02:15

329 49 4
                                    

02:15

LA NUIT

Dès que j'avais prononcé ces mots : « Changement de plan », K m'avait jeté un regard tueur, prête à défaire sa ceinture et à prendre le contrôle du volant, afin de nous arrêter net au milieu de la route. Je ne voulais pas croiser son regard car je savais que ce que je faisais était fou. C'était une sorte de kidnapping, non ?

Je sentais son regard, plein de haine sur moi, pendant que j'avalais lentement et avec difficulté ma salive. Au bout d'un certain temps, elle a abandonné l'idée qu'elle avait, de me sauter dessus et de sauter de la voiture, sûrement parce qu'elle savait que c'était trop dangereux, et que je n'étais pas aussi fêlé que j'en avais l'air. Du moins, c'est ce que je voulais, car je n'étais pas un kidnappeur.

K s'est rassise dans son siège, puis s'est mise à fouiller dans son sac, pendant que je continuais ma route. Au bout de quelques instants, elle a accéléré ses recherches : cherchait-elle ses cigarettes ? Après tout, j'avais bien dérogé à sa requête qui était de l'emmener à la gare, alors pourquoi respecterait-elle la mienne qui était de ne pas fumer ?

Du coin de l'œil, je l'ai vue mettre son paquet de cigarettes dans un coin de son sac. Ce n'était donc pas l'objet qu'elle recherchait. Alors qu'est-ce que cela pouvait être ?

Elle soupirait longuement à plusieurs reprises et remettait ses cheveux derrière ses oreilles comme tic.

Son portable.

Mes yeux se sont écarquillés. Putain, et si elle appelait les flics et disait qu'elle était belle et bien embarquée dans la voiture d'un inconnu ? C'était fichu pour moi.

Comme escompté, K a sorti son téléphone de son sac et a commencé à appuyer vivement sur son clavier tactile. Merde, Alec, dans quoi t'es-tu embarqué ?

J'ai commencé à prier intérieurement.

Maman, s'il te plaît ne sois pas en colère. Enfin... si, tu auras toutes les raisons de l'être puisque les journaux mettront en grosses lettres le prénom de ton fils ainsi que le mot « kidnappeur » en tête de leurs numéros. Je sais que ton premier réflexe sera de relire le titre une bonne dizaine de fois, car à chaque reprise cela n'aura aucun sens dans ton esprit, comme si les lettres ne formaient plus de mots et les mots ne détenaient plus de signification.

Papa, ne crois pas à ce qui est marqué sur ces revues. Je sais que tu crois en moi, tu l'as toujours fait. Le jour où le collège a organisé le recrutement pour l'équipe de ping-pong, tu l'as fait, tu n'arrêtais pas de m'encourager à travers les vitres de verre qui ne laissaient pas passer le son. Tu as pris Maman dans tes bras et tu n'as pas arrêté de lever ton bras en l'air. Tu t'es même emparé de la main de Camille pour qu'elle m'encourage également, alors qu'elle roulait des yeux.

K a de nouveau soupiré, fixant la route. Elle avait jeté son portable au fond de son sac avant de prendre son visage entre ses mains.

« Plus de batterie et coincée avec un détraqué, un kidnappeur, un violeur, putain K, qu'est-ce que tu peux être folle ou suicidaire, ou les deux des fois ! a-t-elle crié en frottant ses paumes sur ses joues.

- Je ne suis pas un violeur. ai-je rectifié, murmurant.

- Ta gueule !

Ok, c'était définitivement pas ce qu'il fallait dire.

K a continué de murmurer dans son coin, jurant et soupirant toutes les deux secondes.

A vrai dire, je ne savais pas trop quel était le plan dans : « Changement de plan », je savais juste qu'il fallait que je me dépêche d'arrêter la voiture, au risque que la tête de K n'explose.

Le Papillon de MinuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant