Partie 2

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Gabrielle l'avait fait se laver dans une eau parfumée à la violette puis il s'était séché avec des serviettes parfumées à l'eau de fleur d'oranger. Une fois fait, il avait enfilé les culottes à froufrous puis l'espèce de grande nuisette en tissu fin. Ça fini, Gabrielle le rejoignit pour l'aider à mettre le corset qu'il s'était entraîné à porter afin de ne pas faire de malaise car c'était un art de réussir à respirer correctement avec cette chose infâme. Elle lui mit le petit panier d'osier puis les deux sous-jupes avant de lui faire enfiler la robe, tout étant en nuances de rose. C'était la couleur la plus à la mode après tout, il y avait aussi de nombreux rubans de couleur violette assortie, avec de belles manches de dentelles blanches. Une fois habillé, il enfila les souliers heureusement à sa taille et esquissa quelques pas avec, les cours ayant porter leurs fruits. Gabrielle battit gentiment des mains, le trouvant très mignon. Elle le fit ensuite s'asseoir afin de lui mettre ses bijoux puis le coiffer. Pour le moment, il ne possédait qu'un collier de perles en double rang mais ça valait tout de même son pesant d'or comme on disait. Il avait un éventail de facture moyenne, en bois peint de violet et à la voilette bleue. Gabrielle peigna avec attention la belle chevelure blonde, admirative comme toujours de ces magnifiques reflets roux... Elle lui fit des rouleaux avec ses véritables cheveux de part et d'autres de la tête puis elle fixa les postiches pour faire les boucles caressant la nuque pour suivre la courbure du cou, passant sur l'épaule dont la pointe allait effleurer les clavicules. Afin de cacher l'attache des postiches, Gabrielle noua des rubans roses et fushias de haut en bas, afin de rendre la coiffure jolie en prime. Quelques gouttes de parfum sur ses cheveux et voilà, la coiffure fut finie. La poudre de riz fut appliquée sur son visage pour éclairer encore plus son teint, avant d'appliquer un léger rose à joue. Eric refusa de porter une mouche, ni sur son visage, ni sur sa poitrine, certes inexistante mais l'illusion laissait à penser un joli décolleté. Finalement, Eric se leva et le voilà devenu la jeune première Emmanuelle.

La demoiselle descendit de la calèche publique, déposant les quelques pièces dans la main du cocher, celui-ci repartant. Emmanuelle portait un châle de laine sur ses épaules et une petite bourse en velours, en plus de son éventail. Elle entra dans l'hôtel puis se rendit à l'adresse indiquée, frappant doucement mais fermement à la porte. Son cœur battait immensément fort alors que son stratagème commençait à se mettre en place. Une bonne vint lui ouvrir puis la fit entrer, la débarrassant de son châle une fois que sa maîtresse eut confirmée qu'elle était attendue. Emmanuelle vint donc se présenter à Ophélie mais aussi à ses enfants visiblement, puisqu'ils étaient auprès d'elle. L'aîné avait trois ans et le cadet deux, si sa mémoire était bonne. La jeune fille devait se présenter la première évidemment et elle exécuta alors une belle et basse révérence, indiquant qu'elle n'était pas du rang de son hôtesse. Si Eric était comte, Emmanuelle n'était rien.
- Je me présente, Emmanuelle de Mozac. Je vous remercie humblement de votre hospitalité.
- Enchantée, je suis la comtesse Ophélie de Blois. Mozac? Vous êtes donc apparentée d'une façon ou d'une autre au comte Eric de Saint Germain des Fossés? Du moins je l'imagine car il vous a recommandé.
- En effet, je suis très proche de lui.
Elle haussa un sourcil, tient donc. Une sœur non légitimée? Ça ne correspondrait pas au portrait précédemment brossé par Eric. Le plus grand des garçonnets s'approcha de la dame sans aucune peur, la fixant de ses yeux sombres avant de tirer sur sa robe. Elle lui sourit, plus amusée que vexée par ce manque de manières.
- Votre petit Laurent est adorable, Madame. Si je peux me le permettre.
- Curieux aussi, je suppose. Simon préfère rester près de moi.
- Oui, il semble également bien joli.
Échange de politesse mais elle le pensait réellement. On la fit asseoir puis on apporta un plateau à thé avec quelques pâtisseries, ces dernières plurent bien davantage aux enfants que la conversation des adultes. Ophélie les avait assit sur la bergère juste à coté d'elle afin de pouvoir les câliner mais surtout de les surveiller pendant qu'ils mangeaient. Surtout Laurent qui semblait penser que la crème se devait de recouvrir son gilet... La discussion s'engagea et Ophélie constata que cette jeune femme était très cultivée, intelligente et sachant parler, elle n'aurait pas l'air d'une étrangère dans un cercle de Précieuses. Pourtant, elle n'avait pas présenté de titres donc sans doute était-elle de la bourgeoisie. Les bourgeoises n'étaient pas bien vues à Versailles et elle le lui dit, non pas pour la blesser mais pour la mettre en garde.
- Je suis consciente de cela, Madame. Mais s'il vous plaît, je vous en conjure, aidez-moi.
- Que cherchez-vous à Versailles?
- La fortune. Non pas pour moi mais pour mon domaine.
- Ainsi vous disposez donc d'un domaine.
- Je me dois de sauver Mozac.
Cette phrase la fit tilter. Ophélie se leva de la bergère et contourna la petite table, pour vite venir se planter devant cette jeune dame.
- Levez-vous.
Emmanuelle le fit, se tenant bien droite comme elle se le devait. Elle se fit saisir le visage et le regard violet se fit scrutateur, perçant et son cœur battait contre ses côtes à les briser. Puis la surprise se vit sur le visage de la jeune mère, un étonnement clairement palpable.
- Bonté divine...
Elle se recula mais Emmanuelle l'attrapa par le poignet.
- Non attendez s'il vous plaît!
- Mais enfin que faites-vous ainsi?!
Elle appela sa bonne afin qu'elle éloigne les enfants, ce qui se fit rapidement. Elle ne voulait pas leur montrer ça, ce spectacle d'un homme habillé en femme! Elle allait le repousser quand Eric tomba à genoux devant elle, les yeux brillants de larmes.
- Je vous en conjure! Je vous en prie, vous en supplie... Je ne le fais pas par perversité... C'est une nécessité pour mon domaine, pour ma famille... Je vous le jure devant Dieu... Madame...
Les sanglots dans sa voix étaient déchirant, son cœur saignait à travers ses mots. Il avait mit tant d'efforts et d'argent dans cette transformation qu'il voyait comme nécessaire. Il était là, à genoux devant elle, entouré de toutes ces couches d'étoffes, les larmes coulant finalement sur ses joues, effaçant la poudre de riz et le rose à joue. Ses yeux bleus étaient comme deux cristaux brillants, étincelants de tristesse. La comtesse de Blois s'en sentit réellement touchée, ayant eut connaissance de son histoire personnelle peu de temps avant. Elle comprit alors que déjà, il mendiait son aide. Sa main était désespérément serrée par celles tremblantes du jeune homme effondré. Ophélie s'agenouilla et l'attira dans une tendre étreinte, dégageant sa main pour le câliner comme elle câlinait ses enfants après un mauvais rêve, caressant ses cheveux en disant des mots doux. Cette tendresse le fit pleurer encore plus, lui rappelant sa solitude dans cet endroit qu'il n'aimait pas...
Les choses calmées, ils se rassirent correctement et discutèrent du plan d'Eric et bien que Ophélie n'approuvait pas le fait de vendre ses charmes pour obtenir de l'argent, elle comprenait la motivation. Eric ne comptait pas prostituer Emmanuelle, celle-ci ne serait pas une courtisane mais une séductrice, une galante à qui on offrirait des cadeaux en espoir d'un retour mais ledit retour ne serait jamais perçu.
- Il vous faut encore quelques leçons pour bien paraître à la cour, je vous les donnerais. Je ne puis présenter à la cour une jeune fille mal dégrossie.
- Jamais je ne pourrais assez vous remercier...
Ainsi fut conclu leur accord.

François d'Ambert avait remarqué que son jeune cousin pouvait tout à fait séduire les donzelles, il passait d'ailleurs beaucoup de temps avec les Précieuses du cercle de la marquise de Beaune. Il avait de l'avenir si il parvenait à séduire les bonnes cibles! Cela faisait presque deux mois qu'il était arrivé et il s'était bien familiarisé à Paris, Versailles et même le bordel! Il pourrait presque le considérer comme un digne fils. En effet, la garde-robe de Eric s'était étoffée grâce aux cadeaux des dames qui s'extasiaient sur lui, il avait comprit que aller draguer les plus matures pouvait être une bonne idée. Elles étaient flattées d'avoir un si beau jeune homme au bras alors que leurs hommes les avaient délaissé depuis belle lurette pour plusieurs mignonettes. Il faisait donc de son mieux pour être à la mode tant sur la tenue que sur les sujets tendances et même les ragots. Un homme au courant, quelle joie! Et en parallèle, dès qu'il le pouvait, il poursuivait son éducation féminine avec Ophélie. Elle lui avait dit qu'elle le présenterait au prochain buffet dans les jardins, il se devait donc d'être au top. Ah, et d'acheter du parfum aussi. Mais ça évidemment, ce bon François l'ignorait totalement et il en valait mieux ainsi.

Emmanuelle de Mozac était une simple jeune fille prise au service de la comtesse Ophélie de Blois qui, s'étant prise d'affection pour elle, décida de lui faire faire sa grande entrée à Versailles. La jeune fille fut bien vite entourée de dames et messieurs, tous désireux de la connaître. Son cœur battait si fort qu'elle cru bien défaillir à plusieurs moments. Heureusement, Ophélie la gardait bien dans son giron, repoussant par la même certains indésirés. Profitant d'un moment plus calme après la petite effervescence de son arrivée, Emmanuelle se dirigea vers l'une des tables du buffet et prit un verre de vin, pour se désaltérer et se donner confiance. Ophélie était retenue par un cercle «d'amies» soient les épouses des partenaires d'affaires de son mari et ne pouvait donc pas partir mais elle tentait de la surveiller du coin de l'œil, malgré tout.
- Mademoiselle bonjour.
Elle releva la tête, croisant alors un magnifique regard gris-bleu. La bouche fine mais bien dessinée esquissa un sourire charmant alors que son propriétaire lui tendait le bras.
- Allons faire quelques pas, voulez-vous?
- Oui, d'accord.
Elle ne pouvait pas refuser, n'est-ce pas? Elle posa son verre de vin puis posa sa main délicate sur le riche tissu bleu foncé. Un tissu très doux remarqua-t-elle.
- Votre arrivée a fait sensation, vous êtes très belle et selon votre maîtresse, très intelligente.
- Monsieur, vous me flattez.
- Rappelez moi votre nom, je vous prie.
- Emmanuelle de Mozac, Monsieur.
- C'est très joli. Je m'appelle Paul, Marquis de Plaisir.
- Plaisir...?
- La ville et le château, gente demoiselle.
Elle rougit délicatement et il sourit, trouvant cette réaction innocente pour le moins délectable. Ils marchèrent tranquillement à travers cette foule bigarrée et les sublimes jardins, dessinés par André Le Nôtre. Finalement, ils s'assirent sur l'un des bancs à coussins disposés dehors afin que les convives soient à leur aise.
- Dites moi jeune fille, que savez-vous de la favorite, Madame de Pompadour?
- Oh peu de choses... C'est une fille du peuple, Jeanne-Antoinette Poisson de son vrai nom.
- Et savez-vous quelle est la poissonnade la plus récurrente à son sujet?
- Poissonnade?
- Le nom des ragots et pamphlets à son sujet.
- Oh. Eh bien, non j'ignore tout à ce sujet.
- Pompadour. Sachez que «dour» est le petit surnom donné au sexe du Roi, imaginez donc la suite si on dit littéralement la pompe de la dour!
Emmanuelle laissa entendre une petite exclamation choquée et cacha prestement son visage rougit derrière son éventail de soie rose, l'agitant prestement pour se rafraîchir. L'embarras n'était pas totalement feint mais tout de même... Paul se mit à rire à la fois charmé et amusé de la réaction de l'innocente à ses cotés. Ce genre de demoiselles étaient comme des brises fraîches printanières, allégeant l'air pestilentiel de Versailles. Ils discutèrent longuement sur des badineries, des bavardages amusants. Paul était une compagnie agréable et il ne chercha nullement à la toucher, ni même à l'effleurer. Il était d'une galanterie et d'une politesse parfaites. Il la reconduisit même auprès de la comtesse quand fut l'heure de s'installer pour boire un thé champêtre.
Assise à l'une des tables rondes, recouverte d'une sublime nappe de dentelles blanches, Emmanuelle pouvait observer de loin le Roi, assit quelques rangées plus loin. Il était avec sa favorite et quelques autres personnes sûrement importantes. Jamais elle n'aurait cru qu'elle aurait pu s'approcher aussi près de sa Majesté! C'était vraiment incroyable... Sans doute avait-elle l'air d'une gourde à le fixer ainsi de loin mais elle ne pouvait s'en empêcher.
- Voir le Roi d'aussi près fait toujours un drôle d'effet.
- Vraiment Madame?
- Il est le Lieutenant de Dieu sur Terre, bien sûr que c'est impressionnant.
- Oui Madame.
Elle aussi avait été élevé dans ce culte du Roi, comme tout le monde. Vivant proche des gens, Emmanuelle tout comme son alter ego Eric avait été baigné dans cet amour pour le Roi presque aussi grand que l'amour pour Dieu. Non pas pour Louis XV en lui-même mais pour ce qu'il incarnait. Emmanuelle découvrit avec un plaisir non feint toutes les petites pâtisseries et les divers fruits des colonies qu'on leur apportait, appréciant également ce fameux chocolat chaud. Elle avait apprit des autres qu'il fallait y ajouter un peu de crème ou de miel pour en chasser l'amertume. On connaissait le sucre déjà depuis longtemps mais il n'était pas si à la mode pour les boissons alors qu'il l'était pour la nourriture. Cependant, ça ne saurait tarder. Grignotant un morceau d'ananas, elle ne disait rien et écoutait simplement les grandes dames parler comme il était de coutume. Curieuse pourtant, elle finit par s'adresser à voix basse à la comtesse.
- Madame, la Reine, comment le vit-elle?
- Oh, Marie Leszczynska n'est pas fâchée d'éviter tout ces gens. C'est une belle et bonne femme mais elle n'a plus d'influence sur le Roi, quelle qu'elle soit. Ils se délaissent et se réconcilient mais ils ne sont plus un couple depuis un moment. Elle lui a donné dix enfants et lui a fermé son lit pour ne pas mourir d'un onzième.
- C'est triste...
- On ne plaint pas la royauté, on la soutient ou on la fait tomber. Retenez cela.
Emmanuelle acquiesça. Cela étant, elle éprouvait de la compassion pour cette Reine venue d'ailleurs, forcée de tout apprendre et d'accepter de tout perdre. Néanmoins, grâce à cet abandon marital, elle pouvait se permettre d'être pleinement mère pour ses enfants. Ce que le Roi n'était pas, un père. A cette pensée, Emmanuelle formula une rapide prière pour le bien-être et la santé de ses propres parents.

La comtesse était restée pendant les deux jours de la fête champêtre, Emmanuelle aussi. Personne ne fut surprit qu'elle repartie avec sa maîtresse mais nombreux furent déçus et prièrent la jeune femme de reparaître à la cour.
Eric en profita alors pour revenir sur le devant de la scène, écoutant avec un certain amusement les dames se plaindre de cette jouvencelle attirant les regards. Il prit également garde aux hommes, ceux qui pourraient être généreux et ceux dangereux. Ou les deux à la fois. Il avait pu s'acheter une perruque et la portait donc, plus pour empêcher qu'on ne le relit de trop à Emmanuelle que par goût mais bon, elle aidait aussi à le fondre dans ce décor de têtes poudrées. L'une des dames à qui il montrait ses faveurs se présenta à lui, elle avait déjà la cinquantaine et des kilos en trop successifs à ses cinq grossesses mais en vérité, son visage n'avait pas tant souffert que cela, comparé à d'autres. Il enleva son tricorne noir brodé d'or et fit un ample et élégant mouvement avec, en guise de salutation.
- Marie-Thérèse de Saint-Augustin. Je suis ravi de vous voir.
Et il ne mentait pas, cette vieille dame avait un esprit vif, rodé à la vie de cour et un mari hautement placé mais depuis bien longtemps séparé d'elle dans les faits.
- Monsieur Eric, vous me flattez.
Il remit son chapeau puis lui offrit le bras, remontant avec elle un long couloir extérieur afin de retourner dans un bâtiment. Cela étant, Marie-Thérèse n'était pas née de la dernière pluie et savait parfaitement pourquoi ce fringuant jeune homme s'intéressait à elle et à vrai dire, elle s'en accommodait bien.
- Vous devriez dîner dans mes appartements ce soir. Si vous n'êtes pas déjà invité ailleurs.
- Non, je ne le suis pas.
- Je devais dîner avec une amie mais son mari la requière pour un dîner d'affaires. Je me retrouve donc seule à ma petite table.
- J'en suis honoré, Madame. N'avez-vous pas peur des quolibets à notre sujet?
- Ma peau est trop épaisse pour leurs piqûres.
Eric ne pu s'empêcher de rire et cela fit sourire sa compagne de promenade. Ils entrèrent dans le bâtiment et il retira alors son chapeau, le tenant sous son autre bras. Marie-Thérèse lui avait souvent dit que si la Princesse Palatine n'était pas morte trente ans avant, il aurait adoré son esprit. Ce dont il n'avait pas douté. Pour le moment, il n'était pas officiellement un galant car il n'avait jamais couché avec aucunes des dames de Versailles mais il semblerait que ce soir, ça allait commencer. Et honnêtement, si le corps de la comtesse était bien loin d'atteindre la perfection de celui de Gabrielle, il ne s'en sentait ni offusqué ni dégoûté. Peut-être même qu'elle aurait des choses à lui apprendre.
Eric se réveilla dans les draps soyeux, des cheveux chatouillant son nez. Il sourit avec amusement en voyant cette respectable dame dormir complètement nue à ses cotés. A vrai dire, elle avait apprécié qu'il soit si doux et si tendre avec elle, son mari étant du genre chaud lapin quand il la touchait encore. Vite entré, vite fini. Un miracle d'avoir fait cinq enfants avec lui. Gentiment, il caressa ses cheveux commençant à être grisonnant puis s'amusa à la bisouiller, la faisant s'éveiller avec un gloussement. Cependant elle se redressa vite et se cacha avec le drap.
- Il fait dorénavant jour, mon ami.
- Vous êtes toujours la même à mes yeux.
- Une vieille femme qui s'est jetée sur un bel homme comme un charognard?
- Vous êtes trop sévère. Vous êtes mon amie et j'ai aimé ce moment que nous pourrons reproduire si l'envie vous en prends.
- Je ne serais pas votre unique maîtresse.
- Souhaitez-vous l'être?
Marie-Thérèse esquissa un sourire malicieux et Eric pu presque imaginer à quoi elle ressemblait, trente ans avant.
- Grand Dieu non.
Eric lui fit un délicat baisemain puis se rhabilla prestement afin de ne pas embarrasser sa dame de bon matin. C'est d'un pas guilleret qu'il commanda à l'un des domestiques passant dans le couloir de lui apporter à manger dans le petit salon bleu où il se rendit d'ailleurs pour s'y asseoir. Il y rencontra quelques jeunes filles avec qui il discuta joyeusement, les jeunes femmes se levaient plus tôt dans l'espoir d'être les premières postées dans les couloirs pour apercevoir le Roi.

Anne de Breteuil, Louise de Montemaison, Joséphine de Mortemarre, n'avaient été que les premières de la longue liste des maîtresses du comte Eric de Saint Germain des Fossés ces derniers mois, un galant beau et plein d'esprit, un amant tendre pour ces femmes manquant d'amour. Il gardait cependant une relation spéciale avec Marie-Thérèse de Saint-Augustin. Contre ces nuits d'amour et ces sorties accompagnées, au théâtre ou à l'opéra ou même comme partenaire de bal, il gagnait de nombreux cadeaux qu'il revendait discrètement pouvant envoyer ainsi l'argent au domaine. Son père lui avait dit dans sa dernière lettre qu'ils avaient pu lancer les travaux de restauration du toit du château. Bientôt, cela ferait presque la moitié d'une année qu'il était là et les choses avançaient plutôt dans son sens.
- Il semblerait que vous êtes un homme occupé.
Il se retourna vers cette voix qu'il connaissait bien pour l'avoir entendu de nombreuses fois alors qu'il était sous les traits d'Emmanuelle. Eric lui fit un franc sourire.
- Êtes-vous jaloux, Monsieur le marquis?
- Nullement, j'ai de très belles jeunes femmes à ma disposition.
- Surtout une, paraît-il.
- Oh, pensez-vous que la duchesse d'Étampes est ma maîtresse?
- La rumeur court.
- Je serais béni si elle était vraie. Antoinette est une amie, une amie hors du lit. Non, mon cœur bat pour une autre jeune femme qui est à son sens, tout aussi éloignée de moi...
Eric ne répondit rien, sachant par sa double identité que Paul était amoureux d'une servante du palais. Une simple femme de chambre, d'une grande beauté paraît-il. Mais un marquis n'épousait pas une servante... Il pouvait la baiser oui si l'envie l'en prenait, il pouvait même l'aimer pour peu que cela ne se sache jamais.
- Je suis désolé.
Paul le regarda, se concentrant sur ce regard superbe. Il le reconnaissait, ce regard. Il avait comprit mais il gardait le secret, comme il en gardait déjà un autre.
- Moi aussi. Prenez garde, jeune comte à ce que vos coucheries ne tournent pas au vinaigre.
- Rare sont les maris jaloux de leurs femmes délaissées. Vous, vous prenez les jeunes mariées, n'est-ce pas plus dangereux?
- Ils seront sans doute plus dérangés que vous touchiez à leurs deniers qu'à leurs femmes...
L'auvergnat savait que c'était un sage conseil en effet mais Eric offrait son corps là où Emmanuelle se le refusait pendant ses rares visites. Il faudrait d'ailleurs qu'elle soit un peu plus présente pour être efficace à récolter ce dont il avait besoin. Un véritable casse-tête qu'il s'était imposé mais qui portait malgré tout ses fruits.
- Je vous remercie de vos sages conseils, Monsieur de Plaisir.
Les deux hommes se saluèrent puis se séparèrent, chacun reprenant sa route. De toute façon, Eric se devait de rejoindre son cousin François d'Ambert.

Des robes brillantes, des bijoux, des plumes et des fanfreluches! C'était la première fois qu'il mettait les pieds à un bal masqué. Eric était fasciné par cette soirée extravagante. La rumeur courait que le Roi pourrait être là, déguisé parmi les convives. C'était son cousin qui l'avait traîné à cette soirée mais finalement, il l'en remerciait. Jamais il n'avait été aussi richement vêtu, portant un costume vert et bleu, assorti à son masque d'oiseau, un paon probablement. Il n'en était pas bien sûr mais peu importait. Tout le monde buvait, mangeait, dansait et buvait encore. Ce n'était pas une soirée pour les timides... François avait semblé particulièrement ravi à l'idée de ce qu'il se passerait à la fin, quand la nuit serait bien installée. Si Eric avait été sous les traits d'Emmanuelle, il se serait évanouit à la mention du mot «orgie» Évidemment, ce n'était pas le cas après chaque bal masqué ou fête costumée mais celle-ci semblait bien être partie pour. Pour le moment, Eric se contentait de danser avec toutes les femmes s'accrochant à son bras, la tête légère car emplie de vin et de musique. Et de couleurs et de parfums.
Au bout de quelques heures, il vint se réfugier sur l'un des balcons, prenant une grande bouffée d'air frais pour se remettre un peu les idées en place. C'était... intense. Il s'appuya sur le bord en pierre blanche, admirant les jardins et les fontaines de cet hôtel particulier plongés dans le noir. Pendant un vague instant, cela lui rappela les silhouettes des montagnes de chez lui, perdues dans la brume du soir.
- Vous semblez bien triste.
Il se retourna vers cette voix à l'accent étrange, bien que peu présent. Un étranger mais qui savait parler français presque parfaitement.
- Nostalgique, Monsieur...?
- On ne dit pas son nom à un bal masqué.
- C'est vrai.
L'étranger se rapprocha donc de lui et s'accouda à ses cotés. Ils restèrent un moment dans ce silence relaxant, le brouhaha de la fête étant devenu un simple bruit de fond à leurs oreilles. Jusqu'à ce que l'autre ne bouge pour se redresser et tendit la main à Eric, qui le regarda avec surprise.
- Dansons.
- Entre hommes?
- Personne n'y fera attention.
Une valse retentit et le grand blond posa sa main sur sa taille, prenant l'autre. D'un pas expert il le guida pour le faire danser. D'abord un peu raide dans ses pas, Eric finit par se détendre et même à en rire, dansant avec le sourire. Il dansait les yeux dans les yeux avec cet homme, collé à lui comme la valse le préconisait. Cette danse avait été scandaleuse tant elle rapprochait les partenaires mais maintenant, tous l'appréciait. Faut dire que ça aidait dans les rapprochements qui pouvaient parfois durer des plombes pour espérer ne serait-ce que toucher la main d'une dame. Ils tournoyaient sur ce balcon, dans l'air doux de l'été qui s'était progressivement installé. Les lourds rideaux les cachaient à la vue des autres, ils étaient dans une petite bulle, seuls à danser si proches l'un de l'autre... Pourquoi y avait-il cette ambiance romantique? Ils étaient deux hommes dansants pour s'amuser, ce qui était déjà parfaitement ridicules car ni l'un ni l'autre n'était le maître à danser de l'autre. C'était stupide. Stupidement drôle et enivrant.
Leurs bouches s'écrasèrent l'une contre l'autre violemment, complètement collés dans ce carrosse étroit qui les emmenaient il ne savait où.
- Oh attendez...
Son cou se faisait dévorer de baisers brûlants, sa peau se faisant sucer légèrement ou même mordiller. Ses mains s'étaient accrochées dans la sublime chevelure blond pâle de son compagnon du moment, complètement perdu dans ce méli-mélo de sensations et de pensées en vrac.
- Nous... Nous ne devons pas...
- Chut... Nous sommes protégés par le secret...
Eric gémit contre les lèvres de l'autre quand il l'embrassa à nouveau, le dévorant passionnément. Ils descendirent du carrosse et l'étranger le traîna à travers des couloirs jusqu'à pousser les doubles-portes d'une chambre, les refermant précipitamment avant de pousser le bel oiseau pour le faire tomber sur le lit.
- Devons-nous garder nos masques?
- S'il vous plaît Monsieur...
- Comme il vous plaira...
C'était la première fois que Eric se retrouvait à la place d'une femme, allongé sous un homme et embrassé, caressé, déshabillé avec passion. Son corps ne lui appartenait plus vraiment, ainsi possédé par cet homme aux mains larges et fortes, pressant, massant... Les vestes étaient tombées depuis longtemps, gilets et justaucorps aussi, il ne restait que les culottes et les bas de soie. Les souliers gisaient à terre tout comme les chapeaux et le reste des vêtements. Seuls les masques ne tomberaient pas ce soir. La main de l'étranger passa sous la culotte le faisant haleter alors qu'il s'y prenait à merveille pour lui donner du plaisir. Il s'agrippa aux épaules de l'autre, se cambrant pour mieux ressentir, écoutant cette voix suave qui lui chuchotait des choses qu'il ne comprenait pas. Ils s'embrassèrent à nouveau alors qu'ils tiraient sur les derniers vêtements pour enfin les virer et se frotter nus l'un contre l'autre. Eric gémissait doucement, perdu mais incapable d'arrêter ou de s'activer plus que ça. Il avait chaud sous son masque mais le retirer serait une erreur, il avait malgré tout noté les yeux bleus de son vis à vis, un bleu glacial, sublime et rare. Peut-être assez pour retrouver son bel inconnu une fois la nuit devenue jour... Cette nuit là, il découvrit des plaisirs encore plus interdits mais tellement délicieux, ainsi choyé, désiré et comblé par les mains de cet étranger. De cet autre homme...

Emmanuelle se hâta, portant une lourde boîte dans les bras. Elle traversait les couloirs de Versailles d'un pas pressé, la comtesse de Blois lui ayant demandé de livrer ce paquet à l'une des dames de sa connaissance. Apparemment, il contenait l'une des robes de la comtesse qui en faisait cadeau à l'autre dame en question, pour elle ne savait quelle raison. Et après tout, cela ne la regardait pas. Trouvant enfin les appartements qu'elle cherchait, Emmanuelle frappa à la porte et une jeune fille vint lui ouvrir, une dame de compagnie sûrement. Elle entra et se présenta, déposant la boîte. Clotilde de Breteuil, sœur par alliance de Anne de Breteuil la maîtresse de Eric, se déclara satisfaite.
- Vous transmettrez à votre maîtresse mes remerciements.
- Bien entendu.
- Vous pouvez vous retirer.
- Merci Madame.
Elle s'inclina docilement puis recula de quelques pas avant de tourner le dos pour partir, comme le voulait la politesse envers les gens de rangs supérieurs. N'ayant pas de limite de temps, Emmanuelle décida de flâner un peu dans Versailles. Elle se fit aborder de nombreuses fois par divers hommes, de diverses tranches d'âge et de classes sociales. Elle se fit notamment aborder par le jeune cousin du cardinal de Fleury et elle ne pu pas refuser le présent qu'il lui offrit: un superbe bracelet en or, délicatement ouvragé. Emmanuelle se résolu donc à lui tendre la main pour qu'il le lui attache, le laissant également baiser sa main plus longtemps que la bienséance l'aurait voulu. L'homme n'était pas laid sans être d'une beauté à couper le souffle non plus. Mais il serait acceptable selon les normes et tout à fait enviable pour sa fortune et sa renommée. Ou plutôt, la renommée de son cousin. Bien sûr, cet homme espérait plus que de pouvoir baiser sa main et il la retint quand elle voulu partir. Emmanuelle déglutit et chercha des yeux une personne ou une situation pouvant lui servir d'échappatoire. Sans en trouver aucune. Le dénommé Jean passa son bras sur sa taille svelte, l'incitant à se rapprocher de lui. La jeune femme se mordit la lèvre, ce qu'il prit pour de la séduction et il se pencha alors pour l'embrasser. Elle poussa un petit cri surprit et un raclement de gorge les sépara, à son grand bonheur.
- La demoiselle semble...perturbée.
Ne voulant pas passer pour un agresseur, Jean de Fleury s'écarta et s'excusa platement, lui signifiant donc de garder le bracelet non plus en signe de son attachement mais en gage de son honneur quant à respecter ses choix. Il s'éloigna donc à grands pas et Emmanuelle pu enfin respirer. Elle se tourna ensuite vers son sauveur pour le remercier, quelque peu perturbée par ses yeux bleus si extraordinaire.
- Je vous remercie de votre aide, Monsieur...?
- Dimitrei. Dimitrei Orlov, je suis un diplomate envoyé par la tsarine de toutes les Russies, Catherine II.
- Dimitrei Orlov...
Elle l'avait dit du bout des lèvres alors que son cœur s'emballait. Serait-ce lui, son inconnu du bal masqué? Cependant elle se reprit et sourit avec politesse.
- Enchantée, je m'appelle Emmanuelle de Mozac.
- C'est vraiment très joli. Puis-je profiter quelques instants de votre compagnie?
- Oui, bien sûr.
Plus elle entendait cette voix et plus elle observait ces yeux, plus elle était sûre que c'était lui. Elle ne pouvait pas lui dire, qu'en plus de ne pas être une fille, il fut son amant d'un soir... Cependant, elle ne pu réprimer le frisson sur sa peau quand il baisa sa main avant de poser celle-ci sur son bras afin de marcher ensemble. Emmanuelle ne pouvait s'empêcher de le fixer avec un air béat, complètement subjuguée par le russe. D'ailleurs elle lui ne pu s'empêcher de bavarder avec lui plus que nécessaire, tentant de garder son attention malgré les quelques chuchotis qu'on pouvait percevoir à leur passage. Arrivés aux carrosses, Dimitrei lui demanda sa destination. Elle fut déchirée quand à la réponse mais devait maintenir son rôle.
- Chez Madame Ophélie, la comtesse de Blois.
Il acquiesça puis l'aida à monter dans l'un des carrosses afin que celui-ci ne la reconduise chez elle. Elle se pencha par la fenêtre et fit un signe de la main au diplomate qui le lui rendit avec un large sourire.
- Cette Emmanuelle a de superbes yeux... C'est rare une telle nuance. Comme ce jeune homme...
Sa réflexion le laissa perplexe mais il haussa les épaules, probablement un tour de son imagination.

Gabrielle remonta sa manche puis attendit que l'une des filles viennent lui refaire son corset. Quelqu'un monta les escaliers et ouvrit la porte, la surprenant. De surprise elle passa à sourire en voyant Eric dans le cadre. Il referma le panneau de bois et vint vers elle.
- Tiens, aide moi à refermer ça. Sauf si tu consommes.
- Aussi délicieuse sois-tu Gabrielle, je vais juste te rhabiller.
- Quel homme délicat!
Ils rirent ensembles puis il relaça le corset et remit la robe correctement, admirant ensuite le rendu. Cette femme était vraiment superbement belle.
- As-tu connu l'amour?
- Je le connais.
- De qui es-tu amoureuse?
- Hencke van der Tuuk. C'est un éminent commerçant hollandais, notre rêve est de partir tous les deux là bas...
- Je souhaite que cela arrive.
La rousse lui sourit en retour. Ils descendirent de la chambre pour se rendre dans le salon afin de discuter plus amplement. Eric se demandait si il n'était pas en train de tomber amoureux du séduisant russe. Son cœur s'accélérait quand il le voyait et il se sentait plus idiot qu'une paire de souliers. La comparaison fit rire la jeune femme mais elle ne pu lui donner de véritable réponse, peu sûre quand au fait qu'un homme puisse tomber amoureux d'un autre. Le désir physique oui, bien évidemment elle ne pouvait le nier mais sinon... Elle avouait son ignorance. Sur insistance du jeune comte, Gabrielle finit par lui raconter son histoire avec Hencke.
La première fois qu'elle l'avait vu, elle était sur le port pour accueillir une créole mais elle croisa cet homme tout d'abord. Il l'avait abordé avec élégance et délicatesse, se présentant sans prétention. Intimidée, elle eut du mal à répondre mais y parvint finalement. Ils discutèrent un long moment, tout deux sur le port, oubliant même leurs missions personnelles tant ils étaient absorbés l'un par l'autre. Ce ne fut que lorsque la créole en question osa approcher qu'ils se rappelèrent leurs devoirs cependant avant de se quitter, Hencke exigea de savoir où la trouver. Gabrielle baissa les yeux et tritura ses mains, tentant de le convaincre qu'il ne voulait pas le savoir. Il insista, refusant de les laisser partir sans avoir la réponse. A contrecœur, elle répondit.
- Au Doux Plaisir. C'est un bordel très connu de Paris... Et très cher...
- Très bien, je vous y retrouverais.
- Pardon?
- Je vous y retrouverais Gabrielle. Je vous le promets.
Ses grands yeux bleu sombre se troublèrent mais elle ne dit rien de plus, entraînant avec elle la créole pour aller prendre une calèche afin de rentrer. Elle soupira, elle pensait que si cet homme venait, il ne viendrait que pour payer son corps comme tant d'autres. Ça ne changeait rien, c'était toujours pareil. Gabrielle de Toussus n'était qu'une fille de bourgeois à la famille hélas trop nombreuse. On l'avait confié à un cousin éloigné qui l'avait donné à Madame Rose-Marie. Heureusement, si on pouvait dire, sa beauté lui avait permit de tomber dans un bordel du haut du panier. Des filles et des clients propres autant de corps que d'esprit. Elle rencontrait le beau monde de Paris et de Versailles, des gens de la haute noblesse. Elle avait également le droit de discuter avec eux ou de les accompagner dans les soirées. Gabrielle était donc habillée des meilleures étoffes, instruite par les grands esprits en manque de compagnie... Bien sûr il y avait aussi des clients peu intéressants, simplement là pour rentrer leur sexe dans le sien mais la plupart n'étaient pas si désagréables. Madame Rose-Marie triait avec attention. Quelques jours plus tard pourtant, Hencke entra et demanda immédiatement à voir Gabrielle. Rose-Marie enquêta sur lui avec un long interrogatoire puis après avoir posé l'argent, elle fit descendre Gabrielle pour vérifier qu'elle le connaissait. En voyant ses yeux s'illuminer, elle comprit que oui. Elle les laissa donc monter et Hencke ne redescendit que deux heures plus tard, parfaitement habillé et coiffé, tout comme Gabrielle. Il avait payé sans sourciller le prix d'une baise mais n'avait fait que l'embrasser. Un impuissant? Peut-être. Mais il revint souvent et régulièrement, ne demandant que Gabrielle, payant chaque fois mais ne la touchant pas. Finalement un jour...
- Je dois repartir en Hollande.
- Vous m'abandonnez donc?
- Non, je vais vous écrire et je reviendrais dans quelques mois.
- Le promettez-vous?
- Je le jure.
Ce soir là ils firent l'amour pour la première fois, avec amour et tendresse, prouvant cette complicité qui s'était nouée entre eux. Quand il parti au matin, il caressa son visage avec tendresse et elle le regardait, les larmes aux yeux. Il l'embrassa doucement puis se détacha d'elle à regrets, se rhabillant puis repartant. Gabrielle se rhabilla ensuite, retenant à grande peine ses sanglots.
Revenant au présent, Gabrielle affirma qu'elle avait échangé beaucoup de lettres avec Hencke et celui-ci lui avait dit qu'il allait bientôt prendre un bateau depuis la Hollande pour venir jusqu'au Havre. Ensuite il voyagerait jusqu'à Paris pour enfin venir la chercher. Eric lui sourit et lui souhaita chaleureusement que son rêve se réalise, à savoir partir avec lui en Hollande pour s'y installer et former une famille. C'était une belle histoire d'amour si elle se poursuivait et il commençait à rêver d'amour lui aussi. Avec ce russe? Il l'ignorait. Mais cette pensée aussi douce pouvait-elle être le perturbait beaucoup. La religion réprimait déjà le sexe en lui-même et lui prenait beaucoup de plaisir à coucher avec des femmes. Des femmes mariées, c'était pire encore. Mais pire que tout, il avait couché avec un homme et ça, c'était vraiment mauvais. Il songeait à aller à confesse mais sans doute que ça ne serait pas une bonne idée. Il accumulait les erreurs mais il ne se sentait pas si coupable que ça. Après tout, le toit de Mozac était en très bonne voie dans sa restauration et si il continuait ainsi, tout le domaine pourrait être rénové. Rien que pour cela, ça valait le coup de condamner son âme. Au moins aura-t-il sauvé le domaine familial et soulagé les peines de ses parents.  

Le mignon de VersaillesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant