- Tu te souviens de la rose ?
- Ah oui, la rose... Celle qui a tout déclenché...
Elle est jolie. Elle est même très jolie. Je me fais la remarque chaque fois que je la croise dans les couloirs du lycée. Juste avant de me retourner pour voir ses fesses. Et elle a de très belles fesses.
Je ne sais même pas quand cette fille a commencé à me plaire. C'est allé progressivement, depuis le début de l'année scolaire. Dans les premiers temps, c'était juste « Ah tiens, elle est jolie » en la croisant dans les couloirs. Sans plus. Une fois, devant le lycée, j'étais avec un ami qu'elle connaissait et elle est venue lui dire bonjour et lui demander du feu. Elle m'a dit « Je m'appelle Alex ». Et elle est repartie. Ce prénom, aussi, a fait qu'elle a retenu mon attention. J'ai commencé à essayer d'en savoir plus sur elle. Je l'ai cherchée sur Facebook ; j'ai regardé ses photos. C'est là que j'ai découvert qu'elle avait eu les cheveux longs. Ils lui vont bien mieux courts. Je voulais la connaître. J'ai cherché, et trouvé, plein de moyens d'entrer en contact avec elle : des amis qu'on avait en commun, des amis d'amis qui pouvaient me la faire connaître, des endroits où l'on allait toutes les deux,... J'ai imaginé notre rencontre, de plein de manières différentes. Je me voyais aller lui demander une cigarette, puis engager la conversation et finalement lui rendre en lui disant que "je ne fume pas je voulais juste te parler". Mais même dans ma tête, je ne trouvais jamais rien d'intéressant à lui dire. Alors je n'y suis pas allée ; je ne lui ai pas parlé. Et j'attendais. Je continuais de la croiser dans les couloirs, de la regarder, et d'avoir ce sourire niais plaqué sur la figure dès que je l'apercevais. La voir, rien qu'un instant, au détour d'un couloir ou d'un des escaliers, illuminait ma journée. Mais elle ne me voyait pas.
Et puis j'ai eu l'idée de la rose. Les élèves du Conseil de Vie Lycéenne (CVL) organisent depuis quelques années dans mon lycée une distribution de rose annuelle pour la Saint-Valentin : pour la modique somme de 1,50 €, n'importe quel élève peut faire livrer une rose à la personne de son choix, avec un petit mot (ou non), et même anonymement s'il le souhaite. Les roses sont distribuées dans les classes au fur et à mesure de la journée.
J'ai donc décidé de lui envoyer une rose : puisque je n'avais pas réussi à lui parler en face, un mot anonyme avec une rose ferait l'affaire. Mais que lui dire ? J'ai tergiversé pendant un long moment ; j'avais l'argent dans mon sac, je passais au CDI (l'endroit où l'on commandait les roses) tous les jours, mais je n'achetais pas de rose. Le dernier jour, finalement, c'est en rougissant que je suis allée voir mon amie qui est au CVL pour lui chuchoter à l'oreille le nom de la personne à qui je voulais envoyer la rose. J'ai écrit sur un petit papier les mots « Joyeuse St Valentin ! Tu es magnifique <3 » et je n'ai signé que d'un symbole féminin, pour qu'elle sache que ce n'était pas un garçon qui avait envoyé la rose. Et ce fut tout.
Tout ce que j'espérais en envoyant cette rose, c'est qu'elle serait heureuse en la recevant ; heureuse de savoir que quelqu'un pensait à elle. Je m'étais convaincue qu'elle recevrait plusieurs autres roses en plus de la mienne, et qu'elle oublierait mon mot et ma rose dès qu'elle sortirait du lycée pour les jeter dans une poubelle.
Le jour de la distribution des roses, j'ai tout de même été déçue de ne pas la croiser avec ma rose à la main, de ne pas avoir pu observer sa réaction en la recevant, ou encore apercevoir son expression devant cet encombrant présent (on ne peut pas mettre une rose dans un sac... On est obligé de la trimballer à la main). Je ne l'ai donc pas vue ce jour-là, ni le jour d'après, mais une amie m'a raconté qu'elle lui avait parlé, et qu'elle était très intriguée par cette rose et sa mystérieuse mandataire. Elle voulait savoir qui était cette fille, si elle la connaissait, si elle était jolie, et mon amie n'a pas pu s'empêcher de donner une ou deux informations... Sans dire que c'était moi bien sûr ! Et ensuite, les vacances de février ont commencé.
Durant toutes les vacances, je suis sortie, je me suis reposée, j'ai fait mes devoirs, etc.. mais je ne me souviens même plus de si j'ai pensé à elle, ou à la rose.
Au retour des vacances, j'avais presque oublié que je lui avais envoyé cette rose. Je la croisais dans les couloirs, et rien n'avait changé : je la regardais, souriais, et elle ne me voyait même pas.
Et puis, un soir, le 8 mars très exactement, j'ai reçu un appel de mon amie qui m'annonçait, très enthousiaste, que j'avais été découverte !!! Celle à qui j'avais envoyé la rose était allée voir mes photos sur Facebook pour savoir à quoi je ressemblais, et avait même déclaré que j'étais "jolie" et "mignonne". Je me souviens encore de ma joie, et de cette délicieuse angoisse qui m'a tordu le ventre. Je me disais : "Et maintenant...?"
En rentrant chez moi, vers minuit, j'avais une nouvelle mention j'aime sur ma photo de profil, et un nouveau message.
Mon histoire avec Alex venait de commencer.
- Et une semaine après, on avait notre premier rendez-vous !
- Une pizza au bord de la mer, et notre looongue conversation ! On croirait que c'était il y a des années...
- Et après...
- Le 29 mars, tu m'as embrassé pour la première fois. J'ai cru que j'allais m'envoler quand tes lèvres ont touché les miennes.
- Ooooooh... Et deux jours après on était ensemble !
- Oui...
- Et depuis, ta rose est restée dans ma chambre, avec le petit mot. Et chaque fois que je la vois, je pense à toi.
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Constellation
Acak"Le rêve, c'est la roue libre de l'esprit." Pierre Reverdy Quand mon esprit part en roue libre, ça donne ça : une constellation de rêves, de fantasmes, d'idées, de fragments d'une vie imaginaire qui correspond plus ou moins à la mienne ; des choses...