C'est après la fuite de l'information que les choses tournèrent au vinaigre. Aussi incroyable que cela puisse paraître, les journalistes firent de ma vie un enfer. Enfin, non. Ils ne firent que révéler la pourriture qui m'entourait. Cette soit disant célébrité était un poison, et je ne pouvais plus le supporter. Comment avais-je pu vivre comme cela aussi longtemps ? Chacun de mes gestes, chacune de mes phrases étaient entendus, répétés, interprétés et publiés sur des torchons plus immondes les uns que les autres. Je pense sincèrement que le prochain tocard avec un micro que je croise prendra mon poing dans le nez. Scott ou pas.
Cette famille était dysfonctionnelle. Pire, ce n'en était même pas une. Mon père était mon père ; il se préoccupait plus de l'image de l'entreprise que de la vie de son fils aîné. Je savais pertinemment qu'il songeait à me congédier temporairement, et même si cette idée me mettait en rogne au début, j'en étais arrivé à un stade où je ferais tout pour qu'on me fiche la paix. Et cette idée ne faisait plus que me hanter, chaque jour que Dieu faisait. La paix. Amber me rendait fou avec sa voix haut perchée et ses crises pour une miette de pain. J'en étais venu à m'enfermer dans la salle de bain, prétextant des envies de bains chauds. Je détestais les bains.
Et comme-ci ce n'était pas suffisant, mon petit frère faisait le mort. Au début, j'avais pensé qu'il m'en voulait, pour avoir en quelque sorte suivit les traces de notre père. Peut-être était-il jaloux ? Et puis j'avais bien conscience d'avoir été un connard fini, Kate me l'avait clairement dit l'autre soir. Sa distance avec moi m'avait donc paru légitime. Mais maintenant, je voyais bien qu'il était un gros égoïste. J'avais besoin d'aide et il le savait parfaitement, mais il préférait rester cacher dans son maudit garage, dans le rôle du frère incompris.
Tant pis. Je me passerais de lui. Je n'avais besoin de personne. Il fallait que je pense à moi, et bon sang, il fallait que je retrouve la mémoire. L'incertitude, c'est pesant.
Profitant des rares absences d'Amber à l'appartement, je m'étais rendu à la salle de sport et j'y avais laissé toute ma colère et toute ma frustration. Je me sens beaucoup mieux, même si ce bras cassé m'avait quelque peu frustré. En remontant vers le salon, je croise Kate les bras encombrés de draps propres et pliés. Sans savoir pourquoi, je l'arrête. Je crois qu'elle est mon seul espoir d'avoir une relation saine avec quelqu'un, et puis elle n'est pas tellement plus âgée que moi. Quinze ans, au maximum.
- Bonjour Kate.
- Bonjour M. Scott, vous avez besoin de quelque chose ? m'interroge t-elle, soucieuse.
Sa douceur m'étonnera toujours. Je réfléchis avant de répondre. C'est vrai après tout, de quoi donc ai-je besoin ?
- De réponses. Accepteriez-vous de m'accorder un peu de votre temps ?
Encore une fois, elle affiche une expression plus qu'étonnée. Elle me dévisage carrément, et je vois bien son visage se teinter de rouge quand son regard dérive sur mon torse nu. Je préfère l'ignorer, bien que sa réaction soit intrigante.
- Bien-sûr, monsieur, balbutie t-elle.
J'en déduis aisément qu'on ne lui a pas souvent demandé son avis. J'acquiesce de la tête et l'invite à m'attendre dans le salon, le temps que je prenne ma douche. J'espère qu'Amber n'est pas pressée de rentrer.
Dix minutes plus tard, nous sommes assis sur le canapé, dans le silence le plus malaisant du monde. Je toussote avant de prendre la parole.
- Je suppose que vous êtes étonnée de mon changement de comportement.
- Un peu, monsieur.
- Arrêtez avec vos "monsieur", j'ai l'impression d'avoir vingt ans de plus, l'interrompais-je. Je m'appelle Eden.
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Romance« Ils m'ont raconté que j'avais tout. Absolument tout. L'argent, le pouvoir et l'amour. Je sais. Ça paraît idyllique comme ça. J'étais puissant. J'étais au sommet. Mais je ne m'en souviens pas. Je ne m'en souviens plus. J'ai tout oublié. » ...