Partie 5

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Eric s'étira tel un chat heureux, savourant les caresses de la main se promenant sur son dos. Il tourna légèrement la tête et sourit avec affection en voyant le visage du russe, qui lui aussi le regardait.
- Un bal disais-tu?
- Un grand bal masqué à Versailles oui, avant les grands remue ménage de Noël et la Nouvelle Année.
- Oh je vois. Je suppose que tu y es invité.
- En effet mais je n'ai pas de cavalière.
Eric haussa un sourcil clair, roulant sur le dos pour que la main câline caresse son ventre encore légèrement humide de leurs ébats précédents.
- Toi Dimitrei, diplomate et bel homme, tu n'as pas de cavalière?
- En fait, il y a bien une damoiselle que je voudrais inviter. Elle serait parfaite à mon bras.
- Qui est-ce?
- La belle Emmanuelle.
Le concerné rougit mais ne déclina pas. Après tout, la duchesse d'Étampes ne portait plus d'intérêt aux hommes depuis l'annonce de son mariage. Aussi, cela lui laissait le champ libre. Restait un souci.
- J'ai des bijoux et un masque de velours mais une robe pour un grand bal de Versailles... Je n'ai jamais eut de cadeaux aussi onéreux.
- Alors je vais te l'offrir.
- Dimitrei!
Il s'était redressé soudainement, les rapprochant d'autant plus. Leurs nez se frôlèrent mais aucuns des deux ne recula, rivant leurs yeux. Les grandes mains du russe continuaient de caresser sa peau, son dos, ses bras, son ventre parfois ses cuisses qui dépassaient des draps.
- J'ai une rente très conséquente de la part de la Tsarine. Ainsi qu'une de ton Roi dans sa grande générosité. Je ne m'en sers pas souvent alors laisse moi t'habiller. C'est un réel plaisir pour moi.
Eric soupira profondément mais fini par hocher la tête. Les invités tireront sûrement la conclusion suivante: Emmanuelle était la favorite du diplomate Dimitrei Orlov, l'envoyé à la cour de France de Catherine II, tsarine de toutes les Russies. Une place oh combien convoitée par bon nombre de jeunes filles à marier ou d'épouses en mal d'amour ou de pouvoir. Voire même les deux. Le bal terminé, Eric allait rentrer à la maison en compagnie de Malia. Il était d'ailleurs heureux de revenir, afin de voir les restaurations du domaine mais aussi simplement voir ses parents. Il avait de plus, beaucoup de cadeaux à leur donner. Il ignorait cependant comment ses parents allaient réagir en voyant Malia ni comment le concerné allait lui-même réagir à cet environnement complètement différent. Avec de la chance, l'environnement plus naturel et les lieux moins immenses pourraient le mettre plus à l'aise que les fastes grandioses du château ou les jardins hyper structurés.

Les cheveux noirs de la duchesse furent soigneusement cachés sous une perruque blanche, dont une mèche s'échappait élégamment en une boucle délicate. On y posa une couronne de roses tendres et de grosses fleurs violettes dont quelques feuilles étaient savamment piquées ici et là. Autour de son cou se trouvait des lignes de délicates dentelles blanches. Le corset et les manches courtes étaient d'un rose pâle et le centre du corset vert émeraude. La jupe était divisée en quatre sections. En haut à gauche c'était un tissu jaune paille, parcouru de bandes de soie violette froncée sur laquelle était piquée de petits bouquets de lavande, venue des serres. Idem pour la partie en bas à droite. Ensuite en haut à droite c'était le même tissu rose que le haut, froncé et parcouru d'un ruban émeraude, gonflé par les dentelles blanches, la partie basse à gauche reproduisant le même effet. C'était une robe très travaillée et éphémère à cause des fleurs naturelles, beaucoup plus belles que celles en tissus. Et cela montrait d'autant plus la richesse de celle qui la portait. Antoinette soupira légèrement une fois que les dames se furent éloignées, ayant terminé de l'habiller et pomponner. Y comprit jusqu'à ses magnifiques souliers jaune soleil brodés de fils d'or. Ses yeux gris se portèrent sur la vitre, à moitié caché derrière le rideau de velours. Elle regarda ensuite le masque de satin blanc, cousue de perles nacrées formant de complexes arabesques. L'une des filles avait rajouté une plume mauve dans un coin pour l'accorder à sa tenue.
Elle sursauta quand on frappa à sa porte, elle entendit celle-ci s'ouvrir mais ne se retourna pas. Elle attendait, anxieusement, de savoir quelle voix allait prononcer son prénom. Enfin, si on pouvait dire...
- Ma chère Antoinette, je suis ravi d'avoir eut la fraîcheur de vous voir en premier.
Elle se leva lentement et se retourna comme au ralentit. Il était là, grand et blond, avec une moustache impeccable et des yeux bruns brillants. Tel un automate, elle leva sa main pâle et elle ne frémit pas quand la main de l'autre la lui prit et que ses lèvres frôlèrent très poliment sa peau.
- Dieu doit m'aimer pour m'avoir ainsi donné le privilège de vous avoir pour fiancée.
- ...
- Madame?
- Dieu est générosité et miséricorde.
- Des mots exquis Madame. Laissez-moi nouer pour vous votre masque et nous irons danser.
Antoinette ne dit rien, ramenant seulement sa main à elle. Elle ferma les yeux quand il s'approcha pour poser le masque sur son visage de poupée. Nicolas d'Aubervilliers portait une tenue argentée, brodée d'or et avec des boutons en forme de roses d'argent. Une tenue vraiment belle et élégante, il fallait l'avouait. Elle se força à ne pas froncer le nez sous la forte odeur de parfum qui se dégageait pourtant de lui et fut soulagée quand il s'écarta enfin.
- Vous êtes parfaite, ma mie.
- Je vous en remercie chaudement.
Il n'y avait pourtant pas une seule once de chaleur dans sa voix. Elle avait l'impression subite de comprendre ce que pouvait ressentir la génisse que l'on présente au boucher avant qu'il ne la tue. Elle savait que Paul serait là ce soir et qu'il avait un plan. Un plan dangereux dans lequel était impliqué Armand. Le couple arpenta les couloirs, suivit des dames de compagnie et ils arrivèrent dans l'immense salle de bal, superbement décorée et illuminée par des centaines de bougies dont la flamme se reflétait en prismes dans les lustres de cristal. La musique résonnait mais était pour le moment encore discrète. Avant la danse réelle il fallait d'abord subir le bal des courtisans.

Malia était resté sagement dans l'appartement parisien de son maître mais il se sentait seul. Il s'était habitué à la présence de celui-ci et du coup, ça lui faisait étrange d'être séparé de lui. Mais il savait, ou du moins avait-il deviné, que la réception où il se rendait n'était pas destinée à ce qu'il y participe.
Les cheveux de Emmanuelle étaient libres de toute perruque, étant bouclés savamment pour être à la fois gonflés et jolis. Elle portait une sorte de petit chapeau épinglé sur ses cheveux, divisé en trois couleurs: vert, bleu et rouge. Une plume de chaque couleur y était plantée en complément. Elle portait une très belle robe d'un jaune soleil, les manches étaient en forme des pétales, le bout étant peint en bleu. Le corset soulignait la finesse de la taille par deux rubans rouges et la poitrine était mise en valeur par des bandes de soie verte. Les manches plus collées à la peau étaient rouges, cousues de fleurs aux coudes et rayées de vert aux poignets. La robe présentait une petite cape jaune, doublée de bleu à l'intérieur. La jupe jaune était brodée et souligné de dentelle ainsi que d'une grosse rose rouge ornée d'un ruban bleu mais la jupe était tronquée, laissant voir dessous le tissu rose pâle parcouru de soie orange roulée ainsi que d'une bande de dentelle reproduisant les broderies et la rose rouge du dessus. S'admirant dans le miroir en pied de la comtesse de Blois, Emmanuelle était bouche bée.
- Vous êtes absolument sublime.
- Merci beaucoup, Ophélie...
- Cette robe a dû coûter des centaines de pièces, peut-être même des milliers...
- Quand il m'a dit qu'il voulait me payer une robe de bal Madame, je ne m'attendais pas à une telle merveille.
- Heureusement elle s'accordera avec votre masque rouge. Sinon je vous en aurait prêté un.
- Merci encore.
- Vous allez les émerveiller par votre beauté.
Emmanuelle rougit, croisant les mains pour reprendre un brin de confiance en elle. Une petite voix lui fit relever les yeux.
- Jolie...
Elle sourit et fit une révérence par égard à ce compliment. Le tout jeune Simon était à moitié planqué derrière le chambranle de la porte du boudoir, les yeux brillants devant cette femme plus magnifique que tout. Sauf Maman, parce que bien sûr, Maman sera toujours la plus belle. Justement, Ophélie gloussa puis renvoya son petit à sa propre chambre, lui promettant de venir le voir très vite. Un coup d'œil à l'heure lui indiqua que la belle Emmanuelle de Mozac allait bientôt lui fausser compagnie pour aller rejoindre le gentilhomme qui serait son cavalier.
Ses yeux bleu clair étaient saisissants sous le masque noir, ses cheveux blonds brillant sous les lumières, noués par un ruban noir lui aussi. Il portait une tenue bleu de minuit et bleu roi, brodée d'argent en arabesques compliquées. Il suintait l'élégance et la richesse par tous les pores de la peau. Emmanuelle se sentait presque trop colorée près de lui, comme déguisée pour se produire dans un opéra.
- Tu es la plus sublime des créatures...
Elle rougit instantanément à l'entente de ces mots chuchotés à son oreille. Dimitrei la mena par le bras à travers l'immense salle, souriant aux personnes dont le diplomate était la connaissance. Et ils passèrent une bonne paire d'heures à faire le tour de tout ceux voulant discuter avec le russe. Pour se faire mousser la plupart du temps mais parfois pour affaires aussi. A présent, Emmanuelle savourait un verre de vin raffiné et sucré. Un vin de femme. Eric buvait du vin plus fort en arôme et en alcool. La différence des genres pouvait se couler partout dans la société après tout mais à titre personnel, le vin sucré avait sa préférence.
- Le buffet est somptueux.
- Mangeons et buvons, après nous danserons.
- Oui. La duchesse est là?
- Bien sûr mais ne crains rien, c'est un bal masqué après tout. Cela ne te rappelle rien?
Emmanuelle cacha ses nouvelles rougeurs derrière son éventail, se rappelant en effet de leur première rencontre à un autre bal masqué.

Armand portait un costume blanc très simple, brodé de bleu clair ici et là pour que ça ne soit pas trop passe-partout non plus. Il fallait un certain standing. Paul pour sa part était tout en noir et argent, le rendant mystérieux à souhait. Tout deux arpentaient l'immense salle de bal afin de trouver Antoine et de le faire sortir de ce guêpier géant. Comment le retrouver, ils ignoraient quelle robe il portait? Eh bien en trouvant le comte Nicolas d'Aubervilliers. Un couple récemment fiancé se devait de pavaner après tout. Finalement, Paul réussit à les trouver et il se dirigea immédiatement vers eux avec un grand sourire.
- Monsieur Nicolas! Très chère Antoinette. Quelle chance de vous avoir reconnu!
- En effet, monsieur?
- Marquis de Plaisir.
Une lueur vacillante sembla illuminer le gris terne des iris de la jeune femme à l'entente de cette voix. Paul analysa vite que plusieurs femmes étaient collées au comte, tentant de lui faire voir leurs charmes.
- Monsieur, ces dames semblent pressées de vous parler. Puis-je emprunter votre fiancée pour la féliciter comme il se doit?
C'était une demande très polie et il aurait sembler bizarre de la refuser. Le blond retint un commentaire arrogant et céda le bras d'Antoinette au marquis, qui s'empressa de faire quelques pas avec elle. Il ne pu les suivre car les dindes gloussantes fondirent sur lui. Qu'il était difficile d'être populaire à Versailles...
Ayant remarqué du mouvement, Armand était parti se poster à sa place soit caché derrière l'un des buissons savamment taillé du jardin. Paul avait fait des tours et détours à travers la salle avant de sortir sur les balcons extérieurs.
- La nuit est tombée, parfait.
Leurs souffles provoquaient des volutes de buée dans l'air glacial de décembre.
- Antoine, Armand est caché là bas, rejoins le vite.
- Je ne sais pas si je pourrais...
- Antoine, te rend-tu comptes qu'il peut finir pendu pour ce qu'il est en train de faire pour toi?
- Je n'ai rien demandé.
- Passe ce balcon ou je te jette par dessus! Dépêche toi!
Antoine remonta alors ses montagnes de jupons puis aidé de son ami, il passa par dessus et atterrit en sécurité sur l'herbe. Paul lui lança une cape noire, préalablement cachée, afin qu'il se couvre et se fonde dans la nuit. Antoine installa ladite cape puis marcha rapidement en direction de la zone du jardin indiquée. Paul quand à lui retourna rapidement à l'intérieur pour se mêler à la foule et faire des yeux de biche aux dames qui le voulaient.
Armand se saisit de la main d'Antoine et ils coururent aussi vite que possible, ignorant tout deux les bruits de déchirement des tissus coûteux de la robe. Ils trouvèrent le cheval laissé là, déjà préparé grâce à un bon pot de vin bien placé et le soldat aida son ami à se hisser sur l'animal. Il monta derrière et lança le cheval à bride abattue, direction le domaine de Montlhéry.

Emmanuelle était dans les bras de son cavalier, dansant et tournoyant gracieusement. Sourire aux lèvres et les yeux brillants, elle rayonnait d'une joie innocente. Et cela faisait beaucoup d'envieux qui crevaient d'envie de l'arracher des bras du diplomate pour poser leurs doigts crochus sur cet ange. En effet, la rumeur s'était répandue en voyant sa si belle tenue que la jeune Emmanuelle avait été conquise par le russe et qu'il en avait fait sa favorite officielle.
- Ils veulent tous t'avoir.
- Peu m'importe, je suis ta cavalière.
- Je vais devoir accorder quelques danses à certains hautes dames, pour la politique. Ils en profiteront pour te demander de leur accorder cette faveur.
- Je le ferais mais seulement à ceux que je connais.
- Oui, soit prudente.
Ils continuèrent à danser pendant plusieurs minutes, toujours aussi beaux et élégants. Un couple à la beauté harmonieuse, impossible à nier. Ils se saluèrent quand la danse prit fin puis Dimitrei s'éloigna pour aller voir quelques dames et Emmanuelle se dirigea alors vers les tables pour reprendre à boire. Un homme proche s'empressa de lui donner un verre de vin sucré avec un sourire suave. Elle le prit avec un gentil sourire.
- Merci beaucoup.
- Pourrais-je avoir le grand honneur d'une danse?
- Bien sûr.
Elle passa de bras en bras, sa tête tournait à la fois des danses et de l'effet des verres de vin. La nuit était devenue profonde là au dehors, ce qui accentuait encore plus l'impression d'irréelle de cette salle de bal avec ses lustres de cristal, ces centaines de bougies, ces belles robes et ces élégants messieurs, ces plumes, ces masques et ces parfums... Irréel, oui, tellement irréel... Et pourtant Emmanuelle savait que ce décor de conte de fées était devenu sa réalité.
Elle gloussait alors que Dimitrei la ramenait tant bien que mal à ses appartements. Elle ne marchait plus droit, son haleine avait des relents de vin et de sucre, ce dernier étant du aux nombreuses confiseries englouties. Le diplomate fut soulagé d'être arrivé chez lui, laissant Emmanuelle s'écraser en un froissement de tissus sur le lit confortable. Celle-ci éclata de rire, se tenant les côtes comme si c'était le fou rire du siècle. Amusé, il la regardait de toute sa hauteur.
- Eh bien, eh bien, Madame... Voilà qui manque de dignité.
- Cela m'importe peu Monsieur.
- Je le constate.
Il enleva son masque, desserra son col et s'assit près de sa cavalière. Celle-ci se redressa difficilement, à la fois à cause de son état d'ébriété et de la robe volumineuse. Ses joues étaient rouges, même à la lueur faiblarde de la chandelle.
- Eh, Dimitrei...
- Oui?
- J'adore coucher avec toi.
- Moi aussi, répondit-il en contenant difficilement son rire.
- Mais je t'aime pas. Je te déteste pas, t'es mon ami. Mais je t'aime pas.
- Je le sais, c'est pareil pour moi.
- Y a autre chose...
Le blond haussa un sourcil tout en continuant à se mettre à l'aise, enlevant manteau et justaucorps pour ne garder que ses culottes et sa chemise. Il sentit la tête d'Eric se poser sur son épaule, ses cheveux décoiffés venant le chatouiller. Il inclina la tête pour s'appuyer contre lui à son tour. C'était une position confortable, affectueuse.
- Malia... Il est beau. Je le veux.
- Il t'appartient, qu'est-ce qui t'en empêche?
- Il comprend pas quand je lui parle alors ça...
- Le sexe se passe de langage.
L'autre marmonna une chose qu'il ne comprit pas puis son poids se fit plus lourd. Visiblement, son ami aviné s'était endormi contre lui. Quel dommage, il aurait adorer jouer de son corps avant la séparation. Cela étant, il se félicitait de son choix de robe, on avait eut de cesse de l'admirer. Dimitrei était assez vaniteux pour vouloir prouver à tous que la plus belle personne était à son bras et encore plus magnifiée par ses soins. C'était une fierté personnelle plus qu'autre chose. Il mit à l'aise autant que possible l'endormi, en ayant enlevé autant que possible de couches. Eric dormait donc en chemise et sous-jupons, ses belles jambes toujours galbées par les bas de soie.

Malia termina de plier les vêtements et les rangea dans la malle de voyage. Son maître quittait l'appartement parisien avec toutes ses affaires, il en avait déduit que c'était un voyage important. Lui-même allait partir avec lui. Ce détail lui fit plaisir et le rassura, il n'aurait pas aimé rester seul pendant il ne savait combien de temps avec Monsieur François.
-Tu es prêt Malia?
Il se retourna vers son maître et lui sourit, indiquant la malle fermée.
- Bien, merci. Il va falloir descendre tout ça en bas mais avant, il faut se couvrir pour le froid.
- Froid dehors.
- Exactement et nous en avons pour plusieurs jours de route.
Le serviteur enfila donc le chaud manteau que lui tendit l'autre, reconnaissant qu'il se fasse tant de soucis pour lui. Il aurait pu ne lui donner qu'une simple cape de laine. Eric enfila à son tour son manteau bordé de fourrure puis son chapeau. Il prit sa bourse et laissa le soin à Malia de porter la malle jusqu'en bas, ce que fit ce dernier naturellement. Ils s'installèrent dans la calèche et celle-ci se mit en branle. La veille, Eric avait été salué Ophélie et les enfants, leur souhaitant de bonnes fêtes de fin d'année. Il était normal qu'il rentre pour voir ses parents et honnêtement, il était ravi de revoir sa chère campagne, sa si belle Auvergne. Le jeune immigré lui, contemplait le paysage à travers les vitres, son souffle créant de la buée sur cette dernière. Peut-être que son maître avait froid? Il vit une couverture pliée sur la banquette et il la prit pour la mettre sur les genoux d'Eric. Ce dernier fut d'abord surprit puis touché. Il était adorable et très serviable.
- Merci, Malia.
L'entendre le remercier si gentiment lui faisait toujours chaud au cœur.
Quand il ouvrit ses prunelles ambrée, celles-ci lui indiquèrent qu'il faisait déjà nuit dehors et il remarqua qu'il portait une couverture. Eric lisait un quelconque papier à la lueur d'une lanterne de voyage suspendue à un crochet.
- Maître Eric?
- Tu es réveillé Malia? Nous allons bientôt nous arrêter dans une auberge.
Le jeune homme ne dit rien, hochant juste la tête. Une quinzaine de minutes plus tard, il aperçu de la lumière et distingua une grande maison. La calèche s'arrêta, le cocher aida Malia à porter la malle à l'intérieur pendant que Eric payait une chambre pour lui et son domestique. Le cocher pouvait payer par lui-même puisque c'était comprit dans le prix du voyage. Ils mangèrent puis montèrent à l'étage où ils dormirent d'un coup. La même chose se reproduisit le soir suivant et celui d'après. Ils devraient arriver au domaine de Mozac dans la journée suivante. Justement pour cette dernière nuit entre eux deux, Eric avait décidé d'en profiter. Il avait apprit à Malia pendant le voyage à jouer aux cartes et ils faisaient une partie là tout de suite. Malia perdit, encore une fois.
- Quel prix pourrais-tu donner?
- Un prix?
- Oh je sais! Je veux un baiser.
- Bézè...?
Cette prononciation atroce le fit rire. Son vis à vis sourit, comprenant que ce n'était pas grave si il n'avait pas comprit. Avec la bonne chaleur de la cheminée et la bière bue, l'ambiance était agréable. Eric rangea les cartes en un tas ordonné puis se pencha vers son domestique qui ne recula pas, le fixant simplement. Eric posa sa main sur sa joue et il le sentit légèrement tressaillir.
- Je ne te veux pas de mal.
Rassuré, il ne bougea donc pas. L'homme aux cheveux blonds paré de roux se rapprocha encore et pencha la tête, leurs nez se touchèrent puis leurs bouches se trouvèrent. L'ottoman voulu reculer mais Eric le retint. C'était un simple baiser, un petit bisou sans prétention. Malia avait sentit ses joues rougirent et son cœur battre plus fort. Les baisers c'étaient pour les couples et encore, c'était dans le cas où on voulait.. enfin...faire «ça» quoi... Non? Peut-être qu'ici c'était différent?
- Désolé, j'ai du te faire peur. Ou te rebuter.
Eric semblait malheureux. Et ça ne lui plaisait pas. Il lui prit la main, la posant contre son cœur. Le français eut un moment d'hésitation puis sourit en sentant ce battement affolé.
- Tu veux un autre baiser?
Il lui demandait si il voulait recommencer. Il réfléchit quelques secondes puis Malia ferma les yeux, sa main serrant un peu plus celle qu'il tenait. Le jeune comte se pencha alors et le ravit à nouveau, l'embrassant plus franchement. Sa main libre tenait la nuque de Malia, le maintenant proche de lui pour mieux profiter de sa bouche. Une bûche craqua dans la cheminée, le brun se rapprocha de l'autre, l'enlaçant de ses bras alors qu'il fondait sous la langue experte de l'autre. Ils se séparèrent finalement sous le manque d'air mais ne s'éloignèrent pas, comme aimantés l'un par l'autre. Il leur fallait profiter car là bas, avec les parents de Eric dans le coin, ils ne risquaient pas e s'aventurer à ce genre de choses. Eric le mit au clair d'ailleurs.
- Pas de baiser si nous ne sommes pas seuls.
- Bézè avec Maître, seul Malia et Eric.
- Oui, c'est exactement ça.
Tellement adorable ce garçon... Que Dieu lui pardonne ses nombreux péchés et qu'il lui pardonne d'entraîner cet innocent avec lui.

Honoré Ferdinand de Saint Germain des Fossés et sa belle épouse Marie Adélaïde de Seuillet étaient en émoi de retrouver leur unique enfant, leur fils prodige qui revenait au foyer. Ils savaient qu'il s'était créé de bonnes relations à Paris et Versailles, grâce à elles, il avait pu envoyer de l'argent à la maison, beaucoup d'argent. Le domaine de Mozac avait retrouvé son éclat, le toit ne fuyait plus, les écuries non plus. On avait pu poser de nouvelles fenêtres et refaire de la décoration. Tout ces travaux avaient rendu heureux les paysans qui étaient engagés pour les réaliser, leur permettant de gagner leur pain. La famille noble était déjà bien vu auparavant mais dorénavant, elle était encore plus appréciée. Quand la calèche entra dans la cour pavée, les domestiques sortirent sur le parvis, ouvrant les portes et s'organisant pour récupérer la malle et les manteaux. Honoré et Marie sourirent à leur fils qui leur sourit en retour. Eric s'inclina devant son père puis prit la main de sa mère pour l'embrasser. Elle le laissa faire mais dès qu'il eut finit, elle le tira à elle pour le serrer contre son cœur.
- Mon enfant! Mon fils chéri, tu es devenu si beau.
- Eric, qui est cet autre garçon?
- Oh oui. Malia, approche.
Il fit un signe de la main et le dénommé s'approcha avant de faire une profonde révérence qu'il avait apprise à faire à la cour royale.
- Père, Mère, voici Malia. Il est originaire de l'empire Ottoman et je l'ai prit à mon service. Il est mon domestique personnel.
- Comprend-t-il le français?
- Pas tout à fait mais il progresse vite et peux exécuter des tâches simples. Il est dévoué et très serviable, vraiment.
- Dans ce cas, il est le bienvenu.
Honoré fit un signe à l'un des domestiques qui indiqua à Malia de le suivre. Après un regard envers Eric, il obéit sans faire d'histoires. La famille se réunit dans le salon et discuta longuement tout en buvant et mangeant, chacun prenant des nouvelles des autres. Eric avait des milliers de petites histoires à raconter ce qui enchantait ses parents. Sa mère lui demandait la mode et les histoires de dames, son père lui demandait les politiques en cours. Il fut grandement impressionné de savoir que son fils fréquentait souvent le diplomate envoyé par la Russie. Le fils de campagne avait fait un long morceau de chemin depuis son départ de la maison familiale.
Ils allèrent à la cathédrale du coin, soit Notre Dame de l'Assomption, qui même si elle n'était pas entièrement terminée, la chapelle allait tout de même accueillir la grande messe de Noël. Eric comprenait aisément que Malia soit impressionné par toute cette splendeur. Lui-même l'était encore et pourtant, il y venait de tous les ans. Soudain il se posa une question mais la réponse lui était connue, Malia était ottoman, il était donc de religion barbare.
- Ne dis pas un mot. Écoute le sermon de l'évêque mais ne dit rien sur Dieu.
- Dieu de France ou Dieu de Malia?
- Chut! Silence! Pas un mot.
Surprit de cet accès d'autorité, il s'inclina bien bas et promit de ne rien dire. Il savait que les querelles pour savoir quel Dieu était le mieux durait depuis des siècles. Le commerce était certes florissant mais ça n'effaçait pas les massacres des croisades. Massacres d'un coté comme de l'autre de la barrière, entendons-nous bien. Il s'assit près de Eric, lui-même assit près de sa mère qui était proche de son père. Il aurait dû être des rangs plus loin, absolument pas au milieu de la noblesse mais Eric, et à juste titre, voulait le garder près de lui pour le surveiller. La messe de Noël était comme toujours somptueuse mais très, très longue. Pourtant, Malia se tint de façon impeccable alors qu'il ne devait absolument rien comprendre de ce que l'homme de foi déblatérait en latin depuis des heures. Peut-être se passait-il le temps en admirant les vitraux, les statues et les diverses sculptures. Vint le moment de la grande quête pour les pauvres, chacun des riches présent déposant quelques pièces ou d'autres choses. Malia n'avait rien mais il tira de sa poche une sorte de bague et la posa dans le panier. Un simple anneau en cuivre qui ne rapporterait probablement rien mais Eric fut très touché de ce geste.
- Dieu si tu m'entends, protège ce garçon qui fait l'aumône de bon cœur dans un temple de prière qui n'est pas le sien. Amen.
Une prière silencieuse mais qui venait du plus profond de son âme. Deux semaines plus tard se reproduisit le même schéma pour la nouvelle année et encore une fois, tout se passa à merveille. Ils repartiraient pour Paris que dans quelques jours, Eric souhaitant profiter de son domaine et de son écrin de nature. Malia le comprenait, lui-même se sentait bien mieux ici dans ces forêt de conifères et dans les champs, pour le moment seulement des étendues de terre. Cet endroit serait sûrement magnifique pour le printemps et pendant l'été entre vastes plaines d'émeraude et rivières cristallines glougloutantes. Il avait hâte d'y revenir. Versailles était sublime mais tout était trop. Trop de gens, trop de parfums, trop d'odeurs en général, trop de secrets, trop de confusion, trop de tout. Paris puait. Et ses ruelles faisaient peur pour la plupart. Le domaine de Mozac lui semblait bien plus agréable. Cependant, tant qu'il était avec son maître, il serait d'accord pour vivre n'importe où. Enfin, il ne serait pas contre un peu de chaleur, ça faisait vraiment froid ici. Il sortit de ses pensées quand on frappa à la porte de bois de sa chambre située dans les combles. Il prit sa chandelle à main et vint l'ouvrir, découvrant avec surprise son maître et non pas l'un des domestiques de la maison. Il s'écarta pour le laisser entrer.
- Je t'ai apporté une autre couverture. J'ai pensé que tu devais avoir froid.
- Froid oui.
Eric posa la couverture puis se retourna vers Malia, s'approchant de lui pour le serrer dans ses bras. Le jeune homme soupira de contentement, enlaçant en retour son maître, savourant sa chaleur et son odeur. Eric sentait naturellement bon même si parfois quand il revenait de ses journées sans lui, il sentait les fleurs. Sans doute qu'il s'était frotté à une femme. Lui n'en était pas une alors pourquoi l'embrasser.
- Eric, bézè? Hm... baiser?
Il avait fait un effort de prononciation. Adorable... Eric sentait son cœur déborder de plus en plus. Malia fut plaqué contre le mur, ses mains au dessus de sa tête alors que ses lèvres se faisait dévorer. Il gémit légèrement, excitant son vis à vis sans le savoir. Le comte reprit ses esprits puis se décala, le souffle court. Il devait se calmer, il pourrait lui faire l'amour vu comment c'était parti mais il préférait attendre. Au moins jusqu'à ce qu'ils soient tranquilles dans leur appartement parisien, de préférence un jour où François d'Ambert n'était pas présent.
- Patience Malia... Bientôt je te ferais l'amour.
- Amour?
Il n'était pas sûr de comprendre mais déjà, son maître repartait après un dernier bisou. Malia se coucha dans son lit, tirant les deux couvertures sur lui mais il se sentait gêné. Frottant ses cuisses entre elles pour tenter de calmer ses ardeurs, sans succès.  

Le mignon de VersaillesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant