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"Être ou ne pas être
Telle est la question
Est-il plus noble pour l'esprit de souffrir les coups et les flèches d'une injurieuse fortune ou de prendre les armes contre une mer de tourments et en les affrontant y mettre fin?
Mourir, dormir" non c'est peut-être plutôt:
"Dormir, mourir"
Ça serait pourtant plus logique... Et puis merde je n'y arrive pas!

Shakespeare.
Un homme qui sait écrire visiblement. Il le sait et le montre bien. Il devait être prétentieux... Oui c'est possible. Comment le succès ne peut-il pas monter à la tête?
Je pense que, confronté à une telle gloire et une telle célébrité, aucun être humain ne pourrait changer son comportement ou du moins la façon dont il regarde la vie.
Ça ne risque pas de m'arriver la célébrité. Et sûrement pas en tant qu'acteur si je n'arrive même pas à retenir quelques lignes d'un des monologues les plus épiques de la planète.
La vérité est que ça me prend la tête. Oui c'est bien ça, apprendre un texte comme ça, aussi beau soit-il, ça ne m'intéresse pas.
Assis devant mon bureau je regarde ce foutu livre d'Hamlet ouvert à l'envers côté couverture de façon à ce que je récite ma tirade sans être tenté de tricher.
"Ce n'est pas comme ça qu'on pose un livre, me dirait ma mère. Tu vas l'abimer!"
Un livre c'est fait pour être lu non? A quoi sert un livre qui a l'air parfaitement neuf dans une bibliothèque? Un livre c'est fait pour être corné, gribouillé, plié, sale, taché, déchiré même! Je ne vois pas l'intérêt sinon.
La petite lumière que produit mon réveil et qui se projète en face de moi m'agace: 3h26
Il serait peut-être temps d'aller dormir...
Abandonnant Shakespeare et ce très cher Hamlet, je vais me coucher.
J'ai trouvé pire. Pire que le noir complet, pire que les ténèbres. C'est la lumière. Quand je ferme les yeux je ne vois qu'un abominable fond blanc comme si un projecteur était braqué sur moi. Comment voulez-vous dormir avec cette pénible vision?
Je ne sais pas comment ni à quelle heure mais je finis par trouver le sommeil.

Je ne vois pas ce qui peut être plus barbant que de faire et refaire les mêmes choses aux mêmes heures chaque jour de l'année pour ensuite recommencer l'année suivante et ainsi de suite. Se lever, se doucher, manger, prendre ses affaires et courir après cet imbécile de bus qui part systématiquement quand j'arrive.
Je prends une grande inspiration avant d'entrer dans le lycée et je suis prêt à commencer la journée. Quelle expression toute faite inventée par les mauvaises publicités de bouffe "prêt à commencer la journée".
Je n'ai pas la prétention de dire que je suis différent. Non je suis comme les autres, comme ces pions, ces fourmis qui se laissent portés par le temps où ce qu'on leur dit de faire. Quelle triste existence nous avons...
Moi, j'ai juste remarqué tout ça et je vois la vie comme une blague monumentale que je regarde avec mépris. Certains sont trop cons pour s'en rendre compte, je les envie.

Wow... L'Histoire, j'hésite entre intéressant et inutile? Tout ce qui me donne envie d'étudier cette matière c'est notre professeure qui est vraiment pas mal. Un peu plus de la trentaine, les cheveux toujours noués en chignon façon adolescente, de jolies formes, chemise pas trop fermée et tailleur sexy lui donnant un air de secrétaire.
Comment ne pas loucher sur sa silhouette? Parfois mes yeux se détachent d'elle et se tournent vers les puceaux qui fantasment devant cette jolie femme. Ça me fait rire.
On a beau dire ce qu'on veut les hommes sont des bêtes enragées quand il s'agit de belles créatures.
Comme pour nous titiller, cela fait quelques minutes qu'elle est tournée vers le tableau et réfléchit à ce qu'elle va écrire nous laissant une plaisante vue sur son dernière. Je fus désagréablement tiré de mes pensées par un projectile de type boule de papier en plein visage.

<< Très mature Alicia...
-Désolé tu commençais à baver.
-C'est hilarant! Qu'est-ce qu'on rit.
-Faut arrêter de fantasmer sur ses profs c'est malsain. répliqua-t-elle un sourire en coin. Maintenant travaille au lieu de rêver!
-Oui mon commandant. >>
Elle rit.
Alicia et ses cheveux clairs, Alicia et ses grands yeux gris, Alicia et son incroyable joie de vivre, Alicia et son agaçante habitude de me taquiner. C'est une très bonne amie. Et si je classait mes amis je dirais que c'est ma meilleure amie.
Si elle n'avait pas la manie d'être aussi casse-pieds je serais probablement tombé amoureux d'elle. Mais heureusement pour moi et pour elle je ne ramène pas d'enquiquineuses dans mon lit.
Nous sortons de la salle quand la sonnerie retentit et elle me donne une tape sur la tête en souriant.

<< Bonjour quand même beau gosse!
-Bonjour mocheté! >>

Elle fronça les sourcils et fit mine de partir pour en fait prendre de l'élan, monter sur mon dos et s'agripper comme une gosse de cinq ans. Des regards féminins se tournent vers nous.

<< Descends tu vas faire fuir mes futures conquêtes! râlais-je.
-Tant mieux. Je rends service à ta mère qui en a marre de voir défiler des poufs dans ta chambre! dit-elle en descendant de mon dos pour se mettre en face de moi.
-Si on a plus le droit de s'amuser...
-Tu devrais tomber amoureux. Ça te rendrait moins grincheux. >>

Je reste dubitatif devant le visage d'Alicia rarement aussi dur et sérieux.
Oui je devrait...

Tu le vois ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant