Neuf

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Je m'observe d'un air satisfait dans le miroir. Miami est très clairement une ville avec une température à la limite du supportable. Ce qui m'a contraint à porter une robe d'été à bretelle m'arrivant au niveau du genou, ainsi que des scandales plates. J'ai attaché mes cheveux en un chignon flou et mon maquillage se résume à du mascara. Impossible de mettre autre chose par ce temps. Si la journée est étouffante, le soir ne l'est pas moins. À croire que le soleil est, en aucun cas, responsable de cette chaleur incroyable.

Je prends ma voiture et me dirige vers le lieu de rendez-vous. Je trouve rapidement une place en face du restaurant et j'aperçois Taylor qui m'attend à une table collée à la baie vitrée. Nous pouvons apercevoir l'océan d'ici, mais je me suis assurée que ce soit abordable pour moi. Ma bourse d'études ne me permet pas de faire des folies, et même si je me réserve une petite partie pour pouvoir sortir un petit peu, je ne compte pas tout faire flamber pour un restaurant.

Lorsqu'il m'aperçoit, un sourire amical s'installe sur son visage. Il est habillé un peu plus chaudement que moi avec son jean noir et sa chemise à manches courtes d'un bleu azur qui fait ressortir ses yeux. Il m'indique de m'asseoir face à lui et se replace un peu plus confortablement sur sa chaise.

— Salut, je souffle. Tu as avancé sur ton roman ?

Il hoche la tête pendant que je prends place sur ma chaise. Il se penche un peu au-dessus de la table et pose son visage carré sur ses mains croisées en me fixant, le regard illuminé.

— Ouais ! Enfin, j'ai quelques petits détails à régler, mais je pense que je pourrais bientôt boucler le plan complet. Il me manquera plus qu'à le découper en parties et en chapitres avant d'attaquer le meilleur du travail.

Je dois avouer que j'envie son avancée. J'en suis toujours au même point. Ce qu'il s'est passé la veille avec Mr Cooper n'a cessé de tourner en boucle dans ma tête, me rendant totalement dingue. D'un coup, je me dis que j'ai fait une grosse bêtise et que j'aurais dû entamer « je ne sais quoi » avec lui, et d'un autre côté, je me dis que j'ai pris la bonne décision. La partie "Mr Cooper" est un fouillis total que je m'oblige à mettre de côté, dans un coin de ma tête.

— Tant mieux, ça t'évitera de t'en faire pour une matière en option.

— Oui, enfin, je vais passer de nombreuses heures dessus, donc le stress sera toujours présent.

J'hoche la tête et une serveuse de mon âge vient nous distribuer les menus avant de nous laisser. Je parcours la carte et je repère un burger au poulet qui m'a l'air léger. Parfait avec cette chaleur presque insoutenable.

— Et toi, où en es-tu ? Me demande-t-il.

— J'ai vraiment du mal. Je me suis inscrite en pensant pouvoir surmonter cette épreuve, mais... Je n'ai jamais réussi à terminer un seul projet et ce n'est pas faute d'avoir essayé.

Taylor m'écoute avec attention et semble extrêmement curieux me concernant. Je trouve ça agréable de voir que quelqu'un m'écoute vraiment et comprend, ou tout du moins essaye, ce que je lui dis.

— Tu y arriveras, Emily. Isaac a laissé entendre que tu es une fille brillante, la semaine dernière. Je sais que tu vas tout déchirer. Puis, j'ai l'impression que Mr Cooper t'aime bien.

Ses paroles me font l'effet d'une gifle. Je sursaute et je le regarde, les yeux écarquillés.

— Comment ça ?

— Il regarde souvent par-dessus ton épaule pour voir comment tu avances. Puis, il me l'a demandé.

— À toi ? Je demande, surprise.

Taylor hausse les épaules avant d'hocher la tête. C'est à ce moment-là que la serveuse vient prendre nos commandes. Une fois partie, nous reprenons notre conversation comme si de rien n'était.

— Ouais, il a l'air de s'inquiéter du fait que tu n'avances pas. Mais bon, c'est un prof sympa. C'est la première année qu'il est là et tout le monde semble l'apprécier. Enfin, surtout les filles, quoi... Tu vois ce que je veux dire...

Oh oui, je vois que trop bien. Comment oublier le visage viril et irrésistible de notre professeur ? Il m'a hanté toute la nuit et lorsque j'ai fini par m'endormir, c'est pour être torturée par des rêves érotiques le mettant en scène, m'obligeant à me réveiller en nage. Je maudis ce fichu prof qui semble avoir une emprise sur moi sans même s'en rendre compte.

— Moi, continue-t-il, je l'aime bien. On voit bien qu'il aime ce qu'il fait et ça, c'est cool.

— Oui, nous verrons bien, je pense qu'il est un peu tôt pour se prononcer.

Il ne semble pas remarquer le combat qui fait rage dans ma tête. Je tente de chasser le visage parfait de mon professeur, sans vraiment y parvenir. Il faut que je change de sujet.

— Et sinon, tu ne m'as toujours pas dit de quoi parle ton roman.

— Hum... Comment expliquer ? Je vais mettre en scène une histoire d'amour impossible.

Il a piqué ma curiosité au vif et je meurs d'en savoir plus. Il rit face à mon entrain.

— Mon personnage principal est un homme qui est amoureux de sa meilleure amie depuis des années, mais elle, elle ne l'a pas remarqué.

— Elle est aveugle, alors. Vous êtes vraiment pourris pour cacher vos sentiments. Sans vouloir t'offenser, bien sûr.

Il rit à nouveau et son regard se remplit de malice.

— Tu penses qu'elle l'est, ou alors, elle n'a pas envie de le voir ? Qu'en penses-tu ?

— Oh, tu veux avoir mon avis en tant que fille, je vois.

Il hausse plusieurs fois des sourcils, comme pour me mettre au défi. Défi que j'accepte avec joie. C'est toujours un plaisir d'aider un ami. Parce que Taylor est ce qui se rapproche de plus en plus à un ami et je trouve ça cool d'avoir un ami qui partage la même passion.

— Ok, alors... Ton personnage a-t-il dit à cette fille qu'il a des sentiments pour elle ? Ou du moins, l'a-t-il sous-entendu ?

— Hum... Non, jamais. Ce qui peut le trahir, c'est la façon dont il la regarde.

Je réfléchis un instant.

— Et elle n'a jamais intercepté un seul de ces regards-là ?

— Non, jamais. Il est également très protecteur avec elle, mais ça ne veut rien dire, n'est-ce-pas ?

J'hoche la tête. Il a raison, cela ne veut rien dire. Un père, un frère, un ami peut être protecteur envers une fille sans pour autant ressentir des sentiments amoureux. Isaac est protecteur avec Zoey et moi, mais pas parce qu'il est amoureux de nous, mais parce que nous sommes sa famille.

— Oui, ça ne constitue pas une preuve pour qu'elle s'en rende compte. Quel est le but, ensuite ? Elle va le découvrir ? Ou bien, il va lui avouer son amour ?

La serveuse arrive avec nos plats et les dépose devant nous. Taylor et moi commençons à manger.

— Je pense que c'est lui qui va le lui dire à un moment ou à un autre.

Il ne semble pas sûr de lui et ça me surprends. J'en suis presque à la moitié de mon plat, mais je m'arrête.

— Je pensais que tu avais écrit tout le plan de ton histoire.

— Ouais... Mais il y a certains points qui sont encore flous. Après tout, je peux changer ce qu'il se passe en cours de route. Tant que mon travail n'est pas rendu, je peux toujours le modifier.

J'hoche la tête et je termine mon assiette. Taylor me demande si je veux un dessert, mais un mouvement à l'extérieur attire mon attention. Je tourne la tête et aperçois une voiture de sport rouge, la même que celle de la semaine dernière, à la soirée de bienvenue. Mais lorsque j'arrive à distinguer qui se trouve à l'intérieur, mon sang ne fait qu'un tour. 

Dangerous GameOù les histoires vivent. Découvrez maintenant