Chute

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Je tombe. En chute libre.

Depuis le premier jour où tu m'as embrassée, ou peut-être un peu après, je ne sais pas exactement.

Au début, ça allait si lentement, c'était si doux, que je pouvais ne pas le voir, faire semblant de ne pas le sentir.

Mais j'en ai pris conscience, peu à peu, et puis brusquement et même douloureusement lorsque j'ai cru te perdre.

Je ne pensais pas m'attacher autant. J'ai tenté d'arrêter cette chute, de m'accrocher à ce qui passait, remonter la pente, arrêter le temps. "Ne t'attache pas, surtout ne t'attache pas". Mais plus on avance, et plus je chute, et plus j'ai à perdre si tu me quittes.

Si tu me quittes. J'ai l'impression de percuter le sol quand j'y pense. Mais je chute. Je tombe et je continue de tomber.

Des sons accompagnent cette chute dans le vide. Des chansons : la première que tu m'as fait écouté, sans même en comprendre les paroles ; ou celle que tu chantais tout le temps, au tout début quand le "toi et moi" s'était transformé en "nous" ; ou bien celle sur laquelle on avait dansé, cachées dans ma chambre, comme dans une sorte de transe, le soir de notre première fois ; ou encore cette chanson magnifique qui me fait penser à toi chaque fois que je l'entends... D'autres mélodies aussi : ton rire, le vrai, que je n'entends que très rarement ; ta voix, le matin, quand je me réveille à tes côtés ; ta voix, encore, qui me dit que tu me veux, que je suis à toi, que tu me trouves belle...

Il y a des odeurs aussi : l'odeur douce de tes cheveux, celle de ta peau, celle qui impregne tes vêtements, ou bien les draps le lendemain d'une nuit avec toi ; l'odeur de la cigarette, ou celle si caractéristique de ton tabac à la vanille...

Parfois ma chute ralentit, devient même agréable. Ce sont ces moments, où tu me prends dans tes bras et ne me lâche plus ; ces moments où tu me retiens quand je veux partir ; où tu me dis que je suis belle ; où tu m'appelles, complètement défoncée, pour me dire que tu penses à moi ; ces fois où tu me tiens la main, où tu m'embrasses, où tu me prends par la taille et me regarde dans les yeux ; ces moments de bonheur, où j'ai vraiment l'impression de compter pour toi. Je m'y accroche. Dans ces moments-là, je ne me sens plus seule dans ma chute.

Et puis d'autres fois, ma chute devient raide, abrupte, douloureuse. C'est quand tu me parles sans rien me dire, quand tu m'embrasses par automatisme, quand tu me regardes sans me voir. Tu ne me touches plus, ne me ressens plus, et j'ai presque l'impression de ne plus te connaître. Mais ça ne dure pas.

Et je tombe toujours. Je tombe, tombe, dans le vide, sans jamais m'arrêter.

Mais j'ai bon espoir, qu'un jour par un mot, une phrase, cette chute s'arrête. Peut-être, ces mots magiques, ces mots qui tuent, ces mots qui libèrent, ces mots qui font pleurer, qui font rêver, qui font sourire, qui m'empêchent de dormir, peut-être que si tu les dis...

Si tu me dis que tu m'aimes, alors peut-être qu'au lieu de tomber, je m'envolerai.

ConstellationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant