Cinq

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— Isaac ! Je m'exclame.

Je me lève d'un bond et attrape son bras.

— Alors, elle a fini par te lâcher ta petite sangsue ? Je le taquine.

Il lève les yeux au ciel avant de m'indiquer Taylor d'un mouvement de la tête.

— C'est qui ? Il te fait chier ?

Taylor lève les bras en signe de paix en secouant la tête.

— Du calme, mec. Je suis juste un ami. Emily, je ne savais pas que tu avais un petit-ami, désolé.

Totalement surprise, je lâche le bras d'Isaac.

— Petit-ami ? Ah mais non, tu n'y es pas du tout. Isaac est mon meilleur ami.

Taylor m'observe, puis Isaac un long moment avant d'hocher la tête.

— D'accord, je pensais que je m'étais mis dans la panade, l'espace d'un instant. Tout va bien alors...

Sa dernière phrase sonne plus comme une question à l'attention d'Isaac qui ne semble avoir envie de plaisanter. Il ne veut pas se dérider alors je lui explique que Taylor est mon voisin de table à mon option d'écriture. Mon meilleur ami a toujours été comme ça : sur ses gardes concernant les inconnus masculins. Lorsque Zoey et moi lui rappelions qu'il abusait, il nous rétorquait que lui, savait ce qui se disait dans les vestiaires.

— Ouais, je souffle. Ça ne va pas être simple, le prof a l'air d'être très exigeant. J'ai l'impression que cette matière va me prendre plus de temps que tous mes cours réunis.

Taylor pouffe avant de me presser l'épaule avec compassion sous le regard froid d'Isaac.

— Oh, comme je te comprends. Mr Cooper a l'air de t'avoir dans le collimateur, en plus. Il n'arrêtait pas de te lancer des regards. Vraiment flippant. Heureusement que tu ne fais pas partie de ces filles qu'on a en classe, qui sont là uniquement pour mater le nouveau prof.

Isaac prend une longue gorgée de son eau pétillante avant de s'accroupir face à nous. Il se penche ensuite vers Taylor, avec un air de conspirateur sur le visage.

— Toi aussi, tu ne comprends pas pourquoi elles sont toutes à fond sur lui ? Demande-t-il sur le ton de la confidence.

Taylor hoche vivement la tête en renchérissant qu'il n'a rien d'extraordinaire et que le soleil a vraiment dû trop taper sur nos crânes cet été. Ils pouffent ensuite, la réserve d'Isaac semble avoir disparu et moi... Moi je me sens piquée à vif.

— Je ne suis pas à fond sur lui, moi.

Ma remarque me semble ridicule, d'autant plus qu'elle laisse clairement transparaître mon mensonge. Bien entendu, qu'il ne me laisse pas de glace. Il faudrait être aveugle pour ne pas être sous son charme. Ce professeur est un fantasme sur pattes. Il suffit de voir qu'élèves et enseignantes le regardent d'une façon qui ne laisse planer aucun doute, pour s'en rendre bien compte. Mais moi, je n'ai pas envie de passer pour ces imbéciles qui le suivent partout et qui laissent une traînée de bave derrière elles, tel des escargots.

— Oui, Emily, se moque Isaac. On sait bien que tu finiras nonne.

J'ouvre la bouche, choquée. Je sens le rouge me monter aux joues. Il a vraiment osé me dire ça, cet imbécile ? Je vais le tuer.

— T'es sérieux ? Tu me prends pour qui ? Une sainte ?

Je me lève d'un bond, passablement énervée. Je sais qu'il n'est pas réellement sérieux lorsqu'il dit ça, mais je me sens obligée de me défendre. Je n'ai pas envie de passer pour ce genre de fille devant Taylor. Je ne le connais que depuis un jour, et ça m'embêterais fortement qu'il pense que je suis une prude ou que sais-je encore...

— Je plaisante, Emily.

Isaac se lève à son tour et me tend les bras pour que je puisse m'y blottir et lui pardonner, mais je n'en ai pas trop envie. Je lui lance un regard agacé avant de me tourner vers Taylor qui se marre comme un gosse de cinq ans. Je remarque alors qu'il tient un joint entamé dans sa main gauche et je suis surprise de ne pas avoir remarqué qu'il l'avait allumé. Son euphorie soudaine est alors un peu moins mystérieuse.

— T'inquiète, me bouscule-t-il. Je vais le dire à personne !

Il me lance un clin d'oeil et je lui réponds en levant les yeux au ciel. Je demande ensuite à Isaac s'il a vu Zoey. Il m'indique l'étage et je comprends qu'elle doit être en très bonne compagnie. Il me dit qu'elle rentrera par ses propres moyens, comme d'habitude. Nous passons une bonne partie de la nuit à discuter avec Taylor qui nous fait mourir de rire. Il s'embrouille lorsqu'il fait des phrases trop longues et éclate de rire à des moments incongrus. J'en viens même à penser qu'Isaac l'apprécie un peu, car il lui fait quelques confidences que même moi, je ne suis pas digne de connaître.

La nuit est déjà bien entamée lorsque je commence à ressentir de la fatigue. Isaac remarque que mes bâillements deviennent plus fréquents et me demande si je veux partir. J'hésite, car je passe une bonne soirée et je n'ai pas envie qu'elle se termine. Nous sommes tous les trois dans ce joli jardin, un verre à la main et la parole intarissable. C'est ça, ce genre de soirée que j'aime, pas ce qu'il se passe dans la piscine à une cinquantaine de mètres de nous, ou encore dans le manoir. De plus, l'air est vraiment agréable, ni trop froid, ni trop étouffant.

— Tu veux rentrer à la maison, Emily ? Me demande à nouveau mon ami.

Je finis par capituler et nous partons rapidement après avoir dit au revoir à Taylor. Nous marchons quelques minutes jusqu'à la voiture dans un silence reposant, mais je sens un regard posé sur moi. Je me retourne et remarque au loin une voiture de sport rouge. Je suis trop loin pour voir s'il y a quelqu'un à l'intérieur, mais ce sentiment d'être observée ne me quitte pas. Un peu effrayée, je me rapproche de mon ami qui m'adresse un sourire avant de passer un bras protecteur sur mes épaules.

Isaac démarre ensuite la voiture et me reconduit chez moi. Je remarque que la voiture nous suit pendant de longues minutes interminables avant de nous lâcher pas loin de mon quartier. Peut-être que je me suis fait des idées. Ça m'apprendra à regarder trop de films.

Une fois rentrée, je me démaquille rapidement et j'enfile mon pyjama léger avant d'ouvrir la fenêtre de ma chambre. L'air frais est un réel plaisir dans cette pièce surchauffée. Je remarque alors une notification sur mon téléphone qui date du moment où nous sommes arrivés à la fête. C'est un mail. Un mail de Mr Cooper.

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À mercredi pour la suite !

Dangerous GameOù les histoires vivent. Découvrez maintenant