5.Gaya

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Je crachote.

Mes poumons semblent ravagés par le feu. J'ai si mal, que ma poitrine peine à inspirer et expirer l'air gorgé d'eau, bloqué dans mes voies respiratoires.

Mais si j'ai mal, c'est que je suis en vie, non ?

Les Dieux ne seraient pas si cruels ?

On m'a toujours inculqué le fait que le monde des anciens, la Nohaa, était un endroit calme et serein. Peuplé d'êtres aimés disparus. Un lieu où le temps et la douleur n'ont plus d'emprise sur le corps et l'esprit.

Alors pourquoi ai-je l'impression qu'un torrent de lave tente de jaillir de mes narines en me ravageant l'intérieur au préalable ?

Une nouvelle salve de toussotements m'oblige à me retourner face contre terre, et à recracher une eau épaisse mêlée de salive.

Je prends une longue et profonde inspiration. Une autre. Petit à petit, cela devient moins pénible. J'arrive enfin à respirer correctement malgré ma gorge brûlante, lardée d'aiguilles chauffées au rouge.

Mains à plat sur le sol humide, j'attends que la douleur s'estompe.

Dans mon dos, la cascade continue ses rugissements, insensible à mon état. J'entends presque ses éclats de rire. Heureuse de la farce qu'elle nous a faite.

« Vous ne m'aviez pas vu venir, n'est-ce pas ? », se gausse-t-elle.

L'eau froide de la rivière qui se prolonge et s'écoule pendant encore de longs kilomètres, me chatouille les chevilles.

Je frissonne.

Elle semble si froide comparée à la chaleur sèche presque étouffante de l'atmosphère qui m'entoure. Le soleil écrasant a déjà séché ma peau et commence à me brûler désagréablement.

Habituellement, à cette heure, nous ne sortons pas de nos habitations troglodytes. Il fait bien trop chaud. Si les plantes n'avaient pas évolué et si elles n'étaient pas désormais plus résistantes, il ne resterait rien de la végétation pendant les mois les plus chauds de l'année.

Sortant mes pieds de l'eau, je me redresse en position assise et passe une main hésitante sur mon front.

Un picotement me fait gémir et lorsque je regarde mes doigts, ils sont carmin.

J'ai une plaie ouverte mais peu profonde à la tête.

J'inspecte mon corps : ma tunique de peau a souffert, trouée à plusieurs endroits, mais mon épiderme ne recense que quelques éraflures et une multitude de bleus qui ne tarderont pas à fleurir comme des violettes au printemps.

Je m'en sors bien. Plus que certains de mes pairs...

Mon cœur se pince au souvenir de leurs corps chutant inexorablement vers le sol.

Mes yeux humides se ferment.

Je ne pourrai jamais revenir dans mon village, auprès des miens. Pas si je tiens à la vie. La Grande Kashä me voulait déjà morte, là, elle me fera démembrer et jeter en pâture aux charognards.

Vivante.

Et tout ça, pour quoi ? Parce que je suis faible. Parce que je n'ai pas pu laisser mourir une fille qui m'est étrangère. Qui...

Affolée, j'ouvre les yeux. Où est-elle ?!

Je balaye du regard la rive sableuse sur laquelle j'ai échoué. À une dizaine de mètres, son corps est étendu face contre terre, elle me tourne le dos.

Après les HommesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant