAS ARRÊTÉ DE MATER LA DERNIÈRE FOIS...

De chez lui, Simon écarquilla les yeux et répondit cela :

J'AVOUE QU'ELLE EST CARRÉMENT BELLE, MAIS ELLE EST DÉJÀ PRISE.

ET PAR QUI ?

AVEC CE MEC QUI ÉTAIT AVEC ELLE.

Avant que Maxime ne leur ouvre la porte, Gaëtan tira le rideau, examina Pierre et le décrivit :

EUH DU GENRE BRUN, ASSEZ ÉLANCÉE DE SILHOUETTE ET CHEVEUX COURTS ?

OUAIS, C'EST ÇA.

C'EST BIZARRE QUE TU ME DISES ÇA, CAR LE LENDEMAIN DE CETTE SOIRÉE JE SUIS ALLÉ VOIR MAXIME ET LUI AI PARLÉ DE CETTE FILLE, MALIA, PARAÎT-IL... ET IL M'A CERTIFIÉ CLAIREMENT QU'ELLE NE VOULAIT PAS DE MEC.

En effet, Maxime et Gaëtan se parlaient souvent. En arrivant dans le quartier, la famille de ce dernier, toute nouvelle, avait reçu des cadeaux de la part du voisinage. Et Maxime leur avait apporté une bouteille de Chardonnay, un produit du terroir. Et tout de suite il avait sympathisé avec Gaëtan quand sa mère l'avait invité à rentrer.

Il reçut un nouveau message de Simon :

DSL, MAIS TU N'AS PAS VU CE QUE J'AI VU. ILS ÉTAIENT TOUS LES DEUX DANS LA PISCINE, À S'EMBRASSER ET S'ENLACER. ET JE SUIS PARTI AVANT QUE ÇA NE DEVIENNE TRÈS GÊNANT À REGARDER.

MOUAIS... DIS PLUTÔT QUE ÇA T'A FOUTU LA RAGE DE LE VOIR AVEC UNE TELLE MEUF.

Et Gaëtan souriait derrière son écran. Simon ne répondit pas.


Chez Maxime, Malia était en train de leur montrer ce qu'elle avait acheté pour ses parents. Elle posa les cadeaux dessus.

- Donc pour ma mère j'ai pris une eau de toilette, et des bougies parfumées, en plus d'une petite paire de gants. Pour mon père, c'était un peu plus compliqué... je lui ai acheté un gros livre sur tous les langages codés de l'informatique. Je ne s ais pas si ça lui servira, il sait peut-être déjà tout ça. Et puis pour les deux il y a des tickets à gratter, mais il y en a un peu plus pour mon père, vu qu'il n'a qu'un seul truc.

L'Esprit VolatilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant