L'enfant de l'hiver

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C'était un matin d'hiver, froid, glacial, immobile. Le soleil était déjà haut, blanc parmi les nuages qui glissaient lentement dans le ciel pur. Il avait neigé la veille, et les branches des arbres pliaient sous le poids de milliards de flocons. C'était une belle journée et rien ne laissait à penser que ce petit village dans ce vallon cerné par la forêt verrait bientôt son nom dans la bouche des plus grands conteurs du royaume.

Une porte grinça. Un géant roux sortit d'une maison en périphérie du village, munis d'un arc, d'une sacoche et d'un carquois rempli de flèches à l'aspect meurtrier. Il prit la direction de la forêt qui s'étendait juste en face de la maison. Il marchait d'un pas lourd, entravé par la neige où il laissait les traces immenses de ses bottes en cuir de daim. Il arriva à la lisière du bois, tourna la tête vers le foyer qu'il se devait de nourrir, puis s'enfonça dans l'enfer blanc. Il savait qu'il devrait aller loin pour débusquer une proie suffisamment grosse, ou peut-être pour rien : par ce temps, soit les animaux hibernaient, soit ils mourraient de faim ou de froid. L'homme régula son pas de manière à le faire plus souple, pour éviter de faire craquer la neige sous ses pieds et donc d'avertir ses éventuelles victimes de sa présence. Il marcha ainsi pendant près d'une heure sans croiser ne serait-ce qu'un rongeur.

Un craquement sourd retentit, un craquement dont l'homme n'était pas responsable. Celui-ci tendit l'oreille, banda silencieusement son arc et pointa la flèche dans la direction du bruit. Nouveau craquement. Le géant plissa les yeux et avança. Au fur et à mesure qu'il progressait, le bruit se répétait de plus en plus fréquemment. Un éclair brun trancha soudain sur le blanc du paysage qui l'entourait. L'homme se mit à courir, à poursuivre cet animal à la fourrure sombre. Une grosse bête, agile et rapide, qui bondissait avec vivacité entre les racines, filait entre les branches griffues. L'homme, en revanche, trébuchait, buttait contre les pierres, comme si la nature tenait à rendre la traque plus ardue encore. Il accéléra. Il devait rattraper l'animal pour ne pas rentrer bredouille chez lui. En même temps qu'il suivait des yeux l'éclair brun, son esprit enregistrait les moindres détails de son environnement, afin qu'il puisse retrouver le chemin du retour. Un gros chêne. Un bruit d'eau, un ruisseau. Un terrier d'hermine. Un hurlement. L'homme frissonna. Un hurlement de loup lointain qui venait de déchirer le silence menaçant. Mais il devait rester concentré sur sa proie... Qui avait disparue. Le géant s'arrêta, l'oreille aux aguets, guettant le prochain craquement qui le remettrait sur sa piste. Il se remit à marcher, tout en reprenant son souffle, aussi silencieusement que possible.

Il finit par déboucher dans la clairière où coulait le ruisseau. Vaillant, celui-ci n'était pas devenu glace et continuait de couler sans interruption. Le chasseur s'approcha pour y boire. Il s'agenouilla et bu quelques gorgées de l'eau limpide et glaciale. Quand il se redressa, la barbe ruisselante, un cerf magnifique, au pelage noir et aux reflets roux, se tenait devant lui. Ils se dévisagèrent, sans que ni l'un ni l'autre ne bouge. Puis, avec des gestes lents, sans le quitter des yeux, l'homme reprit son arc et ses flèches. La bête le regarda un instant, puis bondit et disparue dans le bois. Le géant soupira. Il savait que jamais il ne la rattraperait : se sachant poursuivit, elle ne se laisserait plus surprendre. Dépité, il alla s'asseoir sur une pierre entreprit de manger le contenu de sa sacoche. C'est alors qu'il remarqua quelque chose qui lui avait échappée. Au sol, dans un berceau de bois grossier, il y avait un enfant. Une petite fille qui dormait paisiblement et qui n'était pas morte malgré le froid, comme l'avait pensé le chasseur avant de s'apercevoir qu'elle respirait. L'homme la prit dans ses bras et se mit à la réchauffer. L'apparence de la petite avait éveillé sa curiosité : sa peau était aussi pâle que la neige autour d'eux et ses rares cheveux étaient argentés et si fin que, lorsqu'il les caressa, le géant cru sentir comme de l'eau couler entre ses doigts. L'enfant avait les oreilles anormalement pointues et son visage et ses petits bras nus étaient striés d'étranges symboles d'argent qui formaient des spirales, des motifs compliqués. Poussé par un brusque élan de tendresse pour ce petit être dont il ne savait rien, si se n'est qu'il avait été abandonné, le chasseur posa ses lèvres avec douceur sur son front. L'enfant s'éveilla d'un coup, sans doute à cause du frottement de la barbe contre sa peau. L'homme fut si surprit qu'il faillit le lâcher. Les yeux du bébé étaient immenses, bordés de longs cils. Leurs iris étaient d'un gris pâle, et leurs pupilles, non pas noires, mais blanches, semblables à deux étoiles tombées du ciel. L'homme les fixa un long moment, de peur de voir l'enfant se mettre à pleurer. Mais non, ce dernier se rendormit, remettant toute sa confiance, sa vie aussi, entre les mains de l'homme.

Le chasseur rangea les restes de son casse-croûte, mit son arc et son carquois à son épaule et, avec une délicatesse dont même lui ne se serait pas crut capable, porta le berceau contre son cœur et prit le chemin du retour. La marche dura de longues heures. La petite commença à s'agiter dans les bras de l'homme. Mais celui-ci tint bon, prenant garde à ne pas la faire tomber. C'est à ce moment qu'un nouveau hurlement se fit entendre. Un hurlement qui glaça le sang du géant, tant il paraissait proche. Un hurlement qui fut suivit par d'autres. L'échange stratégique entre une meute de loups en pleine chasse. Le chasseur devenu proie se mit à courir, d'abord prudemment pour ne pas risquer de blesser son précieux paquet, puis de plus en plus vite quand il lui parut évident que c'était lui que la meute poursuivait. Son souffle se fit plus saccadé. Il avait peur, peur pour lui, peur pour l'enfant qu'il transportait et qui ne méritait pas de mourir. Soudain, un grognement le stoppa net. A quelques pas de lui, un immense loup gris lui barrait la route. Les autres se rapprochaient, refermant le cercle autour de leur proie. L'homme ne pouvait pas se défendre sans laisser le bébé à la merci des bêtes. Et les loups le savaient. Le plus gros, sûrement le chef, avança lentement. Puis attaqua. Babines retroussées, crocs apparents, fourrure hérissée, il se jeta sur le géant, qui ne put que lui présenter son dos pour protéger l'enfant. Les mâchoires puissantes se refermèrent sur son épaule, les crocs transpercèrent le cuir et le tissu, pénétrèrent la chair. L'homme hurla et lâcha la petite. Dans sa chute, l'enfant s'ouvrit le front contre une pierre, se réveilla instantanément et se mit à pleurer. C'est alors que l'incroyable se produisit : une énergie d'une puissance infinie s'échappa de son corps et vint frapper de plein fouet le loup gris, qui n'eut même pas le temps de comprendre ce qui lui arrivait. La force magique s'éteignit aussitôt, ne laissant de la bête qu'un cadavre à la fourrure fumante. L'enfant cessa de pleurer. Les autres loups filaient la queue entre les pattes, courant aussi vite que possible pour échapper à la source de la déflagration. Le chasseur tourna la tête vers la petite fille qui s'était rendormie, un filet de sang argenté coulant sur son front. Il s'évanouit.

L'homme se réveilla au coucher du soleil. Des rayons d'or lui caressaient le visage avec douceur. Son premier reflexe fut de rester immobile, dans la possibilité qu'il y ait une bête à proximité. Lorsqu'il fut rassuré, il se redressa et chercha des yeux le bébé. Il le trouva au pied d'un arbre, babillant tout seul. Le chasseur le prit de nouveau dans ses bras et continua de suivre le chemin du retour tracé par ses empreintes de bottes dans la neige. Il arriva chez lui sans autre incident. Il titubait. Il grelottait de fièvre. Sa morsure à l'épaule le faisait souffrir. Un de ses enfants qui guettait son arrivée partit en courant prévenir le reste de la famille. Sa femme et son fils aîné ne tardèrent pas à venir pour l'aider à atteindre la maison. Ils l'allongèrent dans un lit, soignèrent et pansèrent sa blessure. L'homme leur raconta son aventure, en omettant la magie, disant qu'il avait fait reculer le loup à lui seul. Ses enfants le crurent, mais sa femme lui lança un regard méfiant.

-Et la petite fille que tu as trouvé, que va-t-on en faire ? On ne peut pas la garder, nous avons bien assez de bouches à nourrir comme ça.

-Bien sûr que si, répondit l'homme. Nous demanderons à la voisine qui a accouché dernièrement de lui servir de nourrice. Cette petite pourra nous aider aux champs quand elle sera plus grande. Il faut avoir une santé de fer pour survivre à son âge par ce froid dehors.

La femme ne broncha pas. Ils dînèrent en famille, puis allèrent se coucher.

Avant de s'endormir, juste quand le sommeil allait l'emporter, l'homme posa son regard sur ce bébé semblant surgir d'un monde onirique en se demandant s'il n'avait pas commit une erreur en l'accueillant.

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A partir de quand vos yeux s'arrêtent sur le nombre Pi approximatif, c'est moi qui vous parle.

Ça fait depuis longtemps que je travaille sur cette esquisse de roman, même si je ne me suis inscrite sur wattpad que depuis avant-hier. Du coup, j'ai encore huit autres chapitres en réserve, je compte en publier de temps en temps, je ne sais pas à quelle fréquence...
Et puis, ça dépendra aussi de comment ça marche.

Je tiendrai le même discours que les autres auteurs-amateurs : s'il y a quoi que se soit dans ce chapitre qui vous dérange, aussi bien au niveau de l'orthographe comme de sa cohérence, faite m'en part !

La couleur du sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant