Chapitre neuf, Gaya
Elle est enfin réveillée ! Mon cœur se gonfle de soulagement à sa vue. Me sortira-t-elle de cette impasse ? Je n'ai cessé de leur dire que je n'ai pas voulu ni leur faire peur ni les attaquer, mais que le geste déplacé du grand blond trop pâle m'a surprise. Malheureusement, ils ne me comprennent pas.
Ma compagne d'infortune a l'air aussi mal en point que moi. On a bandé sa blessure à l'épaule avec un linge blanc et ses habits sont propres, mais ce n'est que la partie visible de l'iceberg. Son visage est cireux, ses yeux enfoncés dans ses orbites et ses cheveux sales. Mais au moins, c'est avec soulagement que je vois une étincelle briller dans ses yeux lorsqu'elle hurle à l'encontre des hommes de son clan qui lui font face. À la tête qu'ils font, à quatre contre une seule femme, elle doit au moins avoir l'importance de la Grande Kashä chez nous. À moins que ce ne soit son caractère imbuvable qui en fasse un être si redouté parmi ses pairs.
La scène se déroule comme si je n'en faisais pas partie, comme si je n'étais qu'une simple spectatrice tandis qu'ils s'affrontent.
Quand nous avons traversé les plaines sous un soleil cuisant afin de retrouver les membres de sa tribu pour qu'ils la soignent du poison qui était peu à peu en train de la tuer, je ne m'étais pas imaginé le fossé qu'il y aurait entre nous.
Ils ne sont pas comme ceux de mon peuple. Ils ne sont pas comme moi. Je ne les comprends pas. Outre le langage, ils ne se comportent pas comme nous, ne vivent pas comme nous, ne s'habillent pas comme nous et n'habitent définitivement pas dans les mêmes habitations.
L'endroit est enterré. Ça ne me change donc pas des grottes à flanc de falaise que mon peuple habite. Mais ici, tout est gris, métallique, froid. La lumière est produite sans feu et sans soleil. Les portes s'ouvrent sans la main de l'Homme. Des voix surgissent du néant et grésillent dans nos oreilles comme portées par des nuées de sauterelles bourdonnantes.
Ils semblent en possession d'outils et de connaissances avancés, auxquels je n'aurais jamais pensé, même en rêve. Ces menottes, pour commencer. À chaque fois que je tente un geste trop brusque, une décharge courte, mais puissante m'immobilise, brûlant la chair de mes poignets. C'est un calvaire et aucun des quatre hommes qui m'entourent ne semble s'en soucier.
J'ai honte de l'avouer, mais son monde me fait peur. C'est pourquoi, lorsqu'elle se penche finalement sur moi afin d'examiner mes poignets meurtris, une inquiétude sincère dans les yeux, je ne peux m'empêcher de soupirer de soulagement.
— P...putain, je lance une nouvelle fois.
J'ai compris que ce n'était pas son nom, mais c'est le seul mot que je sais dire dans sa langue. Étrangement, il me réconforte.
Elle m'observe un instant, l'air de se demander si je ne suis pas totalement demeurée, puis pose sa paume contre sa poitrine.
— Émilie, me dit-elle d'une voix calme et douce. Émilie.
Je hoche la tête, lui faisant comprendre que j'ai saisi, puis, à mon tour, je me désigne.
— Gaya.
Elle me sourit puis son regard tombe de nouveau sur mes poignets. Un claquement de langue sort de sa bouche et elle fronce les sourcils avant de se retourner vers ses compagnons. La mine sévère, elle les invective dans une longue tirade aux notes colériques. Je n'en comprends pas le sens, mais trois des quatre hommes semblent si mal à l'aise qu'ils pourraient se liquéfier sur place. Le dernier bougonne, mais lui aussi semble regretter. Mais quoi ? La façon dont ils viennent de me traiter alors que je leur ai ramené l'une des leurs ?
![](https://img.wattpad.com/cover/91212098-288-k83942.jpg)
VOUS LISEZ
Après les Hommes
Science Fiction"- Putain de bordel de merde, putain de bordel de merde... C'est tout ce que mon cerveau réussit à répéter en boucle depuis deux bonnes minutes. Je lague, comme un vieil écran d'ordinateur." Gaya et Emilie n'ont RIEN en commun, pourtant, si elles ve...