(Suite du précédent)
Le lundi matin, au lycée. Je suis arrivée à l'heure, pour une fois. Neuf heures, première interclasse. Les couloirs sont bondés, et des embouteillages se forment là où une classe en rang bloque le passage. Je marche vers ma salle de cours, avec l'étrange impression que les gens me dévisagent.
Je réfléchis : est-ce que je me suis habillée ce matin ? Mais oui, il me semble bien. Coiffée ? Presque. Pas de quoi en faire un drame. J'ai même fait l'effort de me maquiller un tout petit peu les yeux. Je ne vois vraiment pas ce qui pourrais susciter l'intérêt...J'arrive devant ma classe et retrouve mon amie Aloma. Je me poste à côté d'elle pour attendre le professeur et on commence à discuter de nos week-ends respectifs. Deux filles de ma classe, debout juste à côté de nous, parlent entre elles à voix basse en nous jetant des regards en coin.
- Euh, Aloma ? Est-ce que j'ai une pustule sur le nez ou un nid d'oiseau sur la tête? je demande à mon amie.
- Quoi ?
- J'ai la vague impression ce matin que les gens du lycée me fixent mais je ne parviens pas à savoir pourquoi.
- Mais nan, n'importe quoi !
À ce moment, un groupe de garçons et de filles de seconde passent à côté de nous, me voient et se mettent à rire et à s'agiter. J'entends même un "c'est elle !" et un "la goudou".
Je me tourne de nouveau vers Aloma.
- Et eux alors ? C'est la prof qu'ils traitaient de goudou ? je m'exclame.
Un peu trop fort puisque notre professeure, qui vient d'arriver, nous jette un regard mauvais en ouvrant la porte de la salle.
- Alors là je comprends pas... me dit mon amie. T'as pourtant la même tête de brindille que tous les jours et ça choque que moi d'habitude !
- Hé ! je proteste, et nous rions toutes les deux en rentrant dans la classe.
On s'asseoit au deuxième rang et le cours commence. Je me sens vraiment mal à l'aise. C'est comme si les élèves de la classe chuchotaient tous mon nom à tour de rôle, et j'ai l'impression de pouvoir sentir leurs regards sur mon dos.
Lorsque la fin du cours sonne, je me lève d'un bond et sort presque en courant. Mon amie m'entraine vers la cour, mais après quelques minutes passées dehors, j'ai de nouveau cette désagréable impression de tous les regards braqués sur moi, alors je la laisse avec d'autres amis et pars me réfugier au CDI.
Le CDI. Mon havre de paix. Sauf entre midi et deux où tout le monde s'y précipite parce qu'il n'y a pas de salle de permanence attribuée au lycéens. Mais à cette heure, il est plutôt calme. Quelques personnes travaillent aux différentes tables, seules. D'autres, sur l'ordinateur dès le matin, portent un casque sur les oreilles. Tous sont absorbés par leur activité. Aucun ne me regarde. Je soupire de soulagement et m'avachis dans un des fauteuils. Enfin tranquille !
Je m'installe confortablement, enlève mon manteau et mon sac. Puis j'extirpe mon téléphone de la poche de mon pantalon, saisis mes écouteurs dans mon sac et les plante dans mes oreilles avant de mettre en route ma playlist. Je laisse alors retomber ma tête sur le dossier, et ferme les yeux pour essayer de me détendre. De ne plus y penser. Et pourtant cela ne cesse de me tarauder : qu'est-ce que j'ai bien pu faire pour que les gens me regardent de cette façon ? Ou est-ce que c'est juste moi qui me fait des idées ? Est-ce que ça a un rapport avec Alex ? Et est-ce que... J'essaye de repousser toutes ces questions aux tréfonds de ma conscience, de penser à autre chose, de me laisser envahir par la musique. Je l'imagine entrer dans mes oreilles, à l'intérieur de ma tête, et se répandre dans tout mon corps en passant par mes veines, qui s'illuminent à son passage et au rythme de mon cœur calqué sur celui de la chanson, et j'imagine mes cheveux qui s'illuminent aussi... Et ça marche. Mon corps se détend doucement, les traits de mon visage, mes épaules, mes mains crispées sur mes genoux, et je me mets à briller de l'intérieur.
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Constellation
Random"Le rêve, c'est la roue libre de l'esprit." Pierre Reverdy Quand mon esprit part en roue libre, ça donne ça : une constellation de rêves, de fantasmes, d'idées, de fragments d'une vie imaginaire qui correspond plus ou moins à la mienne ; des choses...