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LA NUIT

Phoenix, Bankrupt!

J'ai fait un rapide aller-retour pour éteindre les lumières du terrain de football et voilà que nous étions de retour avec la seule lampe-torche pour nous guider dans le noir. La tâche n'était pas tellement difficile, il suffisait de longer le grillage jusqu'à atteindre le portillon qui était situé là-bas, en face du bâtiment qui constituait notre lycée.

Dans notre complexe, chaque bâtiment était attribué à un établissement : la primaire, le collège, le lycée. Et puis, dans chacun d'eux, chaque étage était en charge d'un niveau : CP, CE1 etc... bien sûr, arrivé au lycée, plusieurs étages étaient nécessaires : les profs d'histoire ne pouvaient pas supporter les profs de SI et les profs d'allemand étaient jaloux des effectifs des profs d'espagnol.

K m'a suivi sans rien dire et je n'avais aucune idée de ce qu'elle avait en tête. Arrivés à la fin du terrain de foot, les arbres qui encadraient l'enceinte de l'école ne poussaient pas verticalement : ils s'adossaient comme des vieillards au grillage, à tel point que ce dernier était compressé à niveau de bassin. Il me semble que le problème n'ait jamais été résolu car nous ne voulions pas couper les arbres. J'ai montré à K comment escalader le pauvre grillage, et lui tenant la main, elle a fait de même.

Nous avons traversé la cour bétonnée. Il n'y avait plus de lumières provenant de la maisonnette de Madame Rosenberg. La concierge dormait, ses chiens devaient sûrement ronfler sur le parquet, il n'y avait que nous deux.

Une fois au bâtiment principal, je me suis dirigé vers le local des outils ménagers et autres bricoles pour réparer le lycée. Je savais que le chef de la maintenance avait une addiction aux cigarettes, et aux autres drogues douces par ailleurs. Il ne fumait pas comme K, non, lui en tremblait s'il n'avait pas fumé toutes les cigarettes de son paquet journalier. J'ai calculé et cela lui revenait à 2 555 euros de cigarettes par année. Incroyable.

La directrice lui avait clairement précisé qu'il ne pouvait pas fumer dans nos locaux, mais comme il était accro de chez accro, il ne pouvait pas s'en empêcher. Du coup, il se cachait dans la réserve et fumait deux trois cigarettes lors de ses pauses. Inévitablement, tout le monde pouvait sentir que quelqu'un fumait tous les jours dans ce coin. Mais on ne pouvait pas confirmer sans doute que c'était l'homme de la maintenance : la directrice ou les professeurs pouvaient aussi suspecter les élèves. On devait être plusieurs élèves à savoir que c'était effectivement le concierge, mais comme nous avions côtoyé cet homme depuis notre plus jeune âge, le voir partir pour quelques cigarettes semblait ridicule.

Lorsqu'il fumait, il ouvrait toujours légèrement la fenêtre de la petite salle. Puisqu'il venait régulièrement, il oubliait souvent de la fermer derrière lui.

K n'a toujours pas pipé un mot. Elle m'observait alors que je tâtais la fenêtre en quête de l'ouverture qui allait être notre sésame. J'ai senti le rebord de la vitre du bout des doigts. Froid, métallique.

La voilà. Sésame ouvre-toi.

Un grincement a accompagné l'ouverture de la fenêtre. K a fait un pas en arrière en se couvrant les oreilles. Avec l'air d'un chat apeuré, elle a dit :"Je déteste ce bruit.

- Pardon.

J'ai accompagné mon excuse d'une légère moue avant de continuer à coulisser la fenêtre. Le visage de K s'est un peu plus déformé. Finalement, j'ai enjambé le petit muret et ai tâté du pied une boîte sur laquelle je pouvais m'appuyer. J'ai tendu ma main à mon accompagnatrice et elle a fait de même.

Le Papillon de MinuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant