Chapitre 5 :Tout est dans le poignet

164 24 19
                                    

Je suis resté un petit moment scotché  à mon siège .
Malgré tout ça, elle n'avait pas bronché.
Pas de vacillement dans la voix, de crise de nerfs où les doigts virevoltent sur le cuir du canapé, de larmes...
Non, elle était calme.

- Aller William...on vas y aller.

- Attend! J'ai eu un dernier repas, une dernière histoire...je pourrais pas avoir...Un dernier jeu? Un tout ptit jeu, riquiqui,qui prend pas beaucoup de temps...

- C'est si dur que ça de faire ton deuil? Tu arrêtes de te prendre pour un surhomme?

- Bah oui c'est dur! Je viens de réaliser tout juste maintenant.

Le bourdonnement de mon cerveau me faisait mal à la tête, et mon coeur se perdait dans mes côtes, s' écrasant avec violence pour noyer mes artères.

Elle soupira avec un léger sourire. Je ne sais pas ce qu'elle y gagnait, mais elle accepta.

- À quoi veux-tu jouer dans ce cas?

- J'ai vu un billard par le trou de la serrure tout à l'heure...Mais impossible d'y entrer.

- C'est mon salon personnel...dit-elle comme un enfant refusant de partager.

- Il y aurait moyen d'y faire un tour? Dis-je un peu anxieux. 

Après un soupire qui voulait tout dire, elle se leva et sortit une clef de sa poche, puis ouvrit la porte d'un petit coup sec.
Les murs de la pièce étaient capitonnés de rouge, des panneaux de LEDs étaient disposés sur la plupart, avec des vieux messages ringards scintillants dessus .
Je ne savais pas qu'on en faisait encore.
Visiblement le style pub anglais, c'est son truc.

Il y avait un pinball dans le coin, à côté d'un mini réfrigérateur et d'une cible de fléchette,et bien sûr, trônant au centre de la pièce, sous la lampe diffusant une petite lumière jaune tamisée, la table de billard .
C'était très calme avec une odeur de bois laqué et de vieux cuir.Idéal pour se détendre...

Bizarrement, le triangle était déjà en place, toutes les boules dedans, deux queues à côté.

- Vous aviez déjà prévu le coup?

Elle ne répondit pas , mais avais un petit sourire de malice qui avait de la peine à être dissimulé.

- Tu veux prendre lesquelles? Demanda-t-elle joueuse.

- Mmm...Les pleines.

Elle me lança une queue et me dit d'un air serein.

- J'espère que t'es pas trop mauvais...j'ai des centaines d'années de pratique.

- On va voir ça tout de suite,dis je en retirant le triangle. Qui casse?

- Je te laisse commencer,me nargua la Mort en reculant.

Je me plaça donc, fixant la bille blanche, la mosaïque coloré du triangle, et d'un coup sec la dispersa sur le tapis, sous l'oeil discret et opalin de ma ravisseuse  .

Elle se mit à jouer de manière très décontracté, frappant avec exactitude chacun de ses coups, ce qui ne l'empêcha pas de faire quelques petites erreurs, une mauvaise rotation, des ricochets incontrôlables.Mais elle empocha la victoire...

Faut dire que je faisais des grosses boulettes . Et va y que je rentre la blanche, que je frappe la 8 noire.Aie aie aie...

- Pfiou...7 à 4...bah dis donc, tu transpire Will!On fait ça en 3 manche j'imagine?

- Oui.Histoire que j'en gagne au moins une,dis-je,beaucoup moins sûr de mon dernier moment sur Terre.

- Ne soit pas trop optimiste , me dit elle en tirant la langue.

The Death in a suit and tieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant