Fer rouge ...

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Bien que je l'eus pourtant parfaitement anticipé, le bruit de la porte qui claqua me fit sursauter puis grincer des dents dans la foulée. Je la fixai bêtement, comme si sa contemplation allait m'aider à faire la lumière sur ce qui venait exactement de se passer.

Mais c'était toujours le trou noir. Quoique j'ai pu ingurgiter hier soir, j'avais forcé la dose au point d'être encore en plein black out ce matin. Ou plutôt ce midi d'après l'heure qui s'affichait sous la télé gigantesque accrochée en face du lit tout aussi démesuré.

Les questions me venaient en rafales, sans ordre apparent ou semblant de logique, et surtout sans que j'arrive à répondre à la moindre d'entre elles.

Quel jour on était ? Qu'est-ce qu'Alex foutait là ? / Et depuis combien de temps ? / Pourquoi j'étais à poil dans ce lit ? / Et pourquoi avait-il eu l'air si énervé et ... déçu ? / Est-ce que je lui avais fait des avances et qu'il avait dû me repousser comme une pauvre fille en manque ? Est-ce qu'il m'avait dit la vérité ? Est-ce que j'avais envie que ce soit la vérité ? Où étaient les filles ? Et Charlie ? J'avais plus trop de souvenirs après qu'on a quitté ce salon de ta...

Oh bordel de merde...

Un premier souvenir bien trop vivace à mon gout m'éclata à la figure comme une bulle de savon et mes yeux se posèrent aussitôt sur mon poignet, bien emballé comme un rouleau de printemps dans sa cellophane.

Le salon de tatouage. Avec Charlie. En mode collégiennes bêtasses, gloussant à qui mieux mieux et qu'aucun tatoueur un tant soit peu professionnel n'aurait normalement accepté de marquer à vie dans cet état-là. Sauf envoyées par Léo, évidemment.

Léo... Et dire qu'on disait que souvent le hasard faisait bien les choses. J'aimerais bien qu'on m'éclaire pour le coup sur le positif à retirer de tout ça... Quand on l'avait croisée plus tôt dans la journée et que Charlie lui avait parlé de son envie de tatouage, elle avait sauté de joie et s'était empressée d'appeler son meilleur ami qui tenait LE salon de Londres. Voilà pourquoi il avait accepté de nous recevoir malgré l'heure tardive et notre état de décomposition légèrement avancé...

Fichue Léo. Et fichue Charlie qui avait son mec à tel point dans la peau qu'elle avait voulu l'afficher au monde entier. En m'entraînant au passage dans son délire. J'étais devenue un dommage collatéral.

J'avais encore de l'espoir cela dit.
Parce que tant que je ne l'avais pas sous les yeux, je pouvais encore espérer m'en sortir avec une connerie de fille bourrée qui ne prêtait pas vraiment à conséquences : un papillon dépressif, une licorne pétant des paillettes, une fée clochette extatique. Même un putain de dauphin aux contours baveux, je prenais.

Même si en mon for intérieur, je savais que j'étais loin de la réalité.
Très loin.

Absolument pas courageuse pour deux sous, et dans une tentative de dédramatisation désespérée, je glissai un tout petit bout d'ongle sous la bande collante, tentant d'apercevoir un indice, n'importe lequel, sur la folie marquée au fer rouge sur mon poignet. Mais rien. Quel qu'il soit, il était quand même moins grand que la surface recouverte de gaze, ce qui me rassurait un chouia.

Une minute plus tard, à deux doigts de l'hyperventilation, j'avais réussi à décoller presque 2 cm du pansement mais aucune trace d'encre ne m'agressait encore. Ce suspense allait avoir ma peau, d'autant que j'étais totalement incapable d'y aller franchement. Comme si, tant que je ne l'avais pas vu, il n'existait pas. Et qui sait, peut-être qu'en fait ce n'était même pas un tatouage, mais un gros bobo, n'importe lequel qui m'aurait valu un bon gros pansement réconfortant. Une coïncidence un peu grossière mais qui serait totalement la bienvenue. Après le dauphin, même une vilaine cicatrice de baroudeuse de seconde zone qui se serait mangé un trottoir, je prenais aussi.

Puissance 1 000 (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant