Chapitre 1

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Cette nuit-là, la lune était pleine. Aucun nuage ne venait obscurcir le ciel, et on pouvait aisément voir toutes les étoiles. C'était une nuit de mai, il faisait frais et tout dormait au Jardin des Plantes de Paris.

Soudain, à minuit, un rayon de lune accrocha un bouton de muguet qui se mit alors à briller d'un intense éclat blanc. Le bouton s'ouvrit doucement, et lorsqu'il fut complètement ouvert, la lumière qui en émanait sembla en sortir sous la forme d'une petite boule jaune, qui s'envola lentement, bien qu'il n'y ait pas de vent.

La petite boule virevolta au-dessus des immeubles et des rues de la ville lumière, jusqu'à se trouver au dessus de la Tour Eiffel. Elle se mit alors à tomber en planant tout doucement, comme une plume. Puis, un cercle bleu brillant apparut sous la tour et aspira la petite boule. Ensuite, le cercle disparut.

Dans une forêt inconnue, il se passa alors quelque chose. Au centre de cette forêt se trouvait une clairière, et dans cette clairière se trouvaient une multitude de cercles bleus, comme celui qui était apparu sous la Tour Eiffel. Un homme d'une cinquantaine d'années était assis sur un tronc d'arbre et somnolait. Il portait une sorte de robe verte et bleue, et des chaussures qui ressemblaient à des babouches.

Tout à coup, un des cercles bleus devint rouge et l'homme se réveilla en sursaut. Il se précipita vers le cercle et en vit sortir la petite boule jaune lumineuse. Un grand sourire passa sur ses lèvres et il regarda la petite boule monter vers le ciel pendant que le cercle rouge redevenait bleu. Alors, l'homme s'envola à son tour. Quand il était en l'air, une espèce de poudre jaune scintillante tombait de son corps. Il rejoignit la petite boule et la suivit tandis qu'elle survolait la forêt.

À environ cinq cent mètres de la lisière de la forêt se trouvait un arbre gigantesque. Il devait faire près de cent mètres de haut, et son tronc semblait si gros que cent cinquante personnes n'en auraient pas fait le tour. Ce tronc comportait de nombreux trous, plus ou moins grands, desquels émanait de la lumière, comme si ces trous étaient des fenêtres et l'arbre une maison. Aux alentours de soixante-dix mètres de haut, le tronc se séparait en quatre grosses branches qui, quelques mètres plus haut, se ramifiaient elles-mêmes en d'autres petites branches, si bien que l'arbre avait en fait quatre feuillages. La première branche était couverte de petites fleurs roses, la seconde était pleine de belles feuilles vertes, les feuilles de la troisième jaunissaient, et arboraient des teintes allant du jaune au cuivre, et enfin la dernière n'avait pas de feuilles du tout.

Au pied de l'arbre se trouvait une multitude de petites maisons qui ressemblaient à des cases africaines. Quand l'homme arriva avec la petite boule à ses côtés, des lumières s'allumèrent petit à petit dans les maisons, et des femmes et d'autres hommes en sortirent en s'envolant comme l'homme de la clairière. Tous se dirigeaient vers les plus grandes fenêtres de l'arbre.

Ces fenêtres donnaient sur une immense salle, très lumineuse bien qu'il fasse nuit, qui devait faire quasiment le diamètre du tronc et au moins quinze mètres du sol au plafond. Des tribunes étaient en train d'apparaître le long des murs, ou plutôt de l'écorce, qui ne comportait pas de fenêtres. Des dizaines de personnes s'y installaient petit à petit. Au centre de la salle se trouvait une sorte de grand bassin dans lequel tombait, depuis un creux dans le plafond, de la poudre jaune brillante, comme celle que faisaient tomber les gens qui volaient. Au bord du bassin se trouvait une table, qui semblait avoir poussé là et faire partie de l'arbre. À côté de celle-ci se trouvaient un vieil homme en robe blanche, et à côté de lui, un homme et une femme qui devaient avoir une trentaine d'années et qui se tenaient la main.

Quand l'homme de la clairière arriva à côté de la table, il guida la petite boule pour qu'elle s'y pose. Il se plaça ensuite à côté du couple.

Soudain, d'un trou dans le plafond sortit une grosse boule de lumière blanche qui vint se placer devant la table, tandis que des murmures montaient des tribunes qui étaient maintenant pleines à craquer. Quand elle se fut complètement immobilisée, la boule, dans un intense éclat lumineux, se transforma en un grand homme qui paraissait avoir entre trente-cinq et quarante ans, et qui portait une longue robe couleur or. Cet homme volait à une trentaine de centimètres du sol, et le bas de sa robe se confondait avec la poudre jaune qui en tombait. On ne voyait pas ses pieds. Sur sa tête se trouvait une sorte de bonnet pointu, couleur or lui aussi, entouré d'une couronne ornée de rubis resplendissants.

L'homme à la robe blanche s'avança d'un pas et salua le nouveau venu:

-Bonsoir monsieur le roi!

-Bonsoir monsieur le gardien de l'arbre-palais! Mais laissons là les formules de politesse barbantes, me faire appeler par ma fonction me met mal à l'aise.

Puis le roi s'adressa à l'assemblée présente dans la salle:

-Mesdames, messieurs, magiciens, magiciennes, vous êtes venus nombreux ce soir assister à notre première naissance depuis plus de deux ans. Comme vous le savez, cette boule d'énergie vient d'une fleur de la Terre qui a reçu un rayon de pleine lune, et c'est le gardien des portails qui l'a escortée depuis la clairière des portails jusqu'ici. Le gardien de l'arbre-palais va maintenant verser une coupe de poudre magique dessus, et un petit magicien ou une petite magicienne va naître et sera confié au couple ici présent, qui a été choisi par la pierre lunaire. Je vous en prie gardien!

Le vieil homme fit alors apparaître dans sa main une coupe argentée puis se dirigea vers le bassin de poudre magique. Il y plongea la coupe et la ressortit pleine de poudre jaune brillante. Il s'approcha ensuite de la table sur laquelle se trouvait toujours la petite boule jaune. Enfin, il versa délicatement le contenu de sa coupe sur la boule.

Quand il eut fini de verser la poudre, la boule se mit à briller d'un intense éclat blanc. Tous les spectateurs étaient silencieux et regardaient la scène avec des yeux émerveillés. Soudain, l'éclat lumineux devint bleu et plus intense encore. Le public semblait déconcerté et des murmures se firent entendre. Le roi avait l'air inquiet et le gardien fixait la surface de la table avec de grands yeux ronds. Le roi reprit alors la parole:

-Silence s'il vous plaît ! Ce qui arrive ne s'est pas produit depuis deux cent soixante-trois ans. Le gardien va entrer en transe et énoncer une prophétie. Surtout n'ayez pas peur et taisez-vous!

Le gardien ferma les yeux et fut alors pris de tremblements. Il gémissait et semblait se renfermer sur lui-même. Soudain, il se redressa et rouvrit les yeux. Ceux-ci brillaient maintenant du même éclat bleu que la boule. Il parla d'une voix forte qui semblait doublée d'une autre plus grave:

-Cet enfant sera voué à accomplir de grandes choses. Dans dix-huit ans se produiront de sombres événements, et vous devrez tous vous unir si vous voulez éviter la guerre. Cet enfant sera votre plus grand espoir. Mais n'oubliez pas que la peur est une étrange chimère qui peut vous transformer en d'horribles monstres sans plus aucune humanité...

Il avait prononcé ces derniers mots d'une voix faiblissante, puis il tomba sur le sol, inconscient. Quand la lumière disparut, il y avait un bébé sur la table, qui dormait paisiblement. Un silence de mort régnait dans la salle.

Un monde aux portes de la TerreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant