Partie 1

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Merci à SimpleDemoiselle de m'avoir prêté Ophélie, Béatrice, Valériane et Aurora.

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Le château de Mozac était un bel endroit, ce n'était pas un magnifique château luxueux comme ceux de la Loire, non, c'était bien plus modeste mais il était entouré d'un écrin de verdure lui donnant un cachet bucolique certain. Situé dans la belle Auvergne, à quelques lieues de Vichy, l'endroit était régenté par une noblesse de province. Une noblesse ancienne mais pauvre, proche de ses habitants et aux codes plus libres dans l'étiquette mais la religion étant bien plus ancrée. Ce genre de familles étant bien loin des excès de Paris et de Versailles.

Honoré Ferdinand de Saint Germain des Fossés était le maître de Mozac. Il avait épousé à 19 ans une toute jeune fille d'une quinzaine d'années, Marie Adélaïde de Seuillet, très petite en taille mais très forte en esprit. Le couple s'était plu mutuellement et ils étaient tombés amoureux, lui l'auvergnat grand et fort tel une montagne comparé à sa femme, une belle fleur mais vivace et robuste. Ensemble, ils firent un fils, fort beau et très dégourdit intellectuellement, Eric Emmanuel. Le comte et la comtesse furent comblés de cette naissance, tout comme leur peuple.

Eric courait à travers les champs, il était à peine habillé plus élégamment que les fils de bourgeois ou des paysans les mieux lotis du coin car sa famille était une noblesse de campagne. Cela lui importait peu, il pouvait de cette façon monter librement les chevaux et explorer la riche nature environnante. Quand il rentra, sa mère et les deux bonnes terminaient d'étendre le linge familial, son père était au potager ou à la chasse dans le bois. Madame portait une simple robe de lin, seuls les rubans d'agrément montraient son rang, cela et peut-être la finesse de ses traits, la fraîcheur de son teint malgré ses 36 ans, un âge semblant presque avancé pour l'époque. Elle lui sourit et son cœur se remplit de joie, il adorait sa mère et avait beaucoup d'admiration pour son père. C'étaient des parents aimants car loin du protocole obligeant à ce que les enfants soient élevés loin de leurs parents, comme des étrangers portant juste le même nom.
- Bonjour Mère.
- Bonjour mon Eric, vous avez de la paille dans les cheveux.
- Ah, désolé... J'ai été voir les chevaux et j'ai parcouru les champs.
- Allez vous faire un brin de toilette avant le retour de Monsieur votre père, jeune homme.
Il accepta avec le sourire et fila dans sa chambre, ignorant le regard anxieux de sa mère posé dans son dos. Elle tordit ses mains, désespérée de la situation qui s'annonçait. Arrivé dans sa chambre, Eric s'assit face à sa coiffeuse et passa la brosse dans sa belle chevelure blonde, parsemée de reflets roux, faisant fuir les nœuds et les épis de blé sauvages ou les morceaux de paille. Il lava ses mains qui étaient fines et belles malgré son train de vie sauvageon. Il changea rapidement de vêtements, ne souhaitant pas manger avec des habits fort sales. Ayant encore un peu de temps avant de devoir se rendre au déjeuner familial, il se dirigea vers la plus grande des fenêtres de sa chambre, admirant la vue des forêts denses et les reliefs lointains de la montagne. Pour rien au monde il ne voudrait quitter ce berceau de nature, ce cocon splendide.
La table est remplie par les fruits de la chasse et du potager, Honoré est en bout de table, à sa droite est assise sa femme et en face de lui, son fils. Le repas se passe bien, les mets sont bons et la discussion facile, plaisante. Les parents sont appréciateurs de l'esprit de leur fils, forgé par l'éducation chrétienne et l'enseignement des livres d'auteurs. A la fin, il ne reste plus que les verres de vin et Eric songe à se retirer mais son père le retient. L'ambiance change alors et il le sent.
- Eric, tu sais que les finances de Mozac sont loin d'être mirobolantes. Si nous le pouvions, nous t'aurions marié à une jeune fille de bonne famille, comme mes parents le firent pour moi.
- Nous n'avons pas la fortune pour prétendre à cela mon garçon mais nous ne voulons pas d'une mésalliance ni t'imposer de prendre tes vœux dans un monastère...
- Père, Mère...
- Je ne souhaite pas non plus voir mon fils unique perdre la vie dans les campagnes de guerre de Louis XV. Notre Roi bien aimé a sans doutes d'excellentes raisons de faire de telles guerres mais je refuse que tu sois sa chair à canon.
- Qu'allez-vous faire de moi Père...?
Un silence tomba sur la table puis Honoré se leva et vint prendre quelque chose dans un tiroir puis revint vers son fils, posant l'objet devant lui. Une lettre.
- J'ai prit contact avec l'un de mes cousins, le marquis d'Ambert. Il est présent à la cour du Roi et peut t'y présenter. Si tu entres dans les bonnes grâces de ces gens, tu pourras nous aider à sauver le domaine de Mozac.
Eric déglutit, comprenant qu'il n'avait pas le choix. Il se devait d'aller là bas et d'obtenir des faveurs. Sa famille n'était pas dans la misère mais l'entretien d'un château était extrêmement coûteux. Il hocha la tête, il monterait à Paris pour trouver le marquis dans son hôtel particulier puis se rendrait à la cour de Versailles.

Eric portait la plus belle tenue de son père, une redingote bleu ciel rappelant le magnifique bleu de ses propres yeux, un justaucorps blanc cassé, des bas de soie blancs avec des rubans noirs et des culottes grises. Les manchettes étaient argentées tout comme les broderies d'apparats. Il portait de simples souliers noirs à boucles et petit talons. Enfant de la campagne, il portait ses cheveux longs et sagement noués par un ruban noir sur sa nuque, n'ayant évidemment pas la fameuse perruque blanche aux jolis rouleaux et belles boucles. Sa mère l'avait préparé et paré avec beaucoup d'attention, cette tenue était celle qu'avait porté Honoré pour leur mariage, soigneusement conservée.
- Vous êtes si beau mon fils.
- J'ai hérité de votre beauté, Mère.
- Oui, vous êtes plus proche de moi que de votre père, hormis vos yeux.
- Est-il possible... que je revienne un jour à la maison?
- Bien sûr mon garçon. Mais il vous faudra travailler dur là bas et j'en suis désolée...
Eric se tourna vers elle et il prit sa mère dans ses bras, la serrant fort. Elle était assez forte pour retenir ses larmes mais son cœur lui, saignait déjà à l'idée de cette séparation. Son fils, son bébé, son enfant adoré obligé de partir au loin, dans un monde bien plus sauvage pour le bien de leur famille. Ils descendirent au grand salon où attendait Honoré, il était aussi triste que fier de son fils. Il le lui dit avec cette sincérité qui faisait son charme. Le couple accompagna leur enfant jusqu'aux écuries où un serviteur lui donna un cheval harnaché, le meilleur cheval. Il irait jusqu'à Vichy pour obtenir un relais de poste et ainsi remonter jusqu'à Paris. Ils avancèrent tout trois silencieusement jusqu'au bout de la cour, arrivant à la sortie du château. Eric monta à cheval et les regarda depuis sa place, leur promettant une dernière fois de faire leur fierté, quoiqu'il puisse lui en coûter. Mozac allait retrouver sa beauté et son prestige. Marie Adélaïde s'approcha pour lui tendre un médaillon qu'il prit et ouvrit, son cœur s'échauffant en découvrant les portraits jumeaux de ses parents. Il rangea précieusement le médaillon, sans doute l'objet ayant le plus de valeur pour lui parmi ses bagages accrochés au cheval. De derniers au revoir puis le voilà parti, galopant vers son destin et loin de son Auvergne natale, tant aimée.

Le voyage avait été long, d'auberge en auberge et de relais de poste à un prochain relais. Enfin arrivé à Paris, il se fit déposer devant l'hôtel particulier de son grand cousin, le marquis d'Ambert. Le quartier du Marais était déjà baigné d'une certaine réputation. Le jeune homme se fit conduire aux appartements de monsieur, il se sentait un peu mal à l'aise bien qu'avec sa tenue, il ne faisait pas tache dans le décor. François Louis d'Ambert avait une quarantaine d'années, il avait un grand nez et des petits yeux sombres, portant une perruque à la mode. Eric ne voyait pas la ressemblance entre son père et cet homme, à qui il se présenta poliment et donna la lettre. François la lu attentivement puis reporta son regard sur le garçon.
- Eric donc, bienvenue à Paris.
- Je vous remercie mon cousin.
- Eh bien, je vais me charger de votre éducation pour le grand monde. Dès ce soir, nous irons dîner au salon de la marquise de Beaune. Les salons sont de bons endroits pour trouver des femmes intelligentes.
- Avec plaisir mon cousin.
Le jeune homme se demandait un peu ce qu'était ces salons bien qu'il savait que c'était les endroits pour parler de politique, littérature, théâtre et humour. Des salons emplis de belles femmes et de beaux hommes, tous ou presque bien nés et surtout, bien élevés. Population parisienne très en vogue et très courue, fréquentée par les nobles de la cour du Roi. Eric se rendit compte, devant les tenues de son cousin, que sa belle toilette était en fait bien pâle face à celles présentées. Aucuns soucis, François lui fit porter une veste d'un jaune doré chatoyant, bordé de rouge et brodé d'or, recouvrant un justaucorps blanc, un long gilet jaune pâle, des bas de soie crème et des culottes rouges. Pas de perruque, ce qui le soulagea. Cependant, il était excité de découvrir ces fameux salons.
Anne-Françoise marquise de Beaune, dite Francianne, était une hôtesse absolument sublime mais mariée au marquis Aurélien Philippe de Beaune, récupérant le titre de sa femme par leur mariage. Un couple amoureux, rare en ces temps de constants mariages arrangés. Le jeune provincial fut présenté à ces hôtes de prestige puis aux autres membres présents, en fait, présentes. La comtesse Ophélie de Blois, la comtesse Béatrice de Saint-Honoré, la marquise Anne-Valérie de Saint-Sorlin dite Valériane et enfin, la baronne Aurore d'Orge. Ces dames étaient fortement lettrées et d'un esprit formidable, débattant des idées des Lumières avec entrain, conviction et humour. Son cousin lui apprit que c'était un cercle de Précieuses, ces femmes intellectuelles ne se comprenant réellement qu'entre elles. Il en devint rapidement fasciné, en oubliant presque d'avaler ce délicieux dîner. Ensuite il y eut la lecture des poèmes des dames et il fut absolument étonné et ravi, par ceux de Madame Béatrice. Dame Francianne s'assit près de lui, lui prenant le coude avec cette aisance et proximité naturelle des cercles parisiens.
- Alors Eric, vous sentez-vous inspiré par ces dames?
- Je l'avoue, elles sont extraordinaires.
- Les filles de la campagne sont ennuyeuses?
- Nos filles n'ont guère plus que l'éducation des sœurs du coin mais toutes ne sont pas sottes. On critique les écarts du Roi mais ceux-ci permettent l'existence et l'expansion de vos salons, non?
- Bien vu. Louis le Bien-Aimé n'est pas aussi éclatant que feu notre Soleil.
Effectivement, sous Louis XIV les mœurs s'étaient déjà dilatées du fait de toutes ses favorites et maîtresses mais la personne de ce Louis faisait que les gens ne pouvaient que converger vers lui, ployer devant lui et ne pas avoir un autre avis. Les discours novateurs arrivaient bien sûr peu à peu mais tout cela prit son essor grâce au libertinage de l'actuel Roi.
- Nos filles savent danser et chanter. Et vous, Mesdames, si cultivées, savez-vous?
- Et comment! Les Parisiennes savent tout faire mon garçon, vous l'apprendrez vite.
Elle lui tapota la main avec un petit gloussement puis se leva pour aller parler au cousin de son père, laissant son mari discuter avec les Précieuses. Eric observa ce nouvel environnement et le considéra plutôt à son goût. Le lendemain il irait au club de François afin de rencontrer des hommes à la fois de lettres et d'affaires.

Les clubs des hommes donnaient une autre ambiance, là il pouvait sentir des odeurs de vins, de rhum, de café et de chocolat. Les trois derniers lui étaient totalement inconnus en goûts. On lui fit goûter le tabac et il toussa si fort qu'il cru s'arracher les poumons sous le rire gras de son cousin, visiblement très amusé de sa mésaventure. Le pauvre Eric bu une longue rasade de vin de Bourgogne pour passer ce goût immonde. François d'Ambert lui présenta alors les jeux, ceux de cartes évidemment mais aussi le jeu de canne à billes. Ce dernier l'intéressa bien plus et il s'y essaya avec plaisir, s'amusant à ce jeu tout en discutant avec les hommes présents. Ils discutaient davantage finances et politique, moins de littérature que les femmes de la veille. A force de vin et de rhum, le sujet dériva sur leur préféré: les femmes, justement. Des descriptions à la limite de l'obscène qui gênèrent le garçon venu de la campagne. Son propre cousin ne tarit pas sur le cul et les seins des plus belles femmes de Versailles et des meilleures courtisanes de Paris.
- Et toi le petit Eric! Encore frais comme une fleur?
- Pardon?
- Il te demande, cousin, si tu as déjà baisé une femme!
Il rougit et secoua doucement la tête, non il n'avait jamais touché une femme. A peine avait-il vu les épaules nues de quelques filles du village pendant les grandes baignades d'été. Les hommes rient et lui racontent des dizaines et dizaines d'histoires de fesses qui le fait rire, le fascine ou le fait rougir. Il venait de l'Auvergne, il était encore un peu bigot. La religion était bien oubliée dans ces clubs et dans beaucoup de salons de Paris. Et bien même à la cour de Versailles par ailleurs.
- Mon cher François tu devrais l'emmener voir les putains. Il y a de belles maisons avec des courtisanes qui chassent à Versailles.
- Le choix est difficile, il y a de nombreuses filles. Laquelle est la plus à la mode?
- Gabrielle de Toussus. Une rousse absolument délicieuse, son cul est à damner un évêque!
Eric retint ses propos effarés mais son cousin avait l'air absolument ravi de ces propositions. Il se mordit donc la joue et attendit sagement. Il savait qu'il se devait d'obéir pour le bien de Mozac, son précieux château.

François d'Ambert entra sans soucis dans une très belle maison aux rideaux rouges, une femme les accueillit avec le sourire. Ils discutèrent entre eux et Eric observa les alentours. On sentait les huiles essentielles, suaves puis les odeurs plus légères d'eau de rose et de fleur d'oranger. On entendait des bruits, des gémissements et des petits cris, plus loin, dissimulés par les murs, les tentures et la musique douce.
- Je voudrais Gabrielle de Toussus, ce soir nous fêtons le dépucelage de mon cousin Saint Germain!
- Oh quel délicieux jeune homme... Gabrielle sera ravie de l'aider. Payez donc très cher et je vous donne la clé. Souhaitez-vous une belle dame pour vous-même?
- Je vais d'abord les regarder danser avec du vin.
François paya puis la femme fortement parfumée lui donna une clé et lui indiqua une chambre à l'étage. Fébrile, il monta et chercha l'endroit. Il frappa doucement puis ouvrit la porte, il découvrit alors une sublime jeune femme rousse. Elle portait une robe gris perle, très ornementée de dentelles, un décolleté découvrant le haut de sa poitrine et de ses épaules mais ce n'était pas aussi vulgaire qu'il l'aurait cru.
- Bonjour Madame...
- Nous sommes la nuit et je ne suis pas une Dame, gentil Monsieur. Je m'appelle Gabrielle de Toussus et vous?
- Eric de Saint Germain des Fossés.
- Vous avez tous de si longs noms! Joli Eric, êtes-vous un habitué?
- Je suis vierge, Ma- je veux dire Gabrielle.
- Oh quelle joli cadeau que voilà!
Elle le fit asseoir, lui servit un verre de vin. Assise près de lui, ils discutèrent un moment, Gabrielle avait de l'esprit et un air de gentillesse absolument adorable. Comment un tel brin de femme avait-il fini ici? A faire cela? Il sursauta quand elle leva la main vers lui, elle la passa dans ses cheveux, qu'elle admira.
- Quel magnifique doré... On voit de beaux reflets roux avec les chandelles, est-ce leur véritable couleur?
- Oui Madame...
Elle ria mais ne le reprit pas. Il était si mignon, ce doux campagnard. La douceur se faisait rare mais elle la distillait, Gabrielle était une maîtresse de l'amour tendre et dans cette époque de libertinage, certains hommes se plaisaient à trouver cette tendresse dans ses bras. Bien que rousse, elle ne tentait pas d'éclaircir ses cheveux via des jaunes d'œufs ni rien d'autre, s'assumant telle quelle. Elle se pencha vers lui et l'embrassa doucement, maladroitement, il l'enlaça et il la sentit sourire dans leur baiser.
Allongé sur le lit, ayant perdu sa veste et son gilet, Gabrielle était assise sur ses hanches et passaient ses mains sur son visage et son torse, ses doigts traversant sa chevelure libérée du ruban de velours. Eric se sentait gêné mais excité par cette belle femme d'une vingtaine d'années qui savait comment le toucher et l'embrasser. Elle n'avait rien à voir avec les Précieuses, elle ne se faisait pas désirer et ne le laisser pas se languir...
- Défaites mon corset, je vous prie...
Il obéit, fasciné par la situation. Les manches tombèrent, le corset fut desserré puis tomba au sol, Gabrielle prit les mains de Eric pour les poser sur ses seins. Il rougit mais ne détourna pas les yeux, doucement il commença à caresser et malaxer cette jolie poitrine quoique menue, comparée à d'autres canons de ces temps. La peau était douce, blanche et souple, émanant une odeur de fleurs légère. Le baiser suivant commença à contenir plus de passion, d'impatience alors que sa chemise intérieure tombait elle aussi, permettant à leurs torses de se toucher, de se frotter. Il caressait son dos, de la nuque jusqu'en bas, touchant les plis de tissus des jupes. Gabrielle se releva et l'aida à faire tomber les amples jupes puis les petites mains se posèrent sur ses culottes qu'elles font habilement tomber, vite suivit des bas de soie. Il était nu et elle portait toujours un jupon blanc qu'il finit par presque arracher pour la ramener dans le lit, s'allongeant sur elle pour l'embrasser et la caresser, autant par ses mains que le reste de son corps. Elle souriait et soupirait doucement sous lui, elle le regardait dans les yeux, ses magnifiques yeux bleus avec un cœur jaune.
- Vous êtes très beau, Eric...
- Vous aussi Gabrielle... Que dois-je faire?
- Voulez-vous être tendre ou être passionné?
- Je ne veux pas vous faire mal.
Oh elle pourrait fondre pour ce si mignon jeune noble. Si son cœur ne battait pas déjà pour un gentleman bourgeois et hollandais, elle pourrait bien craquer pour ce Eric si délicat. Elle le fit asseoir et mima de ses mains sur son propre corps, son propre sexe ce qu'il devait faire pour plaire une femme. Eric l'observait avec beaucoup d'attention, très impressionné de voir ce corps de femme et encore plus, le voir se tordre sous le plaisir que ces jolis petits doigts semblaient lui donner. Doucement, c'est lui qui prit sa place, ce furent ses doigts qui firent mouiller et gémir Gabrielle, ses beaux yeux d'un bleu sombre se perdant dans le plaisir ressenti. Quand elle le fit enfin entrer en elle, ses mains se posèrent sur les fesses d'Eric afin de guider son rythme jusqu'à le laisser gérer, laissant ce bel homme s'approprier son être pour y prendre du plaisir lui aussi.
Il se rhabillait tout en discutant gentiment avec la jeune femme, celle-ci restant alanguie sur le lit. Leur séance avait été délicieusement satisfaisante.
- Ton visage est d'une finesse incroyable... Et ton corps est si souple. Je suis sûr que tu serais splendide dans mes robes.
- Tu plaisantes j'espère...
Le tutoiement s'était naturellement instauré pendant puis après l'acte, ne choquant aucuns des deux. Elle se mit à rire puis se leva pour l'embrasser, un petit bisou mignon tout en rassemblant ses affaires.
- Penses y. Les femmes gagnent bien plus de faveurs que les hommes à la cour de Versailles. Peut-être à bientôt mon mignon.
Gabrielle ignorait à quel point ce joli surnom allait devenir vrai.

Une semaine qu'il était à Paris, Eric en profita pour écrire une lettre à ses parents, expliquant que pour le moment tout se passait bien. Il découvrait le monde avec l'aide de son cousin et très prochainement, il allait franchir les grilles dorées du sublime palais de Versailles. Il avait reprit la magnifique tenue aux couleurs chatoyantes prêtée par son cousin, c'était ce qu'il avait de plus élégant pour aller à la cour. Cependant, il n'avait pas de perruque à se mettre, non pas qu'il en souhaitait une mais c'était le top de l'élégance pour les gens du coin. Sagement assis dans le carrosse de François d'Ambert, son imagination courrait plus vite que les huit chevaux fringants du Roi.
En voyant l'étendu du palais et des jardins, il comprit pourquoi les jouvencelles risquaient l'évanouissement en arrivant sur les lieux pour être dames de compagnie des hautes Dames vivants quotidiennement ici. Effectivement, il y avait différents types de noblesse à Versailles, la noblesse de sang donc la famille royale, la haute noblesse assez riche et influente pour se payer le luxe d'y avoir des appartements permanents, la noblesse qui allait et venait pour affaires, ayant des appartements seulement le temps de leur séjour et changeants, selon la place disponible puis enfin la noblesse ne pouvant que parader ponctuellement à Versailles, souvent sur ordre du Roi ou des résidents. Cette dernière noblesse vivait à Paris dans les hôtels particuliers ou dans les châteaux alentours. Il suivit son illustre cousin qui était lui bien habillé et coiffé de sa perruque et son tricorne. Il savait que son aîné était un militaire mais il ignorait à quel poste exactement, voilà une erreur bien ingénue, même lui s'en rendait compte.
- Le Roi est à la promenade, allons dans les jardins.
- Bien Monsieur.
Les deux cousins se rendirent donc dans les dédales des jardins de Versailles mais heureusement le groupe de courtisans suivant le Roi était assez facile à repérer. Ce qui attira l'œil de Eric fut une jeune femme toute habillée de rouge et avec une chevelure d'un noir éclatant, se démarquant fortement parmi ces femmes aux perruques blanches ou aux cheveux blonds et bouclés. Louis XV avançait tout au bout avec à son bras Madame de Pompadour, officiellement sa favorite depuis quelques temps déjà. Eric écouta son voisin lui dire que cette femme était frigide au lit, ce qui ennuyait le Roi malgré son affection pour elle. Heureusement, apparemment, Louis XV pouvait profiter de ses petites maîtresses soit des jeunes filles, voire très jeunes filles, pour l'amuser le soir. Le Parc aux Cerfs aurait dû être nommé la Parc aux Biches vu ce qu'il s'y passait, afin de contenter l'appétit de sensualité du Roi. Jolie tournure. Eric sortit de ses pensées au moment où son cousin aborde certaines de ses connaissances dans la queue de suivants. Poliment et élégamment, Eric se présenta aux uns et autres, s'attirant les faveurs et les regards. Il prit donc place dans ce rang de personnes tout en admirant les jardins et tenant la conversation.

Les femmes piaillaient autour de lui, toutes sont ravies de voir un nouveau jeune homme. Et un bel homme surtout! François profitait également de la compagnie d'autres dames et de quelques hommes bien placés. Eric était dans la fosse aux lions... La sublime femme en rouge réapparu dans son champ de vision et il fut complètement subjugué, provocant la jalousie des donzelles. Un magnifique regard argenté se posa sur lui et le campagnard peina à déglutir, elle était si sublime! La femme s'éloigna, entourée de pleins de jeunes filles et d'une véritable traîne d'hommes en pâmoison. Les femmes obtenaient le pouvoir à Versailles par leur beauté, il se souvint de ce conseil.
- Qui est-elle?
- La duchesse Antoinette d'Étampes, une véritable catin qui s'attire tous les hommes...
- Vraiment?
- Un battement de cil et on lui offre des perles! Imaginez doux ami si elle se déshabille...
Il hocha la tête, complètement fasciné par cette femme. Elle était hors de sa portée, bien évidemment aussi se contenta-t-il de discuter avec les femmes présentes devant lui. Elles sentaient le parfum fortement, elles portaient des mouches de satin noir en forme de cœur, d'étoile, de lune... Incroyable. Une mode lancée par la Pompadour, tout comme le rose qui n'était plus une couleur d'homme mais une couleur de femme, poudré, pastel, délicat. Comme une rose, justement. Naïvement, il demanda si la Reine lançait des modes elle aussi, il reçut des rires en retour et entre deux gloussements, il comprit que la pauvre Marie Leszczynska était depuis longtemps reléguée au placard. Or, la Reine et la marquise s'entendaient cordialement, ce qui valait sans doute mieux afin d'éviter des scandales. Versailles lui semblait être un monde bien cruel.
- Oh! Monsieur de Saint Germain des Fossés!
Il se retourna et reconnu la demoiselle, rencontrée au salon de Madame de Beaune.
- Comtesse de Blois, vous êtes ravissante.
- Oh appelez moi Ophélie je vous prie.
- Seulement si vous vous permettez de m'appeler Eric.
- Avec plaisir.
Leur petit échange relança les conversations, où s'étaient-ils rencontrés, étaient-ils proches, tant d'informations à récolter! Madame de Blois portait justement l'une de ces robes roses tant à la mode mais elle n'affichait pas de mouche ni de ruban particulier. Elle portait évidemment son éventail, venu d'Espagne tout naturellement. Avoir Ophélie à ses cotés lui permettait de se détendre dans cet environnement, ayant un pied dans la réalité face aux fastes et aux décors de rêves de Versailles. Et pourtant, il n'était que dans un petit salon, comment aurait-il réagit à la célèbre galerie des glaces? Ils ne restèrent pas dîner, contrairement à la comtesse, mais dans le carrosse du retour, le jeune homme avait des rêves plein la tête. Une femme à Versailles avait plus de chances de réussir... Une femme pouvait demander des rentes, des charges, des titres juste avec un sourire. Plus ou moins, son esprit tournait à plein régime alors que ses méninges mettait en place un plan, ignorant les ronflements de son cousin endormit sur le siège face à lui. Observant le couché de soleil par la fenêtre, il accepta de prendre une résolution avec lui-même. Mozac allait retrouver sa splendeur.

Eric se rendit une nouvelle fois Au Doux Plaisir, afin de parler avec Gabrielle. En effet cette maison des plaisirs était le haut du panier, les filles étaient saines, superbes et bien éduquées, des mets délicats pour des hommes fortunés et hauts placés. Le jeune homme avait donc comprit que son cousin était soit fort bien placé soit ami avec la tenancière car sinon, jamais ils n'auraient pu entrer ici. Il était par ailleurs tout à fait possible de simplement s'asseoir dans le grand salon du bas et de discuter avec les filles ou leur faire faire de la lecture. Il y avait également une salle de jeux. Rose-Marie, la tenancière, l'accueillit avec le sourire et le laissa aller au salon, la seule chose payante étant les consommations de boisson et de nourriture, dans ces cas là. Il chercha des yeux la superbe rousse et la trouva vite, habillée d'une robe d'un vert très pâle cette fois. Elle lui sourit quand leurs regards se croisèrent et elle vint à lui.
- Voilà une belle surprise!
- Bonsoir Gabrielle. Si tu as de temps, j'aurais des choses à parler avec toi.
- Bien sûr. Installons-nous sur une causeuse.
Il observa de quelle façon elle se déplaçait et surtout, comment elle faisait pour s'asseoir avec cette volumineuse robe. Quoique celle-ci fut plate comparée aux toilettes somptueuses et énormes de Versailles. Assit à ses cotés, à l'écart, il commanda un verre de vin afin de pouvoir s'entretenir avec elle à loisir.
- Gabrielle, j'ai besoin de ton aide.
- Une demoiselle à charmer?
- Non. Fais de moi une femme.
Sa belle bouche forma un O de surprise, ses grands yeux bleu sombre ouverts en grand. Elle se reprit tout en s'éventant avec un éventail élégant, assorti à sa tenue.
- Tu as raison, les femmes sont un meilleur moyen pour gagner des faveurs à la cour. Je veux devenir l'une d'elle. Apprend moi à marcher, à parler, à séduire comme une femme. Je t'en prie, c'est crucial pour moi.
- Tu as de la suite dans les idées... Tu veux être femme à plein temps?
- Une femme se fait désirer. Quand Emmanuelle ne sera pas là pour séduire ces hommes, Eric sera présent pour rassurer ces dames.
- Je vois. Combien vas-tu me payer?
- Combien veux-tu?
Gabrielle le regarda un moment puis décida que sa montre en or payerait tout cela. Cependant, il devra se procurer lui-même les tenues, les bijoux et le maquillage. Il pourrait se débrouiller pour en obtenir en séduisant des femmes ou en se renseignant, il était débrouillard donc il pourrait y arriver. Pour l'entraînement, Gabrielle voulait bien lui prêter l'une de ses tenues démodées. Elle passa la main dans les cheveux d'Eric, souriante.
- Voilà une sublime chevelure, je l'avais déjà remarqué. Pas assez longue pour une jeune fille mais avec quelques postiches, nous arriverons à faire de belles boucles... Être une femme est difficile alors j'espère que tu es déterminé.
- Plus que jamais.
Elle lui montra comment tenir un éventail puis le lui donna, il l'imita puis elle lui demanda de se présenter comme elle, s'était présentée la première fois. Il réfléchit puis Eric détendit ses épaules, inclina très légèrement la tête pour faire bouger ses cheveux et battit des cils avec un léger sourire.
- Je m'appelle Emmanuelle de Mozac.
- Pas mal. Mozac?
- Le domaine que je me dois de sauver. Personne n'ira chercher d'où ça vient.
- Oui je vois. Travaille dur en tant que Eric pendant la journée et vient me voir les soirs où je suis libre, je te ferais parvenir mes horaires. Être une femme coûte cher.
- Je ferais de mon mieux.
Gabrielle hocha la tête, reconnaissant sa détermination. Ils discutèrent longuement de la mode, des tendances en général, des mots utilisés par les femmes, leurs centres d'intérêt... Elle lui conseilla également de bien observer les Précieuses puisqu'il avait de nombreuses occasions d'être en leur compagnie. En voilà une idée judicieuse.

Les rendez-vous dans les salons parisiens se multipliaient tout comme les visites à Versailles, Eric faisant de son mieux pour entretenir ses relations nouvelles dans tous ces endroits. Gabrielle l'aidait à intégrer ses nouvelles manières, réapprenant un code d'élégance qui n'était pas le sien de base. Le jeune homme s'en sortait plutôt bien après un mois de galanterie, il avait déjà réunit des cadeaux qu'il avait revendu pour acheter une belle tenue féminine, rubans pour cheveux inclus. Et les postiches aussi. Autant dire que trouver la nuance la plus proche de sa couleur naturelle n'était pas une mince affaire! Sans oublier le regard étrange du perruquier mais enfin, ça, c'était fait. Il avait également des souliers, que Gabrielle avait consentit à lui donner car elle ne les aimait plus disait-elle, une dépense de moins. Or, il y avait une chose cruciale qui lui manquait pour faire ses débuts à la cour en tant que femme: une marraine. Une demoiselle ne pouvait entrer à la cour sans y être introduite par quelqu'un déjà présent, soit une personne de la famille, soit la future maîtresse soit une marraine. N'ayant ni famille et ne pouvant travailler à temps plein pour une dame sans que ça ne pose problème, il avait besoin d'une marraine. Il se mordillait la lèvre tout en faisant tourner son verre de vin, distant des discussions auxquelles il participait pourtant activement d'habitude. Cela attira l'attention de son hôtesse, qui s'assit près de lui et lui tapota doucement la main.
- Eric mon ami, quelque chose vous tracasse-t-il?
- Excusez-moi Francianne, mon égarement est très impoli c'est vrai.
- Souhaitez-vous nous en faire part?
Il hésita, réellement. Francianne était une femme de confiance mais il ne se voyait honnêtement pas lui raconter son affaire. Son arnaque, pour être précis. Il improvisa donc quelque chose pour justifier son air lunaire.
- Vous allez penser que je suis un petit garçon mais il se trouve que je pensais à ma mère.
- Oh comme c'est adorable! Peut-être devriez-vous discuter un peu dans le petit salon avec Ophélie, c'est une jeune mère après tout. Elle pourrait vous consoler. N'est-ce pas?
L'amie concernée se leva avec le sourire, attendant que Eric lui prenne le bras pour la conduire au petit salon désigné.

Pendant ce court chemin, il avait observé la jeune femme, ayant noté ses cheveux d'un roux vraiment très foncé et son extraordinaire regard violet. Elle avait le parfait teint pâle pour faire rêver les hommes et de jolies courbes, sans que ça ne soit excessif. Sans doute le mari ne s'était-il pas plaint de l'apparence de sa promise en l'ayant découverte. Ils s'assirent dans de confortables fauteuils bleus et savamment brodés de toiles de Jouy, nom du maître les ayant faites connaître. Il était possible de le voir à la cour lors des démonstrations de mode, paraît-il. Il leva les yeux vers Ophélie qui lui sourit, ayant rangé ses lunettes qui lui servaient à lire et écrire. Preuve qu'elle était extrêmement riche.
- Votre mari, que fait-il déjà...?
- Il a placé de l'argent en Hollande, dans les Compagnies des Indes. On ne le voit pas souvent mais grâce à lui, nous vivons particulièrement bien.
- Vous êtes jeune mère n'est-ce pas?
- Oui. Deux beaux garçons que j'aime très fort.
- Ils vivent loin de vous?
- Oh grand Dieu non! Il est tard alors je ne les emmène pas mais ils vivent avec moi dans mes appartements, dans un hôtel particulier. Je me plais à les élever, je veux être leur mère autrement que par le sang, par le cœur aussi.
Cette notion d'amour maternel, il l'avait connu auprès de sa mère. D'ailleurs, il lui parla d'elle avec une joie non feinte. Il défit sa cravate à jabot et ouvrit sa chemise afin de retirer la chaînette portant le médaillon qu'il ouvrit, se penchant vers elle pour le lui montrer.
- Votre mère est très belle, vous lui ressemblez beaucoup.
- Merci. Mon père est un modèle pour moi également. Mes parents sont amoureux et je trouve ça assez surprenant, dans notre mode de vie.
- Quelle chance en effet.
Eric prit un moment pour réfléchir alors qu'il se rhabillait, remettant ce médaillon sur son cœur, à sa place. Ophélie était très douce et très généreuse, peut-être...
- Madame, si je vous confie mon histoire, promettez-vous d'en garder le secret?
- Bien sûr.
Le jeune fils de comte prit une grande inspiration et commença alors à tout déballer, racontant la beauté mais la pauvreté de son superbe domaine de Mozac. Il raconta pourquoi il était monté aux capitales depuis sa chère Province, sa rencontre avec son cousin le marquis François d'Ambert, ses impressions devant les Précieuses, celles des clubs masculins et ses sentiments sur Versailles. Elle écoutait attentivement, comprenant ses appréhensions, ses étonnements, ses craintes et ses désirs. Elle comprit rapidement son but: sauver Mozac.
- Vous êtes acceptée et connue à la cour, n'est-ce pas, comtesse de Blois?
- Oh, oui en effet. Mon mari m'y a fait entrer après notre mariage, il a de nombreuses relations là bas et j'ai dû connaître les femmes de ces messieurs. Je continue de leur parler régulièrement, par politesse et pour mon mari.
- Je sais que les faveurs se payent, Madame, mais... J'en aurais une grande à vous demander.
- Je vous écoute.
- Je voudrais que vous fassiez entrer une jeune femme à Versailles.
- Qui est-elle?
- Si vous le permettez, elle viendra vous voir si vous acceptez de me donner votre adresse et une heure de rendez-vous.
Ophélie réfléchit un moment mais finit par accepter, écrivant de sa main délicate son adresse et l'heure souhaitée qu'elle confia ensuite à Eric. Ils discutèrent encore une ou deux heures, de tout et de rien, le courant passant bien entre eux. Ce sentiment lui donnait un peu de confiance mais il savait que la partie était loin, très loin d'être remportée.

Le mignon de VersaillesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant