La Beauté de l'Ombre

Prologue

Je cours à en perdre haleine. Mes jambes m'entrainent vers l'avant. Je ne pense plus à rien. Ni à Elise, ma meilleure copine, avec qui je me suis disputée ce matin, ni à mon audition de piano de demain. Je m'appelle Cassiopée. J'aime beaucoup ce nom, il me donne quelque chose d'unique. Certains diraient que je n'en ai pas besoin, que je le suis déjà. Je ne suis pas d'accord. J'entends au loin la voix de ma mère qui m'appelle :

"Vient ici ma chérie, c'est l'heure de dîner !"

C'est une femme petite et excentrique qui aime les couleurs et avec un tempérament bien trempé mais qui est prête à tout pour ses enfants. Elle enseigne le Français, le Latin et le Grec au lycée de la région. Je l'aime beaucoup ma maman, avec son parfum qu'elle sème dans chaque pièce où elle passe et ses longs cheveux blonds noués en chignon avec un simple crayon.

"Oui j'arrive Maman."

Alors je surgis des rosiers mes cheveux blancs en bataille.
En effet je suis atteinte d'une maladie qui donne à mes cheveux une couleur blanche et à mes yeux des reflets violets. Cependant mes parents, Adeline et Harold m'ont toujours traitée comme une petite fille normale. Mon grand frère Samuel, âgé de sept ans, regarde par la fenêtre tout en lisant un livre sur les chevaliers. Passionné d'histoire, il parle beaucoup et s'intéresse à tout. Je l'aime bien mon grand frère mais je ne sais pas pourquoi lui il n'a pas l'air de m'aimer. Papa me dit que c'est pas vrai, qu'il le fait pas exprès et que ça ira mieux avec le temps.
Quant à mon petit frère Gabriel, il ne parle pas beaucoup. C'est un enfant rêveur et très intelligent qui vit avec la nature. Je l'adore mon petit frère, on a que trois ans d'écart et son sourire fait déjà craquer toutes les vieilles dames de la paroisse.
Nous vivons dans un grand château perdu dans la campagne de l'Edmunds-Burry dans la province de Suffolk.
Fait de pierres blanches, de marbre et de bois, il résonne de nos rires et de nos cris lorsque nous gambadons à travers les multiples escaliers. C'est une ancienne demeure seigneuriale que mon père Harold a rénové. La façade est simple mais majestueuse. L'intérieur est un mélange d'art moderne et d'objet style XVIIIème.
Elle respire la joie de vivre et la douceur. En effet la maison est toujours ouverte et papa et maman sont toujours prêts à accueillir un nouveau venu.
Papa travaille en tant que chef d'entreprise mais il poursuit une carrière de choriste à l'opéra de Londres en tant qu'amateur. En effet il nous a transmis son amour de la musique à tous les trois, mais en particulier à moi. Il est vrai que j'ai développé une véritable oreille musicale. Papa me dit que j'ai beaucoup de chance. J'adore pianoter les touches du quart de queue de notre grand salon. L'ivoire glisse sous mes doigts et sa résonance grave et chaude me chatouillent les oreilles.

Nous sommes tous les trois à l'institut de Southburry, l'école primaire du village voisin. Papa nous a déjà inscrits au conservatoire : cours de piano, de chant et de solfège obligatoires. C'est un moment privilégié que nous passons avec notre père même si en général nous y allons en trainant les pieds. À table chacun parle de sa journée :

" Papa ! Demain j'ai une dictée et je me sens pas prête du tout, dis-je en pleurnichant.
- Ne t'en fais pas, me dit Papa. Je sais que tu y arriveras
- Mais la dernière fois j'avais fait plein de fautes !
- Et bien maintenant tu ne les referas plus et puis tes notes sont très bonnes ma chérie, détends toi, me rassure mon père en me servant une grande cuillère de blanquette.
- Ouais, de toute façon Cassi c'est la chouchoute de la directrice, grommelle Samuel.
- Qu'est-ce-qu'il y a Samuel ? Tu as eu un problème avec la directrice aujourd'hui ? le questionne sa mère.
- Elle m'a confisqué mes billes, dit le petit garçon en bougonnant.
- Et pourquoi ?
- ......
- Tu as encore répondu à la maitresse ? demande Harold un sourire au bord des lèvres. Le visage de Samuel s'illumine et son rire résonne dans la pièce :
- C'est vrai que je lui ai pas très bien parlé. Mais en même temps j'avais raison, il était trop moche le dessin de Marie.

La table s'esclaffe en coeur et l'histoire est oubliée.
Je crois que notre enfance fut des plus paisible. Nos parents ne souhaitaient que notre bonheur. Mais quand les enfants atteignent l'adolescence, tout peut basculer.